mercredi 10 avril 2019

Exposé : Les personnages dans La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire


Introduction

Le titre de la tragédie que nous étudions La Tragédie du roi Christophe, nous impose, si nous voulons étudier les personnages, de considérer tous les autres personnages par rapport au personnage central qu’est le roi Christophe. Pour cela, ne semble-t-il pas nécessaire d’essayer de comprendre les relations interpersonnelles suivant leurs fonctions ? Déterminer le rôle de chacun sera notre moyen d’explorer les différents personnages en nous aidant du jeu des actants. Disons tout de suite qu’actant signifie tout ce qui est personnage, mais aussi qui peut jouer le rôle de personnage. Pourquoi avons-nous centré l’étude des personnages sur la quête de Christophe ? C’est surtout pour respecter le but du dramaturge Aimé Césaire puisqu’à sa propre question « Pourquoi alors la pièce est-elle un hymne à Christophe ? », Césaire répond  « C’est parce que, malgré toutes ses erreurs, ses faiblesses, c’est un homme qui a voulu la grandeur de son peuple, qui a voulu réhabiliter sa race, parce qu’il était porté, dans ses actes, par une grandiose aspiration à la dignité. » dans un entretien accordé à Khalid Chraibi. Nous analyserons dès lors tour à tour le sujet de la quête, l’objet, le destinateur, le destinataire, les adjuvants, les opposants et les personnages neutres.

I. Christophe : sujet de la quête

Henri Christophe, roi d’Haïti, est né à La Grenade en 1767 et il meurt à Port-au-Prince en 1820. Esclave affranchi, il participe activement aux premiers mouvements des Noirs à Saint-Domingue. En 1802, il défendit Cap- Français (devenu aujourd’hui Cap-Haïtien) contre l’expédition française que dirigeait le général Leclerc. Général en chef sous Dessalines, il fut l’un de ceux qui provoquèrent son assassinat avec la complicité de Pétion en 1806. En 1807, il fut nommé président d’Haïti. La guerre civile éclata entre lui et Pétion, un mulâtre, nommé président à Port-au-Prince. Mais celui-ci fut vaincu, et Christophe est proclamé roi en 1811 sous le nom de Henri Ier. Les exigences excessives de son gouvernement et sa cruauté exaspérèrent son peuple qui finit par déclencher contre lui une insurrection, et Christophe se tua.
Dans La Tragédie, le sujet Christophe est en quête du pouvoir absolu, car celui qu’on lui offre est vidé « de sa substance » et d’autorité. Christophe n’y va pas de main morte ; après avoir fait savoir à Pétion « sans couleur » son intention de reconquérir cette autorité que la loi fondamentale lui donne, au besoin par l’épée (Acte I, scène 1p. 23). Cette quête quasiment individuelle étant finie, et l’euphorie n’ayant pas encore quitté ses compagnons, Christophe secoue le peuple, le somme de se mettre au travail pour gagner sa liberté. « Mais nous n’avons pas le temps d’attendre quand c’est précisément le temps qui nous prend à la gorge ! » (Acte I, scène 7, p.58).
A la scène 3 de l’acte II, il dit : « Tout par terre, la nudité nue. Ma foi, une liberté, les racines, … » p.87  

II. L’objet de la quête de Christophe

On a d’abord l’Etat ou le pouvoir à conquérir pour Christophe. C’est par les armes, la guerre civile qu’il va s’imposer à tout le peuple. Une fois le pouvoir entre ses mains, il entreprend une autre quête, surtout destinée au peuple : la quête de la liberté des Noirs.

III. Le destinateur

La première quête était pour Christophe. Pour lui, c’est pour avoir les coudées franches afin de viser la liberté. Celle-ci est destinée au peuple. Le peuple est en effet présent partout dans le texte. Tantôt représenté par un paysan, un radayeur, tantôt par le page 
africain.                                                                                                        
IV. Le destinataire
C’est ce qui pousse Christophe à agir. A l’image des deux quêtes et des deux objets, on a deux destinateurs : Christophe lui-même (en témoigne la fréquence du pronom personnel « je », aussi Pétion remarque-t-il : « j’ai parlé principes et vous vous obstinez à parler de votre personne », (Acte I, scène 1, p.20) puis le peuple (cette fois-ci, le nous et la famille du mot en témoigne) et du mot « peuple », « ce peuple »)

V. Les adjuvants du roi

Principalement ces figures se détachent nettement parmi ceux qui ont soutenu le roi Christophe : 
Hugonin : Mélange de parasite, de bouffon et d’agent politique. Il est l’informateur du roi. Il désamorce les crises et se montre très sage dans certaines situations. Il se charge d’amuser le roi lorsqu’une vérité ou une critique risque de le blesser. C’est le langage qu’il utilise à travers ses chansonnettes et ses déclarations qui lui permettent surtout d’exercer un rôle de conscience critique du règne. A l’Acte III, scène 6, quand le roi malade est, c’est Hugonin qui lui chante des chansons.
Vastey : baron, secrétaire de Christophe. Il tient les discours (Acte I, scène 2, p.28), Magny tient la glaive (Acte I, scène 6, p.45). Il est un adjuvant sûr et indispensable de Christophe. C’est lui qui défend les projets du roi. Il a une grande influence sur le roi. En tant que fin politique, il montre aux citoyens où sont les vrais dangers du régime pour Haïti. (Acte I, scène 2). Il favorise le consensus qui doit unir le peuple à son chef. Quelque part le roi lui doit un peu son pouvoir, puisqu’il explique les desseins du roi au peuple et les défend. (devant les dignitaires du royaume d’abord, Acte I, scène 3 ; ensuite devant les bourgeois indignés par les excès de Christophe, Acte II, scène 2 et Acte III, scène 1). Cependant il ne fait rien pour infléchir les décisions royales, aussi représente-t-il le conseiller qui se tait au lieu de corriger les excès du roi.
Prézeau : Confident et homme à tout faire de Christophe. Il comprend son roi à demi-mot, et n’hésite pas à tuer pour lui. Le roi Christophe lui ordonne d’ailleurs de tuer l’archevêque Corneille Brelle.
Madame Christophe : Ancienne servante d’auberge, la reine soutient son époux, mais de manière raisonnable. Elle pense plus à la vie de son mari qu’à la réussite de ses devoirs royaux. Elle est humble, simple et pleine de bon sens, surtout quand elle conseille son mari. Son réalisme de femme du peuple lui permet de percevoir intuitivement, politiquement que le roi dépasse la mesure. Dévouée jusqu’à la fin à son époux, elle légitime l’action de ce dernier et transforme son échec en apothéose, en gloire.
Entre autres adjuvants dans la quête de Christophe, il y a Martial Besse, l’ingénieur ; le Maître de Cérémonie ; Chanlatte, le poète officiel ; Steward, un Anglais, le médecin du roi, Magny, le Duc de plaisance, général. Et naturellement une partie du peuple.

VI. Les opposants au Roi

Si pour la première quête, c’étaient Pétion et les mulâtres du Cap, dans la deuxième, il s’agit aussi des Français (dont le bateau était en vue) et une partie du peuple (ceux qui trouvent que Christophe est trop dur).
Pétion, le Président de la République du Sud qui vient voir le roi au nom du parlement de Port-au-Prince. Il est l’ennemi principal de Christophe. C’est d’abord lui le premier à vouloir tromper le roi pour lui confisquer le pouvoir que Christophe espère diriger. Il est intelligent comme le reconnaît le roi lui-même, habile à « tamiser les phrases ». Il fait son jeu avec hypocrisie pour ôter à Christophe le pouvoir qu’il détient du royaume. Pire même, il n’hésite pas à faire acclamer le roi de France Louis XVIII plutôt que Christophe. (p. 49). Mais il sera le plus grand perdant, parce qu’à l’Acte III, scène 1, on le voit pleurant comme une vache.
Metellus : C’est un homme lucide et tempéré. Il s’oppose à Christophe et se proclame chef des révoltés. Il symbolise le combattant dont a besoin le peuple noir. Il n’aime ni Pétion ni Christophe, et il incarne l’idéal républicain. Il semble malgré tout que c’est un personnage qui met l’intérêt du pays au-dessus de tout.
Parmi les opposants au roi, on peut citer aussi le leader de l'opposition, le Président du Conseil d'État, Boyer, général des armées de Pétion, l’archevêque Corneille Brelle, l’espion informateur des français, Richard, comte de la Bande du Nord, Franco de Medina, agent du roi de France Louis XVIII.
Franco de Medina : Il apparaît en confrontation avec le roi à l’Acte II, scène 5. Celui-ci décidera aussi de sa mise à mort.
Les généraux Guerrier et Romain seront aussi à la fin des opposants du roi, car ils vont rejoindre le camp des insurgés. (Voir acte III, scène)

VII. Des personnages neutres

Trou Bonbon, Juan de Dios Gonzales, le nouvel archevêque ; l’Apprenti Radayeur, le Capitaine Radayeur, le Royal-Dahomet, Isabelle, le Page africain.

Conclusion

Cette étude que nous avons faite montre mieux la relation entre le Roi Christophe et ses buts, à savoir libérer complètement le peuple haïtien de l’esclavage, le mettre debout. Mais également il s’agissait dans le dessein du roi de développer le pays, voire d’être à la hauteur des Blancs. Mais entre lui et sa quête, un obstacle s’est dressé qui est une partie du peuple, particulièrement ses opposants, et aussi des éléments de son propre camp. La quête de Christophe pourtant s’inscrit dans l’ordre normal de tout roi, de tout homme de pouvoir. Il faut noter toutefois que les intérêts en jeu créent des affrontements à l’image de celui de Christophe et Pétion. C’est surtout la démesure du roi qui est la cause de son échec, et en tout cas son allié le plus proche, son adjuvant désintéressé le plus sûr l’a mis en garde contre une telle attitude. Mais Christophe est un personnage tragique, son destin était fatalement la mort. Son cas devrait faire méditer les dirigeants des pays noirs, sur au moins l’incompréhension qui pourrait naître entre leur peuple et eux.

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