mercredi 30 avril 2008

Etude de « la cuiller sale » in Les nouveaux contes d’Ahmadou Coumba de Birago Diop

Introduction 

Le conte de « la cuiller sale » appartient au type de conte que l’on pourrait appeler conte merveilleux. La thématique générale de ce conte se rencontre dans plusieurs aires géographiques et avec diverses variantes. Au Sénégal déjà, on l’a parfois sous le titre « Penda l’Orpheline ». Et même chez les Dogons du mali, on a la sœur et la fiancée. Un conte étant toujours un enseignement, nous verrons ce que peut nous apporter l’étude de « la cuiller sale ». 

  I. Vie et œuvre de l’auteur 

  1. la vie de l’auteur 

Né en décembre 1906 à Ouakam, Birago Diop fréquenta l'école coranique. Après sa première scolarité, et ne trouvant de bourse pour poursuivre ses études, il prend le risque d'hypothéquer sa maison familiale et se rendit à Toulouse puis à Paris où il retrouve le groupe de L'Etudiant Noir. A son retour au bercail, il est affecté à Kaye au Mali, ce qui lui donne l'occasion de parcourir la brousse et de faire la rencontre d'Amadou Koumba, griot de la famille maternelle auprès de qui il recueillit beaucoup d'histoires. Birago Diop est à la fois conteur et poète. Il est marqué par l'enracinement dans les valeurs culturelles ancestrales. De même, les traits des mœurs qui caractérisent ses personnages renvoient-ils à la réalité villageoise dans ce qu'elle a à la fois de particulier et d'universel. Il mourut en 1989. 

  2. Les œuvres écrites 

Birago DIOP a à son actif une publication très riche, surtout dans les textes oraux tel que le conte dont le plus célèbre, Contes d'Amadou Koumba publié en 1947 qui sera repris par Nouveaux Contes d'Amadou Koumba en 1958. En 1963 il fait paraître Contes et Lavanes. L'Os de Mor Lam (1966), Contes d'Awa (1977) Dans la poésie on a Leurres et Lueurs, en 1960. Et des mémoires, La plume raboutée, A Rebrousse-temps, A Rebrousse-gens, Du Temps de ... Les yeux pour le dire 

  II. Présentation générale du conte 

1. Résumé 

Binta l'orpheline qui était maltraitée par sa marâtre était très malheureuse, alors que sa demi-soeur Penda se faisait belle et jouait tout le temps. Mais elle sera récompensée de richesses immenses lorsqu'elle alla récurer la cuiller sale à la Mer de Ndayane, alors que sa demi-sœur qui, joyeuse au début, finira par mourir à cause de son manque d'éducation. 

  2. La structure du conte 
 
a. La situation initiale 

Présentation des protagonistes dont Binta, sa méchante marâtre, son faible père et sa fainéante demi-sœur Penda. Et, quel que soit le travail, il n’y avait rien d’anormal, pourvu qu’elle reste dans la maison familiale. Binta endurait tout : «ni les grands travaux, ni les vexations, ni les cris, ni les coups » de sa marâtre ne l’ébranlaient. La situation de manque se traduit donc chez Binta par l’absence de sa mère qui est morte. Mais cela se comble petit à petit, car Binta allait souvent solliciter l’aide de cette dernière au cimetière. Chez sa demi-sœur Penda, il y a plénitude. Elle a son père et sa mère La situation initiale était stable jusqu’à ce que la marâtre envoie Binta laver la cuiller sale à la mer de Ndayane. Celle-ci se met en route. Sa quête commence ainsi. « Lasse, vraiment lasse, … Binta avait oublié parmi les nombreux ustensiles et calebasses qu’elle avait à récurer après chaque repas, une toute petite cuiller en bois, une toute petite kôk » « Fatiguée de la rouer de coups », elle l’envoya la laver dans la Mer de Ndayane, une mer, en vérité qui n’existe pas. Toutefois, il s’agissait d’un travail domestique ce qu’elle imposa à sa belle fille. En réalité un moyen de la renvoya de la maison. Un problème de jalousie qui cache mal un problème de succession et d’héritage. 

b. Les péripéties : 

Première quête : celle de Binta l’orpheline 
Première séquence : Rencontre « un jujubier qui était en train de gauler lui-même ses fruits » qu’elle salua poliment. - Où vas-tu donc si seul et si tard, mon enfant ? s’enquit le jujubier. - Ma marâtre m’a envoyée laver cette kôk à la mer de Ndayane, expliqua la petite fille. - Que le chemin de Dieu guide tes pas, lui souhaita l’arbre. Il lui offrit des jujubes. 
Deuxième séquence : Trois nuits et trois jours encore « Le soleil hésitait… le visage sombre de la nuit» Binta trouva « deux galettes qui se poursuivaient et luttaient joyeusement » et qui s'informèrent auprès d’elle. Elle leur répondit poliment, et chaque galette lui offrit un morceau. 
Troisième séquence : Trois jours et trois nuits encore « Le soleil était au milieu du ciel… » Binta trouva « une marmite de riz qui se cuisait toute seule », la marmite lui demanda l’objet de sa quête ; à quoi elle répondit gentiment et poliment. Elle reçut une « grosse poignée de riz » 
Quatrième séquence : Rencontre avec la bienfaitrice : Au bout de trois jours, elle rencontre « une plus-que-vieille femme auprès d’une case dont le toit de chaume s’effilochait au quatre vents» qui lui dit qu’elle était arrivée à la mer de Ndayane, en fait la demeure de toutes les bêtes sauvages. La vieille la soumet à des épreuves: 
1re épreuve : Elle lui demande de piler un grain de mil, et Binta s’exécuta sans broncher, et le mortier se remplit de farine dont une seule poignée remplissait une calebasse de couscous. 
2ème épreuve : La Mère des bêtes lui fit cuire un os qui se transforma en viande et remplit la marmite. « Les os étaient certainement rongés depuis la naissance du monde et blanchis depuis plus loin que Ndiadiane Ndiaye ». 
3ème épreuve : Elle prépara le couscous et mangea avec la grand-mère. Puis elle lui donna une aiguille et lui conseilla de piquer doucement les bêtes dessous leur lit pour pouvoir dormir. Ce qu’elle fit, et les animaux quittèrent leur lit. Après avoir préparé et mangé avec la grand-mère, Binta l’orpheline lava la cuiller et reçut de la vieille cinq œufs et des recommandations d’usage : chaque œuf sera cassé en chanta « Vey vêt O ! Vey vêt ! », à l’orée de la savane, au milieu, à l’entrée de la forêt, au cœur de la forêt, et le dernier à la sortie. Ils en sortirent respectivement « des hommes, des femmes, des cavaliers armés montés sur de magnifiques chevaux, des esclaves » qui le suivirent ; « des boubous, des pagnes de toutes teintes et de tous tissus, des mouchoirs de soie, des bracelets, des chaînes » ; « des lingots, de poudre d’or, des bijoux d’or et d’argent, des anneaux, des bracelets, des tas d’ambres » ; des troupeaux de bœufs, de vaches, de taureaux et de génisses ; « toutes les espèces de fauves de la terre, lion, panthères, chacals, hyènes » et les cavaliers les exterminèrent tous. 

Deuxième quête : celle de la demi-sœur Penda. C’est toujours la marâtre la destinatrice, c’est-à-dire celle qui envoie la quêteuse : En ces termes, elle dit à sa propre fille : « - Salis-moi tout de suite cette kôk et va la laver toi aussi à la mer de Ndayane. » Comme Binta sa demi-sœur l’orpheline, Penda se mit en marche… Elle passa par les mêmes étapes, mais à chaque fois qu’elle arrivait aux étapes franchies par sa demi-sœur, elle ne saluait même pas, et criait son indignation devant le fait bizarre : "Depuis que je suis née, c’est la première fois que je vois un arbre se gauler lui-même", ou des interrogations du type: Comment? Incroyable ! dans un monde où rien ne s'explique. Aussi reçut-elle « - Que le chemin de Dieu ne guide pas tes pas ».
Rencontre avec la bienfaitrice : Elle manque de respect à la vieille femme, et presque l’insulta-t-elle lorsqu’elle la soumet aux épreuves de pilage d’un grain de mil. « Autant faire bouillir des cailloux », répliqua-t-elle à la demande de cuire des os. Elle reçut quand même les cinq œufs, mais ne les utilisa pas rationnellement, et cassa au lieu de la première, mais la dernière et fut-elle dévorée par les fauves, et seul son cœur fut épargné car les animaux n’en voulait pas et même Tann-le-Charognard s’en saisit, et le laissa tomber dans le village « en chantant ironiquement ». "Khalé ba démone Guédjou Danyane Khol ba n’gué é é é" 

c. La situation finale 

Binta rentre triomphalement avec ses récompenses : Elle arriva au village avec ses richesses et sa suite. Et « Les mots qu’elle dit en voyant Binta l’orpheline, « nul ne peut les répéter » et « les cris qu’elle (sa marâtre) poussa s’entendent encore de nos jours ». Par contre, sa demi-sœur sera punie pour son insolence (elle se moque de ce qu’elle juge bizarre), son impolitesse (ne salue pas et manque de respect à une personne âgée) et son incrédulité (ne respecte pas la recommandation d’une vieille personne). 

III. Les thèmes La famille

La vie familiale est dépeinte dans le conte à travers l’orpheline maltraitée par sa marâtre. Le rôle d’un père doit être de rétablir la vérité et l’équité. Mais celui de Binta est le plus méprisable des hommes, puisque « le pauvre homme abandonnait sa pauvre fille à son misérable sort et aux mains de sa méchante femme ». 
Le zoomorphisme : Comme dans les littératures populaires de tous les pays, les animaux jouent un rôle important dans les contes sénégalais, et l'on retrouve dans ce conte-ci bien des traits auxquels les fables d'Ésope et de Jean de La Fontaine ont accoutumé les lecteurs occidentaux. Ce monde animal est dominé par la stature et l'autorité de Gayndé-le-Lion, le Bour (roi) des animaux, nommé aussi N'Diaye, du nom de son clan. 
Le merveilleux : les éléments du merveilleux sont nombreux. En effet, on note dès le début la prosopopée ou le fait de parler aux morts, car on nous dit que la mère de Binta dans sa tombe « n’avait jamais pu répondre, on ne sait pourquoi, aux appels de sa fille ». On suppose donc qu’elle peut répondre. Ensuite, les nombreuses personnifications du "jujubier", des "galettes", d'une "marmite de riz" qui se cuit elle-même, et qui parle aux humains. 

  IV. La moralité du conte 

La double éducation : celle de la marâtre pour sa fille et celle de Dieu pour l’orpheline. Telle est la conception populaire de la situation de celui qui a perdu un parent. Comme on dit, c’est Dieu qui veille sur lui. Et les valeurs louées dans ce conte sont la patience (« Binta a longtemps attendu sans désespérer l’aide de sa mère), le courage et le dévouement (Binta est travailleuse, elle ne se repose jamais, malgré les sévices infligés par sa marâtre), la politesse (Elle ne s’est jamais révoltée contre sa marâtre et n’a pas fait de reproche à son faible de père, aussi salue-t-il les étrangers car ne dédaignant pas leur différence). Il est puni chez Penda la méchanceté d’une mère car, dit-on dans cette société, que la femme a les enfants qu’elle mérite suivant le comportement dans son ménage. En effet, la mère de Penda ne respecte pas son mari, elle le fait chanter. Le travail dans la jeunesse est une valeur ici valorisée. Ce n’est pas seulement la gentillesse et la politesse qui sont récompensées, mais surtout son habitude à travailler sans broncher. Ce que prouve d'ailleurs son comportement en face de la vieille. On peut comprendre aussi que la vieille est la réincarnation de la mère de Binta, qui lui vient en aide. Un renversement s’est opéré ici, et celle qui maltraitait la fille d’autrui voit sa fille maltraitée. A travers Penda, on est en face des comportements à ne pas adopter : ne pas être une fainéante et faire les travaux domestiques, ne pas être irrespectueux envers les étrangers et les grandes personnes. Il est puni aussi son manque d’éducation, ce qui fait qu’elle n’a pas compris que les choses n’offrent que des apparences, aussi dit-elle : « Dans ce pays où tout est à l’envers, je crois qu’il vaut mieux toujours commencer par la fin ». Elle commença par sa fin. 

  V. L’oralité dans le conte 

La répétition avec de légères variantes caractérise le conte : « trois nuits et trois jours », « trois jours et trois nuits encore », « au bout de trois jours ». Mais aussi le type de conte en miroir permet de répéter les séquences pour les héros positif et négatif. 

  Conclusion Ce conte merveilleux est également un conte de mœurs car il met en place les règles à respecter dans la société, au risque des punitions sévères, voire la mort, comme c’est le cas de Penda, si on ne les observent pas scrupuleusement. En fait, ce conte est lourd d’allusions qu’on pourrait étudier plus largement, de toute façon un conte a toujours des vérités à livrer, même si c’est une fiction. « Fi la leèb jaaré tabbi aljana »

12 commentaires:

Unknown a dit…

Très bien c'est parfait

Unknown a dit…

Mouhamed seck réalisateur Assistant a Dakar.
Superbe commentaire !

Unknown a dit…

Merci beaucoup c super

Unknown a dit…

Très bon travail bien détaillé.Merci beaucoup.

Unknown a dit…

Tout a été dit une très belle histoire le conte est plus que merveilleux l'éducation est la base de toute relation

Une Lectrice analphabète a dit…

Nos contes africains sont aussi merveilleux les uns que les autres. Et leur touche de fantaisie nous emporte dans leur monde

Unknown a dit…

Trés bon travail

Unknown a dit…

Je suis satisfé en tout cas

Queenexoarmy a dit…

si j'etais une mauvaise eleve j'allais simplement recopier cela et le considere comme mon introduction mais bon je ne serais pas tres honnete dans ce cas mais je veux savoir , c'est pas interdit de prendre quelque exemple dessus non?

Unknown a dit…

Parfait

Unknown a dit…

Oui c'est tre bien détaillé 😙

Arah Kompas Sukses a dit…

Kompas138 adalah situs judi slot online gacor nomor 1 terbaik dan terpercaya indonesia daftar judi gratis bonus new member, bet kecil gampang mudah menang jackpot terus anti rungkad-rungkad club