« Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière
de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si
frivole et si vain. Adieu donc » Voilà comment Montaigne établit son pacte
avec le lecteur dans ses Essais, I, 31.
Certains
écrivains ont essayé de répondre à la question essentielle de la connaissance
de l’homme à travers la description de soi. Au XVIe siècle, Montaigne, dans Les
Essais, tente de se dépeindre, pour se comprendre. L'autoportrait prend une
valeur argumentative en se tournant vers une réflexion théorique à partir de
l'observation de soi-même. Montaigne affirme ainsi « Je ne peins pas l'homme, je peins le passage », pour lui, l'homme
n'est pas une unité donnée une fois pour toutes mais un être en changement
permanent.
Se
connaître, c’est aussi connaitre l’autre. Mais il note que l’égoïsme pousse certains à exclure l’autre, qui est pourtant notre semblable. Il résume cet égoïsme
ainsi : « Chacun appelle barbarie ce
qui n'est pas de son usage. »
Jean-Jacques
Rousseau, au XVIIIe siècle, donnera à la littérature française la première
autobiographie au sens strict du terme : mais Les Confessions offrent de
nombreux passages dans lesquels le récit de sa propre vie et la réflexion sur
l'identité se mêlent inextricablement.
Dans la
préambule des Confessions, il note « Je
veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et
cet homme, ce sera moi. »
L’écriture
de soi est une allusion à l’autre, c’est l’altérité.
Au XVIIe
siècle, Pascal pose ainsi la question « Qu'est-ce
que le moi ? » dans Les Pensées, et il affirme que ce « moi » n'est réductible ni au corps,
ni à la raison, ni aux émotions.
Pascal affirme
« Le moi est haïssable. »
qu’il explique ainsi ensuite « En un
mot le moi a deux qualités: il est injuste en soi, en ce qu’il se fait centre
de tout; il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir, car chaque
moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. »
La
Rochefoucauld ou La Bruyère, toujours au XVIIe siècle, livrent respectivement dans
les Maximes et dans les Caractères une série de descriptions,
parfois critiques, qui permettent de saisir un individu à partir de ce qu'il
montre ou de ce qu'il croit être. Ces moralistes cherchent donc à pénétrer la
vérité psychologique d'un homme, au-delà des apparences. Ils décortiquent nos
motivations, et débusquent l'hypocrisie ou l'intérêt qui nous guident.
La piété
humaine anéantit le moi humain « Le moi est haïssable » Pascal
« Je est un
autre » Rimbaud. Il s’agit déjà d’une conception développée par Victor Hugo pour
répondre à ceux qui se plaignent des écrivains qui se disent moi : « Ah ! Quand je vous parle de moi, je vous
parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? »