samedi 20 octobre 2018

Le rythme et son interprétation



Le rythme et son interprétation

Le rythme est la cadence du vers (mouvement, ondulation lors de la déclamation du vers)
Pour mieux analyser le rythme d’un vers, il faut considérer les autres vers.

Ayez pour la cadence une oreille sévère :
Que toujours dans vos vers, le sens coupant les mots,
Suspende l’hémistiche, en marque le repos
(…)
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée. (Nicolas Boileau, L’art poétique, 1674)

Quand/ la/ feuil/le/ des/ bois // tom/be/ dans/ la/ prai/rie (une pause longue et césure // et pause courte /)
     1                                             5            1                                            5
Le/ vent/ du/ soir/ s’é//v(e) //et/ l’ar/ra/ch(e) aux/ val/lons.
                            4             2                 3                                   3
NB : Les syllabes soulignées sont celles qui portent les accents.
La présence de césure permet de parler de rythme binaire. Cette pause au milieu du vers coïncide avec le sens des groupes et coupe le vers en deux parties égales appelées hémistiches (ce que précise le conseil de Boileau dans sa définition).

Si maintenant, une pause au milieu est impossible dans l’alexandrin, le rythme est ternaire ; et on aura trois accents (c’est-à-dire trois pauses longues).

Et /qui sait/ si/ les/ fleurs/ nou/vel/les/ que/ je/ rêv(e) (pause impossible à fleurs à cause de l’adjectif « nouvelles »)
       3                           5                               4
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur. ("L’Ennemi" Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857)

Dans le premier vers, le rythme est donc ternaire 3/5/4.
Pour interpréter donc un rythme, on prêtera attention aux mouvements. On part des notions suivantes pour le rythme régulier par exemple
régulier : 2/4//2/4 ; 1/5//1/5 ; 4/2//4/2, etc.
irrégulier : 2/4//1/5 ;  3/3//2/4 ; etc.
constant : 3/3//3/3
Puis, on verra ce que ce rythme caractérise : la régularité (associée aux sons répétés) peut suggérer une cadence régulière, lente, monotone, mais aussi la mélancolie ; Le rythme irrégulier traduit le caractère rapide, saccadé et heurté, le bouleversement, le trouble des sentiments, l’agitation.
Soyez vigilant, le rythme insiste toujours sur ce qui est évoqué dans le texte.

Les procédés rythmiques peuvent venir bouleverser le rythme du vers pour surtout mettre en relief un aspect. Il s’agit du rejet, du contre-rejet et de l’enjambement.

Pour marquer la fuite inexorable du temps, donc la continuité, Lamartine utilise l’enjambement qui est une figure dont la particularité est de prolonger le sens de la phrase d’un vers sur le vers suivant, au moins au-delà de l’hémistiche, et parfois sur plusieurs vers :
« Le lac »
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
(…)
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,       (Ici la restriction « ne…que » assure la continuité du sens)
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

L'enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ;
Ses bras pendants semblaient demander des appuis. ("Souvenir de la nuit du 4" Hugo, Les Châtiments).

En faisant un contre-rejet avec le mot « bouche » en fin de vers, le poète le met en relief.

La sultane regarde et la mer qui se brise
Là-bas, d'un flot d'argent, brode les noirs îlots. (Hugo, Les Orientales.)

En plaçant le mot « Là-bas » en position de rejet, le poète insiste sur le mot et accentue l’éloignement évoqué. Cela favorise une sorte d’hallucination avec les reflets connotés par le mot « argent ».

Exercice : Identifiez dans cette strophe un contre-rejet et un enjambement ?
 Et de longs corbillards sans tambour ni musique
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir
Vaincu pleure et l'Angoisse atroce, despotique
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
(Baudelaire, Les Fleurs du mal.) 

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