mercredi 30 avril 2008

Etude de « la cuiller sale » in Les nouveaux contes d’Ahmadou Coumba de Birago Diop

Introduction 

Le conte de « la cuiller sale » appartient au type de conte que l’on pourrait appeler conte merveilleux. La thématique générale de ce conte se rencontre dans plusieurs aires géographiques et avec diverses variantes. Au Sénégal déjà, on l’a parfois sous le titre « Penda l’Orpheline ». Et même chez les Dogons du mali, on a la sœur et la fiancée. Un conte étant toujours un enseignement, nous verrons ce que peut nous apporter l’étude de « la cuiller sale ». 

  I. Vie et œuvre de l’auteur 

  1. la vie de l’auteur 

Né en décembre 1906 à Ouakam, Birago Diop fréquenta l'école coranique. Après sa première scolarité, et ne trouvant de bourse pour poursuivre ses études, il prend le risque d'hypothéquer sa maison familiale et se rendit à Toulouse puis à Paris où il retrouve le groupe de L'Etudiant Noir. A son retour au bercail, il est affecté à Kaye au Mali, ce qui lui donne l'occasion de parcourir la brousse et de faire la rencontre d'Amadou Koumba, griot de la famille maternelle auprès de qui il recueillit beaucoup d'histoires. Birago Diop est à la fois conteur et poète. Il est marqué par l'enracinement dans les valeurs culturelles ancestrales. De même, les traits des mœurs qui caractérisent ses personnages renvoient-ils à la réalité villageoise dans ce qu'elle a à la fois de particulier et d'universel. Il mourut en 1989. 

  2. Les œuvres écrites 

Birago DIOP a à son actif une publication très riche, surtout dans les textes oraux tel que le conte dont le plus célèbre, Contes d'Amadou Koumba publié en 1947 qui sera repris par Nouveaux Contes d'Amadou Koumba en 1958. En 1963 il fait paraître Contes et Lavanes. L'Os de Mor Lam (1966), Contes d'Awa (1977) Dans la poésie on a Leurres et Lueurs, en 1960. Et des mémoires, La plume raboutée, A Rebrousse-temps, A Rebrousse-gens, Du Temps de ... Les yeux pour le dire 

  II. Présentation générale du conte 

1. Résumé 

Binta l'orpheline qui était maltraitée par sa marâtre était très malheureuse, alors que sa demi-soeur Penda se faisait belle et jouait tout le temps. Mais elle sera récompensée de richesses immenses lorsqu'elle alla récurer la cuiller sale à la Mer de Ndayane, alors que sa demi-sœur qui, joyeuse au début, finira par mourir à cause de son manque d'éducation. 

  2. La structure du conte 
 
a. La situation initiale 

Présentation des protagonistes dont Binta, sa méchante marâtre, son faible père et sa fainéante demi-sœur Penda. Et, quel que soit le travail, il n’y avait rien d’anormal, pourvu qu’elle reste dans la maison familiale. Binta endurait tout : «ni les grands travaux, ni les vexations, ni les cris, ni les coups » de sa marâtre ne l’ébranlaient. La situation de manque se traduit donc chez Binta par l’absence de sa mère qui est morte. Mais cela se comble petit à petit, car Binta allait souvent solliciter l’aide de cette dernière au cimetière. Chez sa demi-sœur Penda, il y a plénitude. Elle a son père et sa mère La situation initiale était stable jusqu’à ce que la marâtre envoie Binta laver la cuiller sale à la mer de Ndayane. Celle-ci se met en route. Sa quête commence ainsi. « Lasse, vraiment lasse, … Binta avait oublié parmi les nombreux ustensiles et calebasses qu’elle avait à récurer après chaque repas, une toute petite cuiller en bois, une toute petite kôk » « Fatiguée de la rouer de coups », elle l’envoya la laver dans la Mer de Ndayane, une mer, en vérité qui n’existe pas. Toutefois, il s’agissait d’un travail domestique ce qu’elle imposa à sa belle fille. En réalité un moyen de la renvoya de la maison. Un problème de jalousie qui cache mal un problème de succession et d’héritage. 

b. Les péripéties : 

Première quête : celle de Binta l’orpheline 
Première séquence : Rencontre « un jujubier qui était en train de gauler lui-même ses fruits » qu’elle salua poliment. - Où vas-tu donc si seul et si tard, mon enfant ? s’enquit le jujubier. - Ma marâtre m’a envoyée laver cette kôk à la mer de Ndayane, expliqua la petite fille. - Que le chemin de Dieu guide tes pas, lui souhaita l’arbre. Il lui offrit des jujubes. 
Deuxième séquence : Trois nuits et trois jours encore « Le soleil hésitait… le visage sombre de la nuit» Binta trouva « deux galettes qui se poursuivaient et luttaient joyeusement » et qui s'informèrent auprès d’elle. Elle leur répondit poliment, et chaque galette lui offrit un morceau. 
Troisième séquence : Trois jours et trois nuits encore « Le soleil était au milieu du ciel… » Binta trouva « une marmite de riz qui se cuisait toute seule », la marmite lui demanda l’objet de sa quête ; à quoi elle répondit gentiment et poliment. Elle reçut une « grosse poignée de riz » 
Quatrième séquence : Rencontre avec la bienfaitrice : Au bout de trois jours, elle rencontre « une plus-que-vieille femme auprès d’une case dont le toit de chaume s’effilochait au quatre vents» qui lui dit qu’elle était arrivée à la mer de Ndayane, en fait la demeure de toutes les bêtes sauvages. La vieille la soumet à des épreuves: 
1re épreuve : Elle lui demande de piler un grain de mil, et Binta s’exécuta sans broncher, et le mortier se remplit de farine dont une seule poignée remplissait une calebasse de couscous. 
2ème épreuve : La Mère des bêtes lui fit cuire un os qui se transforma en viande et remplit la marmite. « Les os étaient certainement rongés depuis la naissance du monde et blanchis depuis plus loin que Ndiadiane Ndiaye ». 
3ème épreuve : Elle prépara le couscous et mangea avec la grand-mère. Puis elle lui donna une aiguille et lui conseilla de piquer doucement les bêtes dessous leur lit pour pouvoir dormir. Ce qu’elle fit, et les animaux quittèrent leur lit. Après avoir préparé et mangé avec la grand-mère, Binta l’orpheline lava la cuiller et reçut de la vieille cinq œufs et des recommandations d’usage : chaque œuf sera cassé en chanta « Vey vêt O ! Vey vêt ! », à l’orée de la savane, au milieu, à l’entrée de la forêt, au cœur de la forêt, et le dernier à la sortie. Ils en sortirent respectivement « des hommes, des femmes, des cavaliers armés montés sur de magnifiques chevaux, des esclaves » qui le suivirent ; « des boubous, des pagnes de toutes teintes et de tous tissus, des mouchoirs de soie, des bracelets, des chaînes » ; « des lingots, de poudre d’or, des bijoux d’or et d’argent, des anneaux, des bracelets, des tas d’ambres » ; des troupeaux de bœufs, de vaches, de taureaux et de génisses ; « toutes les espèces de fauves de la terre, lion, panthères, chacals, hyènes » et les cavaliers les exterminèrent tous. 

Deuxième quête : celle de la demi-sœur Penda. C’est toujours la marâtre la destinatrice, c’est-à-dire celle qui envoie la quêteuse : En ces termes, elle dit à sa propre fille : « - Salis-moi tout de suite cette kôk et va la laver toi aussi à la mer de Ndayane. » Comme Binta sa demi-sœur l’orpheline, Penda se mit en marche… Elle passa par les mêmes étapes, mais à chaque fois qu’elle arrivait aux étapes franchies par sa demi-sœur, elle ne saluait même pas, et criait son indignation devant le fait bizarre : "Depuis que je suis née, c’est la première fois que je vois un arbre se gauler lui-même", ou des interrogations du type: Comment? Incroyable ! dans un monde où rien ne s'explique. Aussi reçut-elle « - Que le chemin de Dieu ne guide pas tes pas ».
Rencontre avec la bienfaitrice : Elle manque de respect à la vieille femme, et presque l’insulta-t-elle lorsqu’elle la soumet aux épreuves de pilage d’un grain de mil. « Autant faire bouillir des cailloux », répliqua-t-elle à la demande de cuire des os. Elle reçut quand même les cinq œufs, mais ne les utilisa pas rationnellement, et cassa au lieu de la première, mais la dernière et fut-elle dévorée par les fauves, et seul son cœur fut épargné car les animaux n’en voulait pas et même Tann-le-Charognard s’en saisit, et le laissa tomber dans le village « en chantant ironiquement ». "Khalé ba démone Guédjou Danyane Khol ba n’gué é é é" 

c. La situation finale 

Binta rentre triomphalement avec ses récompenses : Elle arriva au village avec ses richesses et sa suite. Et « Les mots qu’elle dit en voyant Binta l’orpheline, « nul ne peut les répéter » et « les cris qu’elle (sa marâtre) poussa s’entendent encore de nos jours ». Par contre, sa demi-sœur sera punie pour son insolence (elle se moque de ce qu’elle juge bizarre), son impolitesse (ne salue pas et manque de respect à une personne âgée) et son incrédulité (ne respecte pas la recommandation d’une vieille personne). 

III. Les thèmes La famille

La vie familiale est dépeinte dans le conte à travers l’orpheline maltraitée par sa marâtre. Le rôle d’un père doit être de rétablir la vérité et l’équité. Mais celui de Binta est le plus méprisable des hommes, puisque « le pauvre homme abandonnait sa pauvre fille à son misérable sort et aux mains de sa méchante femme ». 
Le zoomorphisme : Comme dans les littératures populaires de tous les pays, les animaux jouent un rôle important dans les contes sénégalais, et l'on retrouve dans ce conte-ci bien des traits auxquels les fables d'Ésope et de Jean de La Fontaine ont accoutumé les lecteurs occidentaux. Ce monde animal est dominé par la stature et l'autorité de Gayndé-le-Lion, le Bour (roi) des animaux, nommé aussi N'Diaye, du nom de son clan. 
Le merveilleux : les éléments du merveilleux sont nombreux. En effet, on note dès le début la prosopopée ou le fait de parler aux morts, car on nous dit que la mère de Binta dans sa tombe « n’avait jamais pu répondre, on ne sait pourquoi, aux appels de sa fille ». On suppose donc qu’elle peut répondre. Ensuite, les nombreuses personnifications du "jujubier", des "galettes", d'une "marmite de riz" qui se cuit elle-même, et qui parle aux humains. 

  IV. La moralité du conte 

La double éducation : celle de la marâtre pour sa fille et celle de Dieu pour l’orpheline. Telle est la conception populaire de la situation de celui qui a perdu un parent. Comme on dit, c’est Dieu qui veille sur lui. Et les valeurs louées dans ce conte sont la patience (« Binta a longtemps attendu sans désespérer l’aide de sa mère), le courage et le dévouement (Binta est travailleuse, elle ne se repose jamais, malgré les sévices infligés par sa marâtre), la politesse (Elle ne s’est jamais révoltée contre sa marâtre et n’a pas fait de reproche à son faible de père, aussi salue-t-il les étrangers car ne dédaignant pas leur différence). Il est puni chez Penda la méchanceté d’une mère car, dit-on dans cette société, que la femme a les enfants qu’elle mérite suivant le comportement dans son ménage. En effet, la mère de Penda ne respecte pas son mari, elle le fait chanter. Le travail dans la jeunesse est une valeur ici valorisée. Ce n’est pas seulement la gentillesse et la politesse qui sont récompensées, mais surtout son habitude à travailler sans broncher. Ce que prouve d'ailleurs son comportement en face de la vieille. On peut comprendre aussi que la vieille est la réincarnation de la mère de Binta, qui lui vient en aide. Un renversement s’est opéré ici, et celle qui maltraitait la fille d’autrui voit sa fille maltraitée. A travers Penda, on est en face des comportements à ne pas adopter : ne pas être une fainéante et faire les travaux domestiques, ne pas être irrespectueux envers les étrangers et les grandes personnes. Il est puni aussi son manque d’éducation, ce qui fait qu’elle n’a pas compris que les choses n’offrent que des apparences, aussi dit-elle : « Dans ce pays où tout est à l’envers, je crois qu’il vaut mieux toujours commencer par la fin ». Elle commença par sa fin. 

  V. L’oralité dans le conte 

La répétition avec de légères variantes caractérise le conte : « trois nuits et trois jours », « trois jours et trois nuits encore », « au bout de trois jours ». Mais aussi le type de conte en miroir permet de répéter les séquences pour les héros positif et négatif. 

  Conclusion Ce conte merveilleux est également un conte de mœurs car il met en place les règles à respecter dans la société, au risque des punitions sévères, voire la mort, comme c’est le cas de Penda, si on ne les observent pas scrupuleusement. En fait, ce conte est lourd d’allusions qu’on pourrait étudier plus largement, de toute façon un conte a toujours des vérités à livrer, même si c’est une fiction. « Fi la leèb jaaré tabbi aljana »

lundi 28 avril 2008

Etude de L’étranger d’Albert Camus

Introduction

Cette étude qui a pour objet de proposer une lecture de L’Etranger d’Albert Camus est une interprétation de divers symboles par lesquels il cherche à représenter son système philosophique ou précisément celui qu’il met en œuvre dans Le Mythe de sisyphe. Il n’est pas superflu de rappeler que L’Etranger comme une mise en image du mythe sisyphe. Si dans ce dernier ouvrage il tente de donner claire conscience du concept d’absurdité ; dans le premier, il s’agit de « dévoiler » absurdité du monde, de susciter le sentiment de l’absurde dans le but de provoquer une réaction en sa présence, un état d’esprit qu’il désigne par terme de révolte. Par rapport à ce double objectif, il met en contribuer ses talents de romancier (technique), du récit et de styliste (technicien) de langue.

I-BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE

1- La biographie


Albert Camus est né le 07 Novembre 1913, à Mondovi près de Bône (actuel Annaba), en Algérie d’un père ouvrier et d’une mère illettrée. Le bac qu’il a obtenu en 1930 lui a permis d’entrer à Hypokhâgne (Sorbonne) en lettre supérieure. Il obtient un D.E.S (diplôme d’étude supérieure) en philosophie, mais ne peut pas se présenter à l’agrégation pour cause de tuberculose. Il a d’abord milité au parti fasciste, puis au parti communiste. Son premier ouvrage L’envers et l’endroit parait en 1937 et il obtient le prix Nobel de littérature le 17 Novembre 1957 et il meurt le 04 Janvier 1960 dans un accident de voiture en compagnie de son ami éditeur Michel Gallimard.

2. Bibliographie

Albert Camus est né le 7 Novembre 1913 en Algérie d'un père d'origine alsacienne et d'une mère d'origine espagnole. La famille est de condition modeste. Il est le deuxième enfant du couple: il a un frère, Lucien, plus âgé de 4 ans. Son père est mobilisé en septembre 1914. Blessé à la bataille de la Marne, il meurt à Saint-Brieuc le 17 octobre 1914. Camus n'a donc pas connu son père. Dès la mobilisation de son mari, Catherine et ses deux enfants vont s'installer chez sa mère à Alger, dans le quartier populaire de Belcourt. Albert et Lucien seront plus éduqués par leur grand-mère, une maîtresse femme, que par leur mère qui abdique toute responsabilité en raison de sa quasi-surdité et d'une difficulté à parler.A l'école, son instituteur, Louis Germain, le pousse à passer le concours des bourses: il pourra ainsi poursuivre ses études au lycée et à l'université. Il lui garde une telle reconnaissance qu'il lui écrira en 1957 lorsqu'il recevra le Prix Nobel de Littérature. Journaliste, écrivain passionné de théâtre, il marque la vie culturelle française de 1936 à 1960.Comme tous les Français d'Algérie, il est traumatisé par la guerre d'Algérie dont il ne verra pas le dénouement tragique. Le 4 Janvier 1960, il trouve la mort dans un accident de voiture.

II- L’ŒUVRE CAMUSIENNE

1-La pensée camusienne


« Le sentiment de l’absurdité au détour de n’importe quelle rue peut frapper à la face de n’importe quel homme ». Selon Camus, la société est sans valeur et fait vivre des homme dans la répétition mécanique des gestes quotidiens qui mènent inévitablement vers la mort .D’où, ce n’est pas le monde qui est absurde en soi mais la relation que l’homme entretient avec lui alors à quoi bon vivre ? L’absurde est illustré dans Caligula (1945), L’Etranger (1942), Le Mythe de Sisyphe. Si Camus accepte que la vie n’a pas de sens, il refuse cependant la démission. C’est-à-dire le suicide et le nihilisme. Il rejet également l’action révolutionnaire qui, selon lui conduit à l’oppression et au crime. Il prône plutôt la double exigence de la lucidité et de l’authenticité. Dans le comportement, il préconise le lutte et l’action et il demande de trouver une raison de vivre dans l’exercice de la solidarité

2- L’écriture camusienne

Camus utilise souvent la technique béhavioriste (ensemble de procédés visant à décrire que le comportement)
On note également un certain lyrisme dans l’expression de la nature, de la mer ou du soleil. Il mêle le pastiche et la démystification pour tourner en ridicule la justice, la morale conventionnelle et l’administration.

III-ANALYSE DE L’ŒUVRE

1-Camus parle de l’Etranger

Voici ce qu’il écrit en 1955 dans la préface à l’édition américaine. « J’ai résumé l’Etranger il y a très longtemps par une phrase dont je reconnaît paradoxale. "Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort. Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu ». En ce sens il est étranger à la société où il vit, il erre en marge dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle et c’est pourquoi des lecteurs ont été tenter de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage plus conforme en tout cas aux insertions de son auteur si l’on se demande pourquoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi surtout dire plus que ce qui est. Et en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on le sent. C’est ce que nous faisons tous les jours pour simplement la vie. Meursault contrairement aux apparences ne veut pas simplifier la vie, il dit ce qu’il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacer.

2. Structure du roman

Le roman est structuré en deux parties. La première s’ouvre sur la mort de la mère de Meursault, et évoque l’attitude du personnage, sa liaison avec Marie et le meurtre de l’arabe. La 2ème partie s’ouvre sur l’emprisonnement du héros et évoque son procès au cours duquel on a plutôt insisté sur son insensibilité et son « cœur de criminel ».
Meursault est condamné à la peine capitale et dans sa révolte contre les institutions judiciaires et religieuses, il rejette son pouvoir en grâce et attend lucidement son exécution.

3. Le résumé

Le narrateur, Meursault, employé de bureau à Alger, apprend que sa mère est morte, dans un asile. Il va l'enterrer sans larmes, et sous un soleil de plomb qui ne fait qu'augmenter son envie d'en finir avec la cérémonie. De retour à Alger, il va se baigner et retrouve une ancienne collègue, Marie. Ils vont voir un film comique au cinéma, et elle devient sa maîtresse. Un soir, Meursault croise Salamano, un voisin, et est invité par Raymond, un autre voisin de palier. Ce dernier, ancien boxeur, lui raconte sa bagarre avec le frère de sa maîtresse, et lui demande d'écrire une lettre qui servira sa vengeance. Quelques jours plus tard, Raymond se bat avec sa maîtresse et la police intervient. Meursault accepte de l'accompagner au commissariat.
Invité par Raymond à passer un dimanche au bord de la mer dans le cabanon d'un ami, Masson, Meursault s'y rend avec Marie. Après le repas, les hommes se promènent sur la plage et rencontrent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Ils se battent et Raymond est blessé. De retour au cabanon, Meursault le tempère et lui prend son revolver, pour lui éviter de tuer. Reparti seul sur la plage, il retrouve par hasard le frère, qui sort un couteau. Assommé par le poids du soleil, il se crispe sur le revolver et le coup part tout seul; mais Meursault tire quatre autres coups sur le corps inerte.
Meursault est emprisonné. L'instruction va durer onze mois. Il ne manifeste aucun regret lorsqu'il est interrogé par le juge, aucune peine lorsque son avocat l'interroge sur les sentiments qui le liaient à sa mère. Le souvenir, le sommeil et la lecture d'un vieux morceau de journal lui permettent de s'habituer à sa condition. Les visites de Marie s'espacent.
Le procès débute avec l'été. L'interrogatoire des témoins par le procureur montre que Meursault n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère, qu'il s'est amusé avec Marie dès le lendemain et qu'il a fait un témoignage de complaisance en faveur de Raymond, qui s'avère être un souteneur. Les témoignages favorables de Masson et Salamano sont à peine écoutés. Le procureur plaide le crime crapuleux, exécuté par un homme au coeur de criminel et insensible, et réclame la tête de l'accusé. L'avocat plaide la provocation et vante les qualités morales de Meursault, mais celui-ci n'écoute plus. Le président, après une longue attente, annonce la condamnation à mort de l'accusé.
Dans sa cellule, Meursault pense à son exécution, à son pourvoi et à Marie, qui ne lui écrit plus. L'aumônier lui rend visite, malgré son refus de le rencontrer. Meursault est furieux contre ses paroles, réagit violemment et l'insulte. Après son départ, il se calme, réalise qu'il est heureux et espère, pour se sentir moins seul, que son exécution se déroulera devant une foule nombreuse et hostile.

4. Espace et temps

La première partie se déroule principalement à Alger à l’Asile des vieillards à Marengo (80 kilomètres d’Alger) et à la plage où Meursault commet le meurtre. Cette partie dure environ trois semaines.
La deuxième se situe à la prison, la maison d’arrêt et on a le procès de Meursault qui dure un peu plus d’une année.

5. Les personnages

a. Le héros Meursault

Il vit une triple solitude : physique, car ayant un repaire de relation amicale très mince ; morale, puisque ses concepts sont différents des valeurs auxquelles la société s’attache ; philosophique, parce que tout lui est égal.
Toutes ces actions sont fondées sur une vision personnelle des choses. C’est pour cela que Camus écrit : « On ne se tromperait pas en lisant dans l’Etranger, l’histoire d’un homme qui sans attitude héroïque accepte de mourir pour la vérité »
Meursault ne choisit pas ses amis. Ce sont plutôt ceux-ci qui le choisissent. Il ne s’intéresse à eux que dans la mesure où ils peuvent lui servir à quelque chose, les conservations avec Raymond Sintès, l’amour physique avec Marie. La restauration avec Céleste… le seul personnage à qui il semble le plus proche est le vieux Salamano qui a vécu la même expérience que lui. Ceux qui prétendent sauver Meursault sont ceux qui parviennent le moins à le toucher. C’est le cas du juge et de l’aumônier qui cherche à le convertir. Il y a aussi le vieux Perez et le directeur de l’Asile qui s’assure de sa condamnation en insistant sur son insensibilité.

b. Les personnages secondaires

Les autres personnages ne sont des silhouettes, des personnages de faire-valoir, car ils n’ont aucune épaisseur en dehors de leur relation avec Meursault. D’ailleurs il sollicite son amour ou son amitié. C’est qu’ils sont vus à travers le regard du personnage-narrateur. Cela fait supposer que Meursault avait une vie déserte.
Raymond : Il sollicite l’aide et l’amitié de Meursault. Meursault lui écrit sa lettre de vengeance. On ne sait rien de lui, s’il veut utiliser Meursault ou s’il cherche un ami sincèrement. Est-il un vaurien ? On sait qu’il est un souteneur (entremetteur ou proxénète) nous l’avocat général. Il va donc être son premier ami après la mort de sa mère
Marie : Elle est la compagne épisodique de Meursault, sa « maîtresse ». Elle a la peau brune, gaie. Dans la deuxième partie du roman, elle est quasiment absente et Meursault lui-même se demande si elle ne donne pas « sa bouche à un nouveau Meursault ». Aussi se demandera-t-on si Meursault même aime Marie. D’ailleurs quand on lui a parlé de sa maîtresse, Meursault ne savait pas qu’on lui parlait de Marie, car il ne la considère pas comme telle. Lorsque Marie lui demande s’il l’aimait, il lui répond qu’il ne savait pas. En tout dans son cœur, Marie n’y était apparemment pas.
Les autres comparses sont Céleste, Salamano et le vieux Perez
Salamano est le voisin de palier de Meursault. Ce que Meursault retient de lui c’est qu’il pleurait la perte de son chien. En comparaison avec lui, qui n’avait pas pleurait lors de la mort de sa mère. Il constitue un banc d’essai pour tester les sentiments de Meursault, quant à la réaction de quelqu’un qui perd un être cher.
Perez est le seul homme qui ait pleuré la mort de madame Meursault, ce qui fait qu’il devient un témoin en charge dans le procès de celui qui n’avait pas pleuré la mort de sa propre mère. Ce personnage est donc important pour juger le côté moral du héros.
Les arabes font partie du décor des personnages, permettent de situer l’action dans un pays arabe, ici Alger. Et le fait que le héros en tue un est déjà un signe de culpabilité (le racisme est sous entendu).
Les autres membres de la société : on a le directeur de l’asile de Marengo, le patron de Meursault, le juge, son avocat, l’aumônier. Meursault éprouve un peu de sympathie pour le directeur de l’asile et l’avocat général, ne comprend pas le jeu de son propre avocat et refuse la prière de l’aumônier. Aussi se met-il en marge de la société.

6. Les thèmes

a. L’absurde : Pour Pierre Louis Rey, l’absurde est une notion que Camus trop intellectuel ne peut pas livrer sous forme d’un essai, d’où ce roman. L'étranger est une conceptualisation de l’absurde qui met en évidence un monde injuste où le conformisme est de rigueur, chose que Meursault refuse. Mais l’absurde glisse progressivement sur la révolte avec d’abord... (A poursuivre).

b. La révolte : Meursault est un révolté. Son mutisme est une façon pour lui de ne pas jouer le jeu de la société. Et même s'il a l'occasion de s'exprimer, il dit son opposition ou sa négation. Aussi refuse-t-il souvent, en disons "non".

Conclusion

Lire L'Etranger, c'est un peu comme voir les deux faces de l'homme : celle qui accepte les incohérences et les écarts du monde, signe d'absurdité et de bizarrerie des comportements et réactions, et celle qui se rebelle contre certaines formes d'expression pour affirmer son altérité, son individualité, sa liberté. D'ailleurs, dans son livre La chute Camus fait dire à son personnage, Clamence : "Je fabrique un portrait qui est celui de tous et de personne. Un masque en somme, assez semblable à ceux du carnaval...".

L’aventure ambiguë (1961) de Cheikh Hamidou Kane

Voici le plan indicatif de l’étude du livre

Introduction
I. Vie et œuvre de l’auteur
II. Résumé du roman
III. Structure de l’œuvre
IV. Les personnages
V. Les thèmes dominants
VI. Style et technique
Conclusion

Etude de la composition par les étapes

III. Structure de l’œuvre

Pour mieux saisir le déroulement de l’action du roman, on peut considérer, au-delà des épisodes ou les étapes dans la narration, on est en face du drame d’un personnage, Samba Diallo, drame qui symbolise celui de toute une race.

1. La situation initiale

Le récit commence par un manque, et un manque qui est en train d’être comblé. En effet Samba doit acquérir des connaissances coraniques pour un jour succéder au maître et assurer la pérennité de la religion et de son enseignement. Cette quête c’est le maître lui-même qui le veut d’abord, comme il le dit à la page 22 « Encore un an et il devra, selon la Loi, se mettre en quête de son Seigneur ».
Dans cette situation initiale, le narrateur présente les personnages, le maître, Samba Diallo, le Chevalier, la Grande Royale, le Chef des Diallobé, le directeur de l’école étrangère…

2. Les étapes

a. Le manque
Le pays des Diallobé est en train d’être rongé par le mal de la colonisation, et la Grande Royale de dire « La tornade qui annonce le grand hivernage de notre peuple est arrivée avec les étrangers » p. 57. Et la quête va commencer, car il fallait apprendre chez eux pour apprendre « à lier le bois au bois... pour faire des édifices de bois... » et « l'art de vaincre sans avoir raison ». C’est au fond cet art là qui manquait aux Diallobé. Cette décision va être prise par la Grande Royale dans une société très phallocratique (dominée par la toute puissance de l’homme).

b. Le choix du héros pour la quête
Les qualités que le maître avait vues chez Samba Diallo pour en faire son successeur vont déterminer le choix des Diallobé sur lui. Cela se confirme d’autant plus que les petits blancs de la classe de M. Ndiaye le voient « comme une révélation » et attirait tous les regards. (p. 64) Et le Chevalier, son père, est conscient de l’importance de la mission dont on charge son fils, « La Cité future, grâce à mon fils, ouvrira ses baies sur l’abîme, d’où viendront de grandes bouffées d’ombre sur nos corps desséchés, sur nos fronts altérés » (p. 92).

c. La mission de Samba Diallo
Elle pourrait se résumer en une quête d’une autre civilisation, celle de l’Occident. De son village natal de L., Samba Diallo ira en France pour poursuivre ses études. Son aventure celle du peuple africain et même de tous les peuples colonisés acculturés, hybrides.

d. La rencontre avec les bienfaiteurs
En Occident, il rencontre différents personnages, avec qui il va se lier d’amitié, et qui lui permettront surtout de mesurer les différences entre la civilisation des Diallobé et celle des occidentaux. Parmi ces personnages, on peut citer le Pasteur, l’avocat antillais Pierre-Louis, Lucienne et Adèle. Mais surtout c’est Lucienne qui lui avouera l’importance de sa culture en ces termes : « Samba Diallo (…), le lait que tu as sucé aux mamelles du pays des Diallobé est bien doux et bien noble. Fâche-toi chaque fois qu’on te contestera et corrige le crétin qui doutera de toi parce que tu es noir. Mais, sache-le aussi, plus la mère est tendre et plutôt vient le moment de la repousser… » (p. 156)

e. Le retour de Samba Diallo
Le retour de Samba Diallo au pays de ses aïeux se fera d’abord spirituellement, ce qui lui fait dire, « Je ne sais pas si on retrouve jamais son chemin, quand on l’a perdu » (p. 174) C’est son père, le Chevalier qui lui demandera de venir par le biais d’une lettre. (p. 174)

3. La situation finale

La mission de Samba Diallo était de retrouver l’identité culturelle du nouveau Diallobé. Mais à un moment donné, il en aura marre et s’interrogera ainsi : « Que me font leur problème ? » Voilà pourquoi il n’est pas aller jusqu’au de sa quête, car il avait peur de perdre son identité. A la fin il sera tué par le fou qui lui intime l’ordre de prier. Cette mort sera ainsi une sorte de retour sur soi, de retour à l’état originel, car avant de mourir il dira « Mer, la limpidité de ton flot est attente de mon regard. Je te regarde, et tu reluis, sans limites. Je te veux, pour l’éternité » (p. 191).

Etude : Ascension sociale dans Le Père Goriot

Introduction

Le XIXème siècle est un siècle marqué par l’émergence du capitalisme qui aura comme conséquence la division de la société en deux classes : la bourgeoisie et le prolétariat. Ainsi dans cette société, l’argent est le maître mot, la réussite sociale, le but de tout le monde.
Balzac, à l’instar des écrivains réalistes, s’intéresse aux mœurs sociales à travers son roman, Le Père Goriot qu’il publie en 1834, où le ressort de l’action est l’ascension sociale des personnages. L’étude de ce thème s’intéressera d’abord à la puissance de l’argent, ensuite à l’arrivisme de Rastignac et enfin à la misère morale de la vie parisienne.

I. La puissance de l’argent
En se mariant, les filles de Goriot ont renié leur père. Ainsi, dans ce monde, le « dieu » argent est le seul moyen de s’affirmer, c’est pourquoi Vautrin affirme : « la fortune est la vertu ». A travers le personnage Vautrin, Balzac dénonce les injustices sur lesquelles se fonde l’ordre social. L’argent ici est lié au mal ; le baron Taillefer dépouille sa famille au profit de son fils, en s'accaparant l'héritage de cette dernière.
L’argent n’aurait peut-être pas été ce pouvoir de séduction si la société était fondée sur des valeurs morales élevées ; or la société, selon toujours Vautrin, n’accorde d’estime qu’à l'homme riche « si je réussis personne ne me demandera qui tu es ? je serais M. 4 million citoyen des U. S. A »  dit-il.
L’argent dans cette société parisienne conditionne presque tous les personnages du roman.

Mme Vauquer : Tenancière de la pension, Mme Vauquer est obsédé par le gain ; et ses rapports avec les pensionnaires sont déterminés par la richesse ou la pauvreté de ces derniers.
Sa cupidité est montrée par son désarroi quand les pensionnaires menaçaient de quitter la pension. Devinant que le père Goriot avait de la fortune, elle envisage de se marier avec lui. Mais quand elle découvre les difficultés financières de ce dernier, elle lui prête tous les défauts et dit du mal de lui. Sa haine ne fut pas en raison de son amour, mais de ses espérances trompées.

Vautrin : Autrement appelé Jean Collin, Vautrin est un prisonnier évadé qui tente de cacher sa véritable identité. Il essaie de donner à Rastignac des leçons pour devenir riche en tuant le père de Victorine Taillefer.

Le couple M. Poiret et Mme : Ce couple va dénoncer Vautrin à la police pour gagner la récompense promise pour la capture du prisonnier évadé.

II. L’arrivisme de Rastignac

L’arrivisme de Rastignac se dévoile à travers son parcours. Nouveau bachelier aux lettres et droits, il quitte la province pour venir à la capitale Paris pour continuer ses études. D’abord marqué par sa naïveté, il parvient à dépasser ses illusions d’adolescent en commençant sa formation qui consiste à regarder, à écouter puis à pénétrer dans la haute société parisienne. Ainsi Rastignac devient ambitieux malgré la pauvreté financière de sa famille.
Pour conquérir cette société, il le sait, il faut conquérir les femmes. Dès lors, il utilisera l’arme fatale de la séduction pour arriver à ses fins. Aidé par Mme Beauséant, il parvient à séduire d'abord Anastasie de Restaud puis sa soeur Delphine de Nucingen, la fille du père Goriot. Le personnage arrivera à la lucidité après la mort du père Goriot. Devenu calculateur et arriviste sûr de lui-même, il lance un défi à la ville de Paris : « A nous deux maintenant ».

III. La misère morale de la vie parisienne

Ce roman fait une peinture des vices de la société parisienne. Parmi ces vices qui montrent la misère morale on peut citer : l’adultère, le vol, le mensonge, la cupidité, le meurtre, l’homosexualité, etc.
Cependant, la misère morale de cette société est surtout montrée par les relations existant entre les deux sœurs, Anastasie et Delphine et leur père.

1. Les deux soeurs
- Anastasie de Restaud est la fille aînée de Goriot. Elle épousera le comte de Restaud, pour obtenir un rang social, au moment où celui-ci veut profiter de la richesse de son gendre.
- Delphine de Nucingen est la fille cadette de Goriot qui épouse le baron Frédéric de Nucingen pour les mêmes raisons que sa sœur. Elle aura une liaison avec Rastignac.
Même si elles sont des sœurs, ces personnages ne s’aiment pas pour autant. Leur dispute sera même à l’origine de la mort de leur père qu’elles ont abandonné parce que, financièrement, il ne peut plus rien pour elles. Aussi sont-elles marquées par leur ingratitude envers leur propre père qui s’est pourtant sacrifié pour leur bonheur.

2. La déchéance du père Goriot

Cette déchéance peut être analysée à trois niveaux : physique, affective ou morale et économique. Au niveau physique, cette déchéance est montrée par la dégradation de la santé de Goriot qui finira par mourir dans une souffrance atroce. Cette souffrance est en réalité causée par celle affective. En effet, après la mort de sa femme, il sera abandonné par ses propres filles qui ont même honte de lui. C’est la passion, l’amour qu’il éprouve pour ces filles qui sera à l’origine de sa déchéance économique. Le père Goriot « Christ de la paternité », malade, lassé par l’inquiétude et l’indifférence de ses filles meurt dans les bras de Rastignac qui conduira seul son cercueil au cimetière. En effet, le père Goriot a utilisé toute sa fortune pour le bonheur de ses enfants.

Conclusion

Respectant l’esthétique réaliste, Balzac est parvenu dans son roman à faire une peinture fidèle de la société capitaliste du 19ème siècle en mettant en relief le rôle que l’argent y joue. Comme mot de la fin, nous l’emprunterons au roman pour caractériser sommairement cette société : « L’argent, c’est la vie », page 246.

Etude de Les Soleils des indépendances de Ahmadou Kourouma

Introduction

Les Soleil des indépendances est l’illustration parfaite de la crise sociale qui affecte le groupe Malinké. Les Malinkés détenaient les pouvoirs politique et économique de tout le Horodougou jusqu’à l’arrivée des français. L’implantation de la colonisation avec ses corollaires entraînera la ruine des représentants Malinkés. Il s’est posé dès lors des querelles entre les nouveaux et les anciens dirigeants.
Le roman présente des éléments autobiographiques, Kourouma lui-même est un prince malinké par ses origines. Aussi a-t-il pu s’inspirer de sa vie pour composer le personnage de Fama. Ainsi ressemblait-il beaucoup à Fama et Balla, autres personnages authentiques du roman. Les éléments de la réalité sont très présents dans le texte, et il s’y ajoute des éléments historiques.

I. Biographie et bibliographie
1. Présentation de l’auteur

Ahmadou Kourouma est né en côte d’Ivoire à Boundiali en 1927 dans une famille princière musulmane de l’ethnie malinké. Il a passé une partie de son enfance en Guinée. A l’âge de 7 ans, il est pris en charge par son oncle qui le fait entrer à l’école primaire rurale. En 1947, il est reçu au concours d’entrée à l’école technique supérieure de Bamako. En 1949, il est arrêté comme meneur de grève et envoyé en Côte d’Ivoire. On lui supprime son sursis et il est enrôlé dans le corps des tirailleurs pour un service de trois ans. Il est dégradé quelques mois plus tard, et il se rend en France pour continuer ses études en 1955. C’est à Lyon que son intérêt pour la littérature et l’art d’écrire se précise. Dès son retour en Côte d’Ivoire, il entreprend la rédaction du roman qui deviendra Les Soleils des indépendances qu’il publié à Montréal au Canada en 1968, et aux éditions du Seuil à Paris en 1970. Il meurt en décembre 2003.

2. Bibliographie

Après Les Soleils des indépendances, dont la publication fut refusée d’abord en France, car la langue française y est corrompue par les tournures, les insuffisances du parler Nègre. On attendra près de vingt ans pour voir la publication en 1990 de Monné, outrage et défis aux éditions du Seuil où il peint la période coloniale. En 1999, va paraître En attendant le vote des bêtes sauvages qui dénonce les didacteurs africains ; et en 2000 Allah n’est pas obligé où il parle des guerres civiles qui ont donné naissance à des enfants soldats. Kourouma est aussi l’auteur d’une pièce de théâtre Tougnantigui en 1972.

II. Résumé et composition de l’œuvre

1. Résumé

Fama, prince malinké, dernier descendant et chef traditionnel des Doumbouya du Horodougou, n’a pas été épargné par le vent des indépendances, même du fait de son statut. Habitué à l’opulence, les indépendances lui ont légué pour seul héritage l’indigence et le malheur, une carte d’identité nationale et celle du parti unique. Parti vivre avec sa femme Salimata loin du pays de ses aïeux, Fama en quête d’aumône, se verra obligé d’arpenter les différentes funérailles afin d’assurer son quotidien. Bien qu’incapable de lui donner une progéniture pour perpétuer le règne des Doumbouya, celle-ci s’adonnera corps et âme au petit commerce afin de faire vivre son ménage. Excisée puis violée dans sa jeunesse par le marabout féticheur Tiécoura, elle gardera à jamais le souvenir atroce de ses moments où elle a souffert. Quelques temps après, à la mort de son cousin Lacina, Fama devait lui succéder sur le trône de la capitale de Nikitaï, Togobala. Son retour lui fait découvrir son histoire, la gloire de sa lignée et de son insignifiant héritage, pour une dynastie naguère riche, prospère et respectée. Malheureusement, les indépendances bouleversèrent tout, au système politique et à la chefferie. Fama décida toutefois de vivre en République des Ebènes en compagnie de sa seconde épouse Mariam qui est legs de son cousin Lacina. Malgré les conseil du féticheur et esclave affranchi Balla, Fama se mit en route pour la République durant une instabilité politique. Accusé de complot visant à assassiner le Président et de renverser le régime, il fut arrêté puis enfermé avant d’être jugé. Condamné à vingt ans puis libéré dans la dignité totale d’un homme libre que s’éteignit avec Fama toute une dynastie et son histoire.

2. composition
Le roman s’articule autour de trois parties. La première s’étend sur deux chapitres, la seconde sur cinq et la troisième. L’articulation de l’ensemble est assurée par les retours en arrière, les ellipses et les anticipations, ponctués de vrais âges.

III. Les personnages
Fama : Il est le héros du récit. Il est très grand et très noir. Il a les dents blanches et les gestes d'un prince. Bien qu'il soit réduit à rien, il reste toutefois fidèle aux traditions de sa tribu et continue à porter les costumes d'antan. En malinké, son nom signifie « roi » ou « chef ». Il est le dernier et légitime descendant du prince de Horodougou. Il est devenu un mendiant, un « charognard » comme on le dit, lui qui était élevé dans la richesse. La stérilité de sa femme Salimata met fin à son espoir d’avoir un héritier. Ce vieil homme solitaire et déchu va invoquer la mort qui viendra le trouver dans la dignité.

Salimata : Salimata est une femme sans limite dans la bonté du cœur. Elle a les dents régulières, très blanches et une peau d'ébène. Elle provoque le désir. Le fait que son mari ait une autre femme sous son toit la rend hystérique. Les années passées n'ont en rien affaibli son charme et sa beauté. Elle reste toujours la femme droite, pure courageuse et belle. Sa vie fut bouleversée par son excision et son viol. Et même elle faillit être violée une deuxième fois par un autre marabout Abdoulaye. Déçue par la vie elle quittera son mari sachant qu’elle ne pouvait apporter la paix à celui-ci.

Tiécoura : Dans la case, c’est lui le féticheur qui va violer Salimata, évanouie suite aux douleurs de l’excision. Tiécoura est un marabout féticheur, à l'air effrayant, répugnant et sauvage. Il restera dans l’imaginaire de Salimata. Aussi refusera-t-elle son premier mari à cause de lui : « Bafi puait un Tiécoura séjourné et réchauffé ». Son regard ressemble à celui du buffle noir de savane et ses cheveux tressés sont chargés d'amulettes et hantés par une nuée de mouches qui provoquent la nausée et l'horreur. Il a le nez élargi, avec des narines séparées par des rigoles profondes. Il porte des boucles d'oreilles de cuivre et a un cou collé à l'épaule par des carcans de sortilège. Ses lèvres sont ramassées, boudeuses et sa démarche est peu assurée.

Abdoulaye : C’était un marabout renommé, « Longtemps avant de le voir, Salimata avait entendu parler du marabout sorcier Hadj Abdoulaye ». Il essaiera d’abuser de cette dernière, et reçut d’elle un coup qu’il n’oubliera pas.

Mariam : Elle n’apparaît pas beaucoup dans le texte. Elle est souvent évoquée par les autres personnages. Inconsciente, irresponsable et agissant surtout par réflexe au début, elle s’affirme de plus en plus et provoque même ouvertement Fama, oubliant le deuil. Seconde épouse de Fama, elle est la cause de l'hystérie de Salimata. Elle est belle, ensorcelante, la femme parfaite pour le reste des jours d'un homme. Dans ses yeux vifs, on peut lire la tendresse et le tempérament. Elle est bien plus belle et séduisante que Salimata. Malgré son caractère bien trempé, elle affiche toujours un petit sourire. Mais avec Fama en ville, elle sera la première à le délaisser et déserter le toit conjugal sans aucun remords. C’est une femme très légère et « elle ment comme une édentée, elle vole comme une toto… » dit Diamourou.

Balla : le vieil affranchi aveugle est un homme gros et gras. Il porte toujours des vêtements de chasseur et son pas est hésitant. Des essaims de mouches tournent autour de son visage boursouflé, jusque dans le creux des yeux et des oreilles. Ses cheveux tressés et chargés de gris-gris lui donnent un air grotesque qui n’enlève rien à la crainte qui émane de lui. Il se compare lui-même à un vieux chien ou à une hyène solitaire. C’est le personnage le plus attaché aux traditions et à l’histoire de son peuple. D’ailleurs, c’est lui qui interprète les songes, prédit l’avenir et indique les dispositions à prendre dans certaines circonstances. Il avertit FcCa de sa mort s’il venait à rentrer à la République.

Diamourou : le griot est l’un des rares personnages à s’adapter aux finesses des indépendances. Il partage avec Balla une longue expérience dans le village.

IV. Les thèmes

1. La ville et le village

La description de la ville laisse transparaître la volonté d’opposer symboliquement la condition des Noirs et celle des Blancs. D’un côté nous avons l’opulence des bâtiments en bétons, de l’autre la pauvreté des cases. Le village de Togobala constitue pour Fama le lieu de survivances des coutumes et des traditions, le lieu du souvenir et du retour aux sources. Mais durant cette période des indépendances, le village n’offre pas d’espoir ni de perspective, aussi Fama préférera retourner en ville.

2. La stérilité
La stérilité est brossée dans le texte à travers le couple Salimata Fama, mais cette idée dépasse le couple et s’étend à la tribu, au pays, au monde malinké. Elle symbolise l’improductivité et l’incapacité à assurer la relève et la conservation d’une certaine espèce. Elle a revêt alors une signification symbolique.

3. Les traditions et les croyances

La nuit est présentée comme chargée de misère, et les hommes sont attentifs aux comportements des animaux. La mort est considérée comme un passage dans l’invisible. Les exigences morales sont aussi évoquées à l’humanisme, la paternité, la solidarité, l’hospitalité mais aussi le devoir de procréer qui concerne aussi bien l’homme que la femme.

4. La religion

La religion musulmane et les pratiques animistes se côtoient, se chevauchent quand il s’agit de conjurer un mauvais sort ou de demander une faveur à Dieu ou aux puissances occultes de l’au-delà. C’est ce qui explique la présence de Balla et de Tiécoura à côté des pieux Diamourou et Fama. La synthèse est quand bien même réalisée par Fama.

5. L’excision

L’épreuve délicate et douloureuse est à la base de toutes les souffrances de Salimata. Dans sa description, le narrateur relate à la fois les questions, les significations, l’atmosphère et la personnalité de celle qui opère sans oublier les chants traditionnels et les lamentations des exciseuses.

6. Les indépendances

Le roman dit la déception des malinkés dont les prestiges politiques sont perdues à cause de la colonisation. Mais, c’est surtoOn les indépendances qui sonnent le glas des vestiges du peuple.  Il s'agit ainsi de l’apparition d’une nouvelle classe politique qui rejette la classe politique traditionnelle, c’est le régime des fils esclaves.

7. La bâtardise

L’idée de bâtardise parcourt tout le roman. On la retrouve dans le délire final de Fama comme dernière insulte. Elle prend cette signification variée qui se ramène à l’idée d’authenticité et de légitimité que Fama porte en lui. D’ailleurs, selon son aigri (mécontent) qui ne comprend pas que les choses soient finies et qu’elles ne reviendront plus.

V. Le Style

En pliant la langue française aux exigences de la pensée et des structures linguistiques des Malinkés, Kourouma a donné à son récit une vigueur et un relief saisissant. Tandis que les uns criaient au scandale, d’autres étaient séduits par l’originalité du français l’auteur. Dès lors, il devient adéquat de comparer le récit dans l’univers malinké : « Je n’arrivais pas à exprimer Fama de l’intérieur et c’est alors que j’ai essayé de le trouver dans le style malinké. Je réfléchissais en Malinké, je me mettais dans la peau de Fama pour présenter la chose », dit Ahmadou Kourouma.
En effet, l’auteur a volontairement tordu le cou à la langue française pour mieux ressortir ses idées. C’est ce qui explique la prédominance d’expressions typiquement malinké dans l’œuvre. Et le nombre de métaphore, d’images et formules purement du malinké confèrent au roman sa couleur locale et son originalité.

VI. Signification de l’œuvre

Les Soleils des indépendances connote la déchéance physique et morale, la misère, voire les déceptions nées des indépendances. Ce nouveau monde annoncé comme période de libération et de faste apparaît comme la négation d’un univers authentique, traditionnel. Cette œuvre symbolise la désillusion découlant de l’autonomie. Plus encore, le roman devient un violent réquisitoire, un procès contre les indépendances et les nouveaux maîtres constitués d'une nouvelle race de prédateurs politiques.

Conclusion

Dans ce roman, aux allures tragiques (s’ouvrant sur une scène de funérailles et clôt par la mort du héros Fama), on pourra lire l’image d’une Afrique meurtrie, fantôme marquée par une période de transition qui fut pour beaucoup une époque de déception. L’Afrique y est peinte sous les traits d’une résistante aux agressions de la dictature, avec de graves désordres engendrés par l’époque des indépendances. Mais le sort est loin d’être jeté. Et comme Salimata qui refuse la résignation, l’Afrique doit relever le défi d’une réelle indépendance.

vendredi 25 avril 2008

Etude de Nocturnes (1961) de Léopold Sédar Senghor

Le cadre des poèmes de Nocturnes est le royaume du Sine avec ses spécificités sociales et culturelles. Et le poète raconte souvent ces amours d’adolescent. Dans cette région essentiellement pastorale, l’accent sera mis surtout sur le crépuscule et l’aube, moments favorables à divers fantasmes. L’étude s’intéressera au titre, au sens général du recueil, à la composition, au thème et à l’écriture poétique.

I. Signification de titre

Le thème de la nuit est souvent présent dans les textes des grands poètes, comme Ronsard et Musset. Celui-ci a écrit d’ailleurs Les Nuits. Senghor s’inscrit donc dans cette tradition, mais contrairement à ses devanciers et occidentaux, il a de la nuit des sentiments et des sensations propres à sa race, et surtout à sa culture. De manière générale, la nuit est synonyme d’absence de visibilité, donc d’inquiétude, de peurs et d’angoisses. C’est le moment propice aux cauchemars. Et même si cette signification de la nuit n’est pas absente chez Senghor, il faut retenir qu’elle est souvent valorisée dans la culture africaine. Ainsi elle un moment de tendresses, d’intimité et de retrouvailles familiales. La nuit c’est aussi le temps d’expression des sentiments amoureux. Eclairée par la lune et la constellation, la nuit est favorable aux jeux aux enfants et aux réflexions sur l’univers, sur la vie, sur la mort, car c’est durant la nuit que les mânes des ancêtres viennent visiter leurs demeures.
La nuit fonctionne comme une sorte de métaphore et désigne la couleur noire, et par conséquent l’homme noir, en insistant surtout sur les suggestions et allusions possibles. Chanter le Noir revient pour Senghor à illustrer son combat pour la valorisation de sa race, pour la négritude.
Le mot « Nocturnes » est un adjectif, donc il qualifie quelque chose dont on sait que c’est un pluriel; et l’absence du ou des mots qualifiés crée une sorte d'ébahissement et d’attente. A la lecture des poèmes, on se rend compte que cet adjectif peut qualifier la peau des noirs, le temps, mais surtout dans un sens métaphorique.

II. Résumé

Cela va de soi que le cadre temporel, pour l’essentiel des poèmes soit la nuit. Sauf bien entendu quelques-uns dont l’ « élégie pour Aynina Fall ». Sinon l’atmosphère de la nuit domine les poèmes. A travers Nocturnes, Senghor revit et fait revivre les réalités africaines, et parfois même les réalités de l’univers, en insistant sur la culture et l’histoire. Mais ce qui domine dans ce recueil, c’est l’éloge de la beauté, et la beauté de la fille noire, la « Signare », le Sopé. Les élégies insistent plus les facettes et spécificités culturelles du monde noir, car faut-il le rappeler Senghor est dans la réalisation de son programme de la négritude qui est « l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir ». « Dans « Elégie de minuit », le poète retrace le processus de création et sa signification. Le poète croule sous les honneurs. Le monde le couvre d’éloge, mais intérieurement il découvre « comme un Sahara, un vide immense » et sans vie. A nouveau insomniaque, comme il l’était du temps de ses études à Paris, il ne trouve pas de réconfort dans les livres, « qui me regardent du fond de leurs yeux ». Ni la musique de l’amour ni le rythme de la poésie ne peuvent chasser son désespoir. Il vit un enfer. Le poète prie Dieu de lui venir en aide. Il prie pour renaître dans le royaume de l’enfance. Il sera patient, avec cette patience de paysan qu’il a toujours eue, et il attendra l’aube. Il attendra le sommeil qui nourrit le poète, qui a nourri les poètes de son peuple, Maône la poétesse et Kotye Barma le sage.
Les autres élégies évoquent la tension plus consciente entre le rôle social qui absorbe l’homme politique et son moi poétique profond. »

III. Composition

« Chants pour Signare » : 21 poèmes, des sortes d’idylles où le poète expose ses amours adolescentes. Cela dans sa région natale du Sine.
Le premier poème débute avec un chant très rythmé par les répétitions et refrains de la fille noire : « J’emprunterai la flûte qui rythme la paix des troupeaux /Et tout le jour assis à l’ombre de tes cils, près de la Fonaine Fimla » (p. 171), car voilà après quelque temps il a rêvé de la jeune fille noire laissée au pays, aussi dit-il : « Car ce matin une main de lumière a caressé mes paupières de nuit »
Cela déclenche ainsi sa nostalgie pour la « signare », la fille noire, après avoir découvert « d’autres cieux et d’autres yeux » ; et chaque nuit le même regret, « je dormirai dans les ténèbres… dans le silence de mes larmes/Jusqu’à ce qu’effleure mon front l’aube laiteuse de ta bouche » (pp. 172-173). On remarquera la nuit ici est ce qui rappelle l’africaine, ce qui explique l’insomnie du poète. Ne dit-on pas d’une femme aimée qu’elle nous empêche de dormir ?
Du cinquième poème au huitième, le poète s’empresse de chanter la beauté de la femme noire, par peur un jour d’être victime de l’aphonie, et dit-il « Et tu regretteras dans la pénombre la voix brûlante qui chantait ta beauté noire », et au poème pour deux flûtes, le chantre déclame :
« Je t’ai filé une chanson douce comme un murmure de colombe à midi/et m’accompagne khalam tétracorde./Je t’ai tissé une chanson, et tu ne m’as pas entendu ». (p. 175)
On le voit, tous les mots a connotation nocturne renvoie à la fille noire et sa beauté, « O mon amie couleur d’Afrique » (p. 176) et il finit par la désigner, « J’ai nommé la fille d’Arfang de Siga »

A partir du neuvième poème, le poète met l’accent sur l’hospitalité de la fille noire, puis passe dans les poèmes suivant à sa description avec des comparaisons entre la fille au passé et la fille aujourd’hui :. « Ton visage de beauté des temps anciens (…) comme une statue…/Tu chantais d’une voix d’ombre ndeïsane ! la gloire du champion debout / Lors ton visage aujourd’hui sous sa patine la beauté noire de l’Eternel » (p. 178), entendons par là que la fille noire est comme une déesse. Qu’on se rappelle dans « Femme noire », « Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’éternel », écrivait-il. Pour toujours décrire la fille, il dit « Tu as donc dépouillé la grâce rose flamand et l’élégance sinueuse de la Svelte » (p. 179). Ainsi pour obtenir les faveurs de la femme, il convoque toute la richesse africaine, le diamant, la sagesse des vieillards, les prières, les esprits, il se résigne et s’exclame presque : « Ah ! je n’ai oublié Princesse ! que d’avoir consulté mon cœur perce-murailles ».

Au douzième poème et à la page 180, le poète critique les occidentaux et leur entreprise civilisatrice. Et il insiste sur l’attente de la fille dans son pays. Voilà pourquoi pour la rassurer, il lui dit « Signare, je chanterai ta grâce ta beauté » (p. 182)

Dans les poèmes qui suivent, ce sont les souvenirs d’enfance qui affleurent, et se rappelle-t-il ses jeux avec les filles. « … nous jouions aux noyés, t’en souvient-il ? » ou encore « Etait-ce toi la Nyominka, qui offrit l’honneur d’un tabouret », et plus loin « A nouveau je t’ai rencontrée…/Reconnais ton frère à ta voix qui tremble – mais bien passé le temps des cache-cache ! » (pp. 182-183). Cette fille c’est aussi celle qu’il cherche à travers les filles noires de la diaspora : la cubaine ? la Prêtresse du Vaudou en l’Île Ensorcelée, qui la rend triste ? Est-ce l’antillaise Ginette Eboué sa première femme ?

C’est la nuit aussi qui lui permet de revivre son continent, cette même nuit maghrébine, « c’est la Nuit notre nuit joalienne » (p.186) et on entendait dans la profondeur de la nuit « La voix de l’Amante chanter la splendeur ténébreuse de l’Amant » (p. 187).
A la longue, l’attente finit par lassé le poète, et il regrette vraiment : « Ce long voyage ma Sopé/ … Je haïssais un peu plus chaque jour le visage orient de la fiancée bleue » (p. 179) et la fin de cette séquence est une interrogation sur l’avenir de cette relation entre le poète et fille noire.
« Chant de l’initié » clôt cette partie en traduisant la signification de l’initiation, un passage d’une vie à une autre, celle de l’adulte.

Il y a les 5 élégies qui évoquent :

« Elégie de minuit » pp.198-200
Il question ici des réalités africaines qui contrastent avec la vision européenne de l’univers. Le poète dénonce la monotonie et la routine occidentale. « Une mécanique précise et sans répit, jusqu’à la fin des temps » (p. 198) Et la nuit manque au poète occasionnant des pensées viriles. « Minuit » fait appelle à l’amour. « Et je suis beau, comme le coureur de cent mètre, comme l’étalon noir en rut de Mauritanie » (p. 199)

« Elégie des circoncis » pp. 200-202
Il implore le Seigneur pour renaître au royaume. Invocation aussi de l’âge d’homme, puisque la circoncision c’est la mort de l’enfance. C’est la fête et la danse malgré les robes des circoncis.

« Elégie des Saudades » pp. 203-206
Il s’agit des réalités historiques. On apprend que sur les côtes sénégalaises, les portugais ont étaient les premiers venus, et le nom de Senghor serait venu d’eux, avec « Senhor », « Mon nom qui remonte à la source ». Point de départ des célébrations de la bravoure de sa race : « L’Amour : la mort dans quelle exultation ! La Mort : la renaissance dans la foudre » (p. 204).

« Elégie des Eaux » pp. 206-208
C’est un peu l’histoire de l’univers que le poète remet en suggérant les colères de Dieu. Cette élégie rappelle les châtiments par les eaux sur la ville de Sodome et par le feu sur Gomorrhe. Il fait allusion aussi au déluge quand il parle des Eaux du Troisième jour, explicite dans l’élégie précédente où il dit « une forêt dans le déluge, sur la vase grouillant des reptiles du troisième jour » (p. 204). Le poète fait une prière pour l’univers, car les eaux qu’il pleut sont pareilles partout : « Il pleut sur New York sur Ndyongolôr sur Ndyalakhâr/Il pleut sur Moscou et sur Pompidou, sur Paris et banlieue, sur Melbourne… » (p. 208)

« Elégie pour Aynina Fall » pp. 209-215
Ce poème remet en scène la lutte des noirs pour la liberté et l’égalité : « Elégie pour Aynina Fall ».

IV. Thèmes

On ne peut recencer avec exhautivité les thèmes dans ce poème d'autant plus que ertains sont ici ébauchés et trouvent leur développement dans d'autres recueils. Aussi renvoyons-nous pour plus de détails aux oeuvres poétiques de Senghor pour des thème comme le royaume d'enfance, la mort, la civilisation de l'universelle... Cependant certains que nous avons jugés prégants sont traités ci-dessous.

1. La nuit

Elle est le fil d’Ariane qui relie tous les poèmes grâce notamment aux nombreuses occurrences et mots de la famille que nuit ou nocturne. Pénombre, obscurité, ombre, ombrage, ténèbre, noir, soir, crépuscule, minuit, négresse. Pour s’en convaincre, on peut étudier le poème pour orchestre de jazz.
D’autres mots connotent la couleur noire comme, sommeil, rêve, cauchemar, nuage, angoisse, peur, tristesse, regret, énigme, initié, etc. pp. 182-183.
La nuit, c’est le silence, ce qui fait son mystère, et l’énigme que constitue le noir, à cause de sa peau. « L’énigme d’or de ton sourire » lit-on, ou bien page 179, « Ton sourire me pose l’Enigme ».

2. La femme

La femme noire est au centre de l’inspiration de Nocturnes. « Chants pour Signare » est composé pour elle. Autrement dit 21 poèmes pour elle. Relire ces poèmes revient à relever les descriptions de ses formes et de sa couleur noire. Tantôt son caractère moral est brossé, tantôt elle chante tantôt elle est chantée. Le poète parfois son panégyrique. « Ton père était docteur chez les Askias (…) La plume du talbé chantait tes cils (…) négresse aux yeux verts (…) tes cheveux fanés… » p. 183.

3. Les valeurs culturelles africaines

Nocturnes expose les valeurs traditionnelles dont l’hospitalité des signares qui s’occupe comme il se doit des hommes leurs hôtes. A la page 183, on remarque cette politesse de donner à s’asseoir un hôte est naturelle. Et le poète ne peut s’empêcher de l’apprécier en proférant « C’est bien Signare ! » (p. 189), il ajoute même, « ambre et gongo, son parfum proche m’a parlé ». En plus la signare était éduquée dans la pratique de la religion, c’est pourquoi le poète parle de « Prêtresse du Vaudou », dans le rite animiste au Bénin ou aux antilles.

V. Style et techniques d’écriture

La technique du « chant » jouant sur le rythme et la musicalité domine la poésie de Senghor. Le verset de Senghor est de forme métissée. Emprunté à Saint John Perse ou Paul Claudel, Le verset est un assemblage de vers réguliers et irréguliers qui confère au chant une grande solennité. Même s’il respecte les règles de la prosodie classique, on voit en effet qu’il utilise le plus souvent l’octosyllabe, hexasyllabe et l’alexandrin.
Les procédés de répétition (anaphores, parallélismes…) sont très présents aussi.
Senghor allie les versets aux procédés de répétition, ce qu’il appelle « parallélismes asymétriques » considéré comme l’un des principes fondamentaux de l’esthétique négro-africaine. Le rythme propre à l’art africain naît, selon lui, de « répétitions qui ne se répètent pas », c’est-à-dire de parallélismes au sein desquels sont introduits de légers décalages (permutations, gradations, ellipses, …). C’est le cas, par exemple, des suites d’hexasyllabes et d’octosyllabes, ainsi que des répétitions dans le premier poème qu’on peut relire.
Ce recueil exploite aussi les figures de style, surtout la métonymie chère à l’académicien, mais spécialement, un traitement particulier est accordé ici à l’oxymore ou alliance de mot. Le noir s’allier au blanc, la nuit à la lumière. Ainsi la nuit est constellée pour les jeux des enfants noirs. « Et leur éclat a la richesse du crépuscule à Sangomar » (p. 177) Surtout la couleur noire joue sur les nuance, avec le bleu, il symbolise le bonheur et la paix, la tranquillité, et avec le vert, c’est la richesse. Voici quelques exemples extraits çà et là:
« Voûte qu’encercle la forêt bleue de tes cheveux » (p.173)
« Et je reposerai longtemps sous une paix bleu-noir »
« Et l’odeur verte des rizières pour le galop grondant des tabalas » (p. 174)
Le rouge représente le sol, et dès fois le sang versé sur ce sol. « Noir blanc et rouge oh ! rouge comme le sol d’Afrique » (p. 178). Idées que l’on retrouve chez le poète martiniquais Aimé Césaire.

Conclusion

Le rythme en tant que richesse des langues et des civilisations d’Afrique noire donne tout son sens à la poésie et au lyrisme. Avec ce recueil « seul le rythme provoque le court-circuit poétique qui transforme le cuivre en or, la parole en verbe », il « engendre non seulement la mélodie, mais aussi l’image par son élan itératif, et, partant, suggestif, créatif ». Nocturnes est on ne peut le nier un recueil pour Elle, c’est-à-dire la fille noire, et celle-ci représente l’Afrique, l’esthétique noire, les valeurs à faire renaître.

vendredi 18 avril 2008

Etude des personnages dans Le père Goriot d’Honoré de Balzac.

Introduction

Cette histoire est datée en automne 1819 à Paris. Les personnages de ce roman sont très cosmopolites. Ils viennent de partout et de presque toutes les couches sociales, en plus que toutes les ambitions s’y expriment. Dans la pension de cette douteuse tenancière qu’est Madame Vauquer, se côtoient des pensionnaires et des habitués du quartier qui ne viennent y prendre que le dîner. L’étude des personnages dans Le Père Goriot doit permettre donc de comprendre non seulement l’œuvre mais aussi les mentalités de la vie des parisiens dans la première moitié du 19ème siècle. Voici un tour d’horizon des personnages dans ce roman qui explore le problème de la réussite, par l’amour et par n’importe quel autre moyen, quel qu’en soit le prix qu’il en coûte.

I. La vie et l’œuvre de Balzac

1. La vie de l’auteur
2. Son œuvre


II. Les personnages du roman

1. Les personnages de la pension

a. Les pensionnaires internes

Le père Goriot : Nom inspiré d’un Goriot ayant réellement existé. Quand Balzac écrivait le roman vers 1828, là où il habitait il était voisin d’un mystérieux Goriot. Il existait un autre Goriot marchant de farine à Pontoise en France. Il représente la paternité. C’est un rentier de soixante neuf ans et aussi le plus ancien des pensionnaires depuis 1813. Sa fortune et ses revenus lui permettaient d'habiter au premier étage l'appartement le plus riche de la pension.
Eugène de Rastignac : Ce personnage fait sa première apparition dans La Peau de Chagrin où il fait la cour à une riche et jolie petite veuve. Dans Le Père Goriot, il est un jeune "ambitieux" qui sera initié par Mme de Beauséant, la duchesse de Langeais et Vautrin. Il a « un visage méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus… ». Son visage est séduisant et ses manières aristocratiques le rendent élégant. Voir le portrait (p.76). C’est un jeune provençal à Paris pour aire ses études de droit, et partant faire fortune. En vrai arriviste, il fréquente les salons parisiens, ses jeux et ses plaisirs. Il ne parvient pas à faire son choix entre Delphine qu’il aime et Victorine Taillefer qui est prête à se laisser conquérir. Il résistera à la proposition satanique de Vautrin, car il considère le travail comme le meilleur moyen de réussite. Il a du cœur contrairement aux filles du père Goriot, sur qui il va veiller jusqu’à sa mort.
Mme Vauquer : Elle est âgée d’environ 50 ans. Elle est en harmonie avec la pension dont elle est la tenancière. Elle a un passé douteux. Pourquoi s’y connaît-elle en vigueur sexuelle et en stratégie amoureuse ? A-t-elle été une prostituée ? Que s'est-il passé avec son défunt mari? Elle semble vieille et elle est grassouillette.
Vautrin : Ce personnage aurait existé avec le nom de Carlos Herrara Vautrin. Donc Balzac s’est inspiré d’un homme vrai pour le créer. Vautrin, son nom c’est Jean Collin. Dans le roman, il est aussi surnommé « Trompe-la-mort ». Il a une quarantaine d’années. Il se fait passer pour un ancien commerçant et fouille dans le passé des gens alors qu’il semble avoir « au fond de sa vie un mystère soigneusement enfoui ». C’est un révolté qui fait confiance à sa force. Balzac le qualifie de Sphinx, une créature monstrueuse homme et bête à la fois comparé souvent à un fauve avec sa poitrine poilue comme le dos d’un ours, des griffes d’acier, des yeux comme ceux d’un chat sauvage.
Lui-même il traite les gens de bétail et pense qu’il faut se manger comme araignées.
Victorine Taillefer : Sa mère est morte depuis quatre ans, et son père l’a déshéritée. Caractérisée par la patience et la résignation. Elle fait partie des personnages à désirs spontanés, et elle la force des passions et désirs intrinsèques. Elle a un amour filial pour son père mais honni par lui, elle tente d’être aimée par Rastignac. Son désir est sublime, mais elle est impuissante à le réaliser. Elle souffre de ses beaux sentiments de loyauté et de noblesse de cœur, amis cela lui évite la déshumanisation.
Sa richesse éventuelle est le fruit des crimes de Taillefer, et du meurtre de son frère. Victorine est victime subjectivement, son innocence la rend objectivement coupable. Elle est la fille adoptive de Madame Couture.
Monsieur Poiret : Il est le type de l’Employer, de la bureaucratie judiciaire. Il était un être passionné et un peu stupide, aussi est-il comparé souvent à un « âne » ou un fruit, le poireau (un asperge du pauvre).
Pour les références des pages voir l’édition Hachette.
Mlle Michonneau : Cette fille dont le « regard blanc donne froid » et qui semble être quelque agent secret en faction, assistée de M. Poiret qui le complète.
Sylvie : Appelée familièrement la « grosse sylvie », elle est une domestique un peu aliénée sociale.
Christophe : Tout comme Sylvie, il est un domestique dans la pension. Son grand cœur fit qu’il eut pitié du père Goriot et lui prêtait même quelques sous.

b. Les pensionnaires externes
Bianchon : c’est le médecin de la Comédie humaine. Un personnage récurrent. Ici il est étudiant en médecine et est l’ami de Rastignac
Madame Couture : C’est également une des victimes de la société, mais elle représente la religion. On nous dit qu’elle avait une « blancheur maladive », de tristesse. Des cheveux blonds fauve, une taille mince et des yeux gris. (Voir p.76)

2. Les personnages de la vie parisienne

a. Mme Beauséant
N’ayant pas pu agir avec sauvagerie d’un animal dans ce monde parisien, elle a été vaincue par d’autres, moins scrupuleuse qu’elle. D’ailleurs elle est une parente éloignée, une cousine de Rastignac, qui prend celui-ci sous sa protection et décide de se charger de son éducation mondaine. Elle comble le vide avec le marquis d’Ajuda Pinto
b. Mme Anastasie Restaud
(Voir p.46) Elle est l’autre fille du père Goriot, l'aînée. Elle était mariée au Comte de Restaud. Elle a deux enfants adultérins Son amour absolu pour son amant, Maximes de Trailles la conduira à sa perte ; car à cause de lui, elle se compromet dans des dettes qu’elle ne peut honorer et cause ainsi la ruine de son père.

c. Mme Delphine de Nucingen
L’une des deux filles de Goriot, la cadette. C’est une pauvre créature accablée par les infortunes conjugales. Mariée au banquier Nucingen, elle sera une femme déçue, frustrée, car pour elle la vie c’était autre chose que la monotonie de chez papa, mais le plaisir de la toilette et de l’achat.

d. Les autres personnages: Le baron de Nucingen : « Cet homme est un porc », un monstre, un avare et il fait des spéculations. Il a une vie faite de profit, ce qui exclu la femme. (Voir p.302)
Gobseck : Il est le type accompli de l’usurier. Il est un juif.
Madame de Langeais : C’est l’amie de Madame Beauséant.
De Marsay appartient aux gentilshommes parisiens, il était l’amant de Mme Beauséant que Rastignac va lui débarrasser. La duchesse de Carigliano est une femme mondaine, elle organisera le bal où Rastignac va connaître le monde parisien. On a aussi le personnage de Gondureau, un responsable de la police, et c’est lui qui démasque Vautrin qui est en réalité un forçat qui s'est évadé de la prison de Toulon, où il avait le surnom de trompe-la-mort.

3. Les personnages de la campagne

a. Les sœurs de Rastignac
Laure et agathe : Les sœurs d’Eugène de Rastignac, respectivement âgées de dix-huit et dix-sept ans. Elles son issues de la petite noblesse pauvre et elles doivent, selon l’expression de Vautrin « faire comme elles peuvent ».

b. La mère de Rastignac
Leur mère a consentit a de lourds sacrifices pour envoyer à son fils l’argent dont il a besoin. Elle veut élever, tout comme Madame Couture, ses enfants dans le respect des valeurs morales.
Il y a aussi la tante Marcillac, tante de Rastignac.

III. Les personnages de Balzac et l’Esprit du XIXème siècle

48 personnages de la comédie humaine traversent Le père Goriot. Ainsi parmi ces derniers, il existe d’autres dont leur rôle n’est pas assez remarquable. C’est le cas de Mme Couture qui est la veuve d’un commissaire ordonnateur des années de la République, M. Poiret qui est un fonctionnaire subalterne.
L’esprit du XIXème siècle c’est le Dieu argent qui règne dans la vie sociale. « L’argent, c’est la vie », dit-on à la page 246. Les personnages du père Goriot sont tous, de près ou de loin, liés par l’argent. Sur le plan historique et social, cette période est caractérisée par l’ascension de la bourgeoisie. Si la bourgeoisie est quelque peu écartée du pouvoir politique sous la Restauration (1814-1830), elle n’en détient pas moins les leviers de l’économie. Le XIXème siècle est aussi comme le montre Balzac le temps des rentiers.
Le père Goriot s’est d’ailleurs enrichi grâce à la spéculation sur la farine. Il avait gardé son stock, pour le revendre à un prix plus cher durant la période de pénurie.

Conclusion

Cette étude est loin d’être complète, mais le choix que nous avons fait peut au moins guider le lecteur dans ce monde – réaliste – créé par l’art de création des personnages d’un romancier qui ne se présente plus sur ce plan. Sachant qu’il a créé plus de mille personnages, on sait que Balzac avait toujours eu la prétention de concurrencer l’état civil. Et il semble qu’il n’a pas réussit, il n’a pas non plus échoué, car certains de ses personnages sont dans les mémoires de beaucoup de générations de lecteurs. L’autre réussite de Balzac, c’est d’avoir créé un monde romanesque qui n’a rien a envié au macrocosme. Nous retiendrons, au terme de cette étude, que l'analyse des personnages a permis de percer à jour les envies et les motivations des actes de tout individu.

mercredi 16 avril 2008

Les outils pour analyser un texte selon le type que vous avez devant vous

Le texte narratif

La structure du texte
Le rapport dialogue/récit,
analyse/récit, descriptif/récit
Les marques temporelles
Les temps grammaticaux
Le mode de narration
Situation du narrateur par rapport au récit,
L’énonciation ( distance, implication personnelle)
Le mode de focalisation
Le vocabulaire appréciatif/dépréciatif
Récit objectif/subjectif
Les connotations
Les hyperboles, les euphémismes

Le texte argumentatif

Les liens logiques
La ponctuation
Les champs lexicaux
L’énonciation
Les métaphores Allégories
Les anaphores


Le texte descriptif

Les indicateurs de lieux
Le mode de focalisation(À travers quel regard ce qui est décrit est-il perçu?)
Les champs lexicaux
Le vocabulaire appréciatif/dépréciatif
Description objective, subjective, réaliste,
idéalisée ?
Les hyperboles
Les comparaisons et les métaphores
Les connotations

L’exercice suivant propose des textes, et vous n’avez qu’à déterminer le type de texte et de vous fonder sur les tableaux ci-dessus pour trouver les outils d’analyse contenus dans chacun d’eux et, par conséquent y dégager les axes de lectures. Ce travail vous mènera vers la rédaction pour une explication ou un commentaire du texte.

Texte 2 : La Pension

Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son ronron matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation, et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écoeurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Agée d’environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l’œil vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l’entendant geindre et tousser comme eux. Qu’avait été monsieur Vauquer ? Elle ne s’expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune ? « Dans les malheurs », répondait-elle. Il s’était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il est possible de souffrir. En entendant trottiner sa maîtresse, la grosse Sylvie, la cuisinière, s’empressait de servir le déjeuner des pensionnaires internes.
Honoré de Balzac, Le Père Goriot (1835)

Texte 2 : Un jugement

A sept heures et demie du matin, on est venu me chercher et la voiture cellulaire m'a conduit au palais de justice. Les deux gendarmes m'ont fait entrer dans une petite pièce qui sentait l'ombre. Nous avons attendu, assis près d'une porte derrière laquelle on entendait des voix, des appels, des bruits de chaises et tout un remue-ménage qui m'a fait penser à ces fêtes de quartier où, après le concert, on range la salle pour pouvoir danser. Les gendarmes m'ont dit qu'il fallait attendre la cour et l'un d'eux m'a offert une cigarette que j'ai refusée. Il m'a demandé peu après " si j'avais le trac ". J'ai répondu que non. Et même, dans un sens, cela m'intéressait de voir un procès. Je n'en avais jamais eu l'occasion dans ma vie : " Oui, a dit le second gendarme, mais cela finit par fatiguer. "
Après un de temps, une petite sonnerie a sonné dans la pièce. Ils m'ont alors ôté les menottes. Ils ont ouvert la porte et m'ont fait entrer dans le box des accusés. La salle était pleine à craquer. Malgré les stores, le soleil s'infiltrait par endroits et l'air était déjà étouffant. On avait laissé les vitres closes. Je me suis assis et les gendarmes m'ont encadré. C'est à ce moment que j'ai aperçu une rangée de visages devant moi. Tous me regardaient : j'ai compris que c'étaient les jurés. Mais je ne peux pas dire ce qui les distinguait les uns des autres. Je n'ai eu qu'une impression : j'étais devant une banquette de tramway et tous ces voyageurs anonymes épiaient le nouvel arrivant pour en apercevoir les ridicules. Je sais bien que c'était une idée niaise puisque ici ce n'était pas le ridicule qu'ils cherchaient, mais le crime. Cependant la différence n'est pas grande et c'est en tout cas l'idée qui m'est venue.

Albert CAMUS, L'Etranger, Gallimard, 1942, pp. 127-129.

Texte 3 : Samba Diallo écoute le Chevalier

-Donc, on peut travailler par nécessité pour faire cesser la grande douleur du besoin, celle qui sourd du corps et de la terre, pour imposer silence à toutes ces voix qui nous harcèlent de demandes. On travaille alors pour se maintenir, pour conserver l’espèce. Mais on peut travailler aussi par avidité ; dans ce cas, on ne cherche pas seulement à obstruer le trou du besoin ; il est déjà pleinement comblé. On ne cherche pas même à devancer la prochaine échéance de ce besoin. On accumule frénétiquement, on croit qu’en multipliant la richesse on multiplie la vie. Enfin, on peut travailler par manie du travail, je ne dis pas pour se distraire, c’est plus frénétique que cela, on travail par système. Il en est du travail comme de l’acte sexuel. Tous deux visent la perpétuation de l’espèce. Mais tous deux peuvent avoir leur perversion : chaque fois qu’ils ne se justifient pas par cette visée.
Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë, Julliard, 1961. p. 110.

vendredi 11 avril 2008

Etude de Batouala de René Maran

Introduction

Rien que la note de Senghor peut décider un lecteur à lire et aimer le livre de René Maran. Le poète écrit à propos de ce romancier que « son style témoigne d’une rare connaissance de la langue française et de ses ressources. Et pourtant il exprime les qualités les plus authentiques de sa race : force simple des images, sens du rythme et des qualités sensibles, voire charnelles des mots assemblés ». L’étude de ce roman devient dès lors intéressante, puisque c’est une réussite, l’une des premières réussites littéraires noires qui fut couronnée par le prix prestigieux Goncourt en 1921. Le roman expose avec réalisme la vie des Noirs et pose le problème de la présence des Blancs dans un univers qu’ils empestent de leur hypocrisie et de leur mensonge afin de le torpiller à volonté à tous les niveaux, et surtout aux plans économiques, culturelles et même environnementaux. A travers l’étude qui va suivre, on s’intéressera surtout à la vie et aux œuvres de l’auteur avant d’aborder le texte en tant que tel.

I. Biographie de l’auteur

II. Bibliographie

III. Résumé de l’œuvre

Il s’agit de l’histoire, dans la brousse africaine, d’un moukoundji (chef de village) nommé Batouala. Il prépare la fête des Gan’zas qui doit bientôt arriver et qui marque une étape dans la vie de chacun puisque les jeunes femmes sont excisées et les jeunes hommes circoncis. Malheureusement, il ne s’aperçoit pas que sa femme favorite (il en a neuf !) Yassigui’ndja ne l’aime plus et commence à le tromper avec le jeune Bissibi’ngui. Batouala l’apprend finalement le jour de la fête des Gan’zas et cherche à se venger. La période des chasses arrive et Batouala invite son rival à chasser avec lui. Batouala dans le moment de terreur tente de viser Bissibi’ngui avec une sagaie, mais celui-ci y échappe de justesse. Mourou (la panthère) tue d’un coup de griffe Batouala, croyant avoir été visée. Il est ensuite ramené au village. On essaie de le soigner mais on n’y arrive pas. Il agonise pendant trois jours et finit tragiquement sa vie puisqu’il voit devant ses yeux Yassigui’ndja et Bissibi’ngui qui ne se cachent plus.

IV. Composition

V. Résumé des chapitres de Batouala

Chapitre 1 : Le roman commence par le réveil du grand chef de village de Grimari, le moukoundji Batouala. Le narrateur fait une présentation du personnage en insistant sur sa « force légendaire », ses exploits amoureux, guerriers ou de chasseur.

Chapitre 2 : l’arrivée du jour : c’est l’annonce par message tambouriné (pp. 41-42) de la fête des Ga’nzas dans les 9 jours à venir aux villages environnants. Fête qui sera marquée par la circoncision des jeunes hommes et excisions des jeunes filles.

Chapitre 3 : le lendemain de l’annonce, l’une des neuf femmes de Batouala, et sa préférée, Yassigui’ndja se rend au rendez-vous de Bissibi’ngui. Mais elle surprend le jeune homme avec une autre femme qui se trouve être sa coépouse I’ndouvoura. Dans sa colère, elle s’en retourne chez elle, mais elle est attaquée par Mourou la panthère. Elle est sauvée de justesse par Batouala et Bissibi’ngui.

Chapitre 4 : Trois jours avant la fête des Ga’nzas, Batouala est invité par son frère Macoudé à manger. Dévorées par la jalousie, les deux femmes de Batouala, Yassigui’ndja et I’ndouvoura se querellent.

Chapitre 5 : C’est le jour de la fête des Ga’nzas à Grimari, et tous les signes d’une belle fête sont visibles : les li’nghas (tam-tam), les chants des femmes, les rires. Les villageois tiennent assemblée, ils discutent sur la cruauté, la méchanceté et la duplicité des Blancs. Bien informés des problèmes occidentaux, ils abordent la guerre qui oppose les français aux allemands.

Chapitre 6 : La fête bat son plein avec l’arrivée des Ga’nzas, les li’nghas, balafons, kou’ndés… Une communion entre jeunes et vieux, hommes et femmes se fait dans la danse. Tout juste après les épreuves de circoncision et d’excision, et pendant que les li’nghas et kou’ndés tonnaient, le commandant arriva à l’improviste mettant ainsi fin à la cérémonie. En ce moment, le père de Batouala est retrouvé mort.

Chapitre 7 : Les funérailles du père de Batouala se déroulent comme prévu par la tradition. Le cadavre devait être exposé durant huit jours, parfois même plus. Batouala pendant ce temps ruminait une vengeance contre son ami Bissibi’ngui. L’enterrement de défunt est fait ainsi que le veut la coutume.

Chapitre 8 : Yassigui’ndja se rend au rendez-vous de Bissibi’ngui. Elle lui fait savoir qu’elle a ses menstrues, et demande la protection de celui-ci, car on l’accuse d’avoir causé la mort de son beau-père. Elle lui exprime son amour et lui propose de fuir vers la capitale Bangui.

Chapitre 9 : La nuit arrive et Bissibi’ngui va à la chasse sur l’invitation de Batouala. Mais comprenant les indications de Macoudé, il flaire le danger. « Comment tuerait-il Batouala ? » Telle est la question qui le hante.

Chapitre 10 : Après une longue marche dans la nuit, Bissibi’ngui arrive enfin au campement de Batouala où il trouve la mère de ce dernier et le petit chien Djouma. Batouala lui raconte le mythe de création du feu, celui d’Ipeu, la lune et de Lolo, le soleil. Cependant C’est pour faire allusion à sa vengeance.

Chapitre 11 : c’est une belle matinée de battue pour la chasse. Batouala raconte des légendes sur la vie des lions et des panthères. Puis il fait le récit d’un Blanc, Coquelin, qui, ayant tué un M’balas, meurt à la suite des blessures qui lui cause l’animal.

Chapitre 12 : Il y eut un feu de brousse qui ameute les animaux. C’est dans cette confusion de chasse que Bissibi’ngui en évitant la panthère qui bondissait sur lui put par la même occasion éviter in extremis la sagaie que lui destinait Batouala. La panthère que la sagaie manqua de transpercer se rua sur le lanceur Batouala et lui ouvrit le ventre.

Chapitre 13 : c’est l’agonie de Batouala devant les yeux moqueurs de sa femme et de son rival. Malgré la science des sorciers noirs, Batouala ne put être sauvé.

VI. Les personnages

VII. Les thèmes

VII. Style et techniques

Conclusion

Ce roman est complet. Il ne pouvait en être autrement, car il est écrit par un administrateur colonial qui n’a pas peur de représailles de la part de son employeur blanc. Il est ainsi complet parce qu’il renferme au-delà de l’intrigue autour de la vie banale d’un chef de village en période coloniale, l’histoire de tout un peuple face à différentes situations causées par le colonisateur. La réussite de Maran réside dans la façon de rendre vivant son récit avec l’animation de la faune et de la flore qui participent dans le rythme de la vie des africains. Cette symbiose réussie actualise le roman dans le débat actuel de l’homme face à son environnement. L’indispensable vie naturelle des noirs s’offre ici comme un exemple d’harmonie que la civilisation occidentale n’a pas fini de détruire, et avec une grande partie des coutumes africaines.

Etude de Hosties noires (1948)

Introduction

La guerre 39-45 a été vécue par le poète Léopold Sédar Senghor, ainsi que beaucoup d’autres noirs africains. Le poète y dénonce le spectacle écoeurant des noirs utilisés comme des chairs à canon. Voilà pourquoi il décide de s’engager auprès de son peuple, particulièrement aux côtés des tirailleurs sénégalais pour être leur porte-parole. Il va quand même essayer de concilier deux extrêmes, l’Afrique et l’Europe. Il le réussit dans le dernier poème « Prière de paix », qui est en quelque sorte un appel à la fraternité.

I. Signification de titre :

Notons que l’expression « hosties noires » se trouve à l’avant dernier vers du poème dédie au gouverneur Félix Eboué : « L’Afrique s’est faite acier blanc / L’Afrique s’est faite hostie noire ». L’hostie, on le sait, est une fine rondelle de pain de froment consacrée durant la messe par le prêtre et destinée au sacrement de la communion. Elle symbolise le corps du Christ offert en sacrifice pour la rédemption du genre humain. Ici, associé au mot « noires », l’expression devient oxymore et permet de suggérer le Blanc et le noir. Et on comprend pourquoi Senghor fait une appropriation en donnant à l’hostie une couleur noire, surtout pour signifier le sacrifice des Noirs durant la guerre pour le salut de l’Europe. La race de Senghor est ainsi digne d’incarner le sacrifice de Jésus. Aussi le poète écrit-il :

« Seigneur (…)

Reçois l’offrande de nos corps (…)»

Les victimes noires paratonnerres… »

II. Composition

On a d’abord un poème liminaire qui fonctionne comme une introduction. Il annonce ainsi les différents thèmes développés dans le recueil, et expose le programme du poète. Ensuite il y a la première partie intitulée « Ethiopie », puis la deuxième partie « Camp 1940 » et enfin « Prière de paix » qui est une sorte de conclusion.

  1. « Poème liminaire »

Le fait qu’il dédie ce poème au poète noir le plus virulent, Léon-Gontran Damas n’est pas fortuit. Rappelons de ce poète écrit le recueil de poèmes Pigments dont la publication fut interdite pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Par ailleurs Damas dédie également un de ses poèmes à Senghor, mais à travers un de ses poèmes aussi il critique la conduite des tirailleurs sénégalais affectés en Guyane.

« Poème liminaire » traite les grands thèmes et les tonalités majeures de l’œuvre. Les grands thèmes sont la fonction de porte-voix du poète, le combat pour la dignité et la relation équivoque à la France.

D’une part le poète s’adresse ici aux tirailleurs sénégalais morts au combat et d’autre part il parle au nom des tirailleurs, et même au nom de tous les africains. Le message est ainsi destiné aux français.

Le poème, les mots et le chant, est donc un moyen d’action pour combattre les paroles occidentales pour défendre son peuple.

  1. « Ethiopie »

Il est composé de six poèmes qui traitent de l’entre deux guerres. Senghor reproche à la France sa menterie, et se charge de restaurer la vérité historique. Il dénonce également la répression française passée sous silence contre les africains qui réclament justice.

Le poète relate de même les événements politiques qui ont minés l’Afrique.

Ici, le titre de la section, « Ethiopie », et celui du poème, « à l’appel de la race de Saba », expriment tous deux ce retour aux origines, car le mot « éthiopie » étymologiquement, en grec aethiops signifie «brûlé, noir», et ce pays représente chez Senghor le royaume de la légendaire reine de Saba 1, celle dont le premier poème du Cantique des cantiques 2 dit qu’elle est « noire, mais belle » ; et Senghor rectifiera en « noire et belle ».

  1. « Camp 1940»

Les douze poèmes sont consacrés à la 2ème guerre mondiale, et il s’y agit encore une fois de l’éloge de l’Afrique à travers ses hommes et ses femmes qui se sont illustrés par leur refus face aux français, réclamant leur dignité. Tels sont les objectifs des poèmes « Au Guelowar » (p.70), « Au gouverneur Eboué » (p.71), « Femmes de France » (p.76)

Dans « Lettre à un prisonnier », il célèbre la fraternité d’arme et la solidarité entre les noirs. Dans d’autres poèmes il est question des souffrances physiques et morales, aussi peut-il dénoncer l’ingratitude de la France à l’endroit des tirailleurs dans « Tyaroye » (p.68).

« Prière de paix »

« Prière de paix » au titre évocateur concentre la dimension chrétienne du recueil et les deux positions contradictoires du poète ; envers la France, partagé entre la condamnation et le pardon

III. Thèmes

Le royaume d’enfance, l’éloge du pays et des tirailleurs, la fonction du poète, le sacrifice, la pardon, l’amour, la fraternité, la souffrance, l’exploitation, le courage, la paix, etc. Les thèmes sont nombreux, et très clairement explicites.

IV. Style et techniques d’écriture

La technique du « chant » jouant sur le rythme et la musicalité domine la poésie de Senghor. Cela va de soit, car il veut être le rythme et la trompette de son peuple. Le verset de Senghor est de forme métissée, constituée d’un assemblage de vers réguliers qui confère au chant une grande solennité. En respectant les règles de la prosodie classique, on voit en effet que les versets se décomposent presque toujours en mètres réguliers. Mais il utilise plus souvent l’octosyllabe, hexasyllabe et l’alexandrin.

Les procédés de répétition (anaphores, parallélismes…) sont très présents aussi.

Senghor allie les versets aux procédés de répétition, ce qu’il appelle « parallélismes asymétriques » considéré comme l’un des principes fondamentaux de l’esthétique négro-africaine. Le rythme propre à l’art africain naît, selon lui, de « répétitions qui ne se répètent pas », c’est-à-dire de parallélismes au sein desquels sont introduits de légers décalages (permutations, gradations, ellipses, …). C’est le cas, par exemple, des suites d’hexasyllabes et d’octosyllabes, ainsi que des répétitions.

Quant à la musicalité, les procédés que Senghor utilise sont les allitérations et les assonances, mais également des jeux de sonorités plus complexes (« déchirerai les rires », « sur tous les murs », «nonchalance des chalands», « de moire et de simarre », « sons du sorong »).

Conclusion

Hosties noires rejoint les poèmes où la couleur noire domine. Au-delà de l’esthétique nègre chère à Senghor, il s’agit plus ici de cri de cœur, de révolte et d’indignation. La présence du chant et de l’héroïsme rappelle la tradition orale des légendes et épopées guerrières africaines. Aussi, Senghor, le griot avec ses kôras et ses dyoung-dyoungs, se fait-il le porte parole de sa race qui vole au secours de l’Occident durant les moments durs de son histoire et ne reçoit en retour que mépris et désespoir.

Notes :

1. La reine de Saba, selon l’Ancien Testament, est une souveraine du royaume de Saba. Elle fut séduite par la sagesse de Salomon, roi d’Israël. Différents noms lui ont été attribués dans des récits ultérieurs : « reine du Midi » dans le Nouveau Testament, « Balkis » dans la tradition musulmane ou « Makeda » dans la tradition éthiopienne.

2. Cantique des cantiques est un livre de l'Ancien Testament constituant un recueil de cinq chants d'amour. Dans la Bible, il figure généralement après l'Ecclésiaste. Dans la Bible hébraïque, on le trouve après le Livre de Job dans les Écrits, troisième partie du canon. La tradition l'a attribué à Salomon qui aurait composé de nombreux proverbes et cantiques.