Adama Ndao, professeur de lettres modernes au lycée Ahoune Sané de Bignona, présentement au lycée Demba Diop de Mbour analyse ici ses lectures et des œuvres au programme dans l'enseignement du Sénégal. Abonnez-vous pour suivre les posts et l'actualisation des publications.
samedi 4 juillet 2009
samedi 25 avril 2009
L’Exil d’Albouri de Cheik Aliou Ndao
Introduction
On ne saurait aborder une quelconque pièce de théâtre négro africain sans faire un clin d’œil à la naissance du théâtre africain d’expression écrite en tout cas. Ce théâtre est né à l’école normale William Ponty de Sébikotane. Selon Bakary Traoré, des élèves de cette école jouaient des improvisations qui ont émerveillé le directeur de l’école. Celui décide que le théâtre soit intégré dans les activités scolaires, ainsi sont nées de vraies pièces africaines. Depuis lors des chefs d’œuvres ont vu le jour. On peut citer : La tragédie du roi Christophe du martiniquais Aimé Césaire, Le Lion et
I. Rappels historiques
Fils de Birame Penda, cet homme est issu d’une vieille famille régnante du Djoloff. Sa généalogie que nous trace son petit-fils Mansour Bouna Ndiaye, le rattache au fameux Ndiadiane Ndiaye, le fondateur du royaume Djoloff. Contemporain de Soundiata Keïta, Ndiadiane Ndiaye a régné sur le Djoloff de 1200 à 1249. C’est le fameux Diolofin-Mansa que devait combattre le preux Tiramakhan Taraoré pour le compte de Mansa du Manding, Makhan-Soundiata. Alboury Ndiaye, descendant direct de ce Djolofin-Mansa, était un vrai prince, un nationaliste convaincu et désintéressé qui, dans sa résistance acharnée et tenace contre l’intervention française, ne distinguait pas la cause du Sénégal de celle du Soudan, pays profondément islamique en lutte pour la liberté de l’Afrique.
Pour des raisons de sécurité, Alboury avait été envoyé très jeune à la cour du Damel Biram Ngoné Latyr où il a été élevé en même temps que le futur Damel, Lat Dior Diop, descendant du pieux et vénéré Sakhéwar Fatma. Et pendant de nombreuses années, Alboury a été le compagnon assidu, le lieutenant fidèle de Lat Dior dont il partagea les victoires, les défaites, les exils volontaires ou forcés.
Ahmadou Cheikhou, en 1875, à la tête d’une importante troupe, envahit le Cayor. Et Lat Dior informé forme avec le prince Alboury Ndiaye une expédition et poursuivent les fuyards jusque dans son pays natal, le Djoloff, où il se fit reconnaître comme le successeur légitime des Bourba Djoloff.
Alboury devait régner quinze ans, de 1875 à 1890. Un an après son avènement, il envoya à M’Boumba, au Fouta-Toro non loin de Boghé, une armée commandée par son frère Alboury Penda, qui en revint victorieux.
En 1886, les français rompirent le traité de paix, tuèrent Lat Dior et prétextant qu’Alboury avait violé ledit traité en refusant d’envoyer son fils à l’école française.
Dans son exil Alboury laissa derrière lui une capitale Yang yang incendiée, des récoltes brûlées et des puits bouchés ou empoisonnés ne laissant rien à l’envahisseur blanc Dodds. Celui-ci se vengea en nommant comme Bourba-Djoloff le propre frère d’Alboury, Samba Laobé Penda, cet autre ambitieux qui, aux côtés du jeune Damel Samba Laobé Fall, avait préparé la fameuse bataille de Guilé.
Comme il a été confirmé plus tard, Alboury désirait voir créer un grand empire musulman de l’Ouest africain, placé sous
II. Vie et bibliographie de l’auteur
1. la vie de l’auteur
De son vrai nom Sidi Ahmed Alioune Cheik Ndao, célèbre avec Cheik Aliou Ndao est né en 1933 à Karthiak près de Bignona. Fils d’un vétérinaire, il suit son père à travers tout le Sénégal. Il affirme être formé dans la meilleure école, celle des vieillards avec leur sagesse populaire. Il connaît très bien les traditions de son peuple, et surtout l’histoire de son peuple.
Il a fait une partie de ses études secondaires à Dakar et en France, puis il a fréquenté l'Université de Grenoble en France et de Swansea en Grande-Bretagne. Ancien professeur d'anglais à l'Ecole Normale William Ponty. Il a également enseigné aux Etats-Unis en 1972 à De Pauw University de Greencastle (Indiana). Il fut aussi un conseillé culturel auprès du Président de
2. Les publications
Son premier recueil de poésies, Kairée publié en
Sa pièce de théâtre, l'Exil d'Albouri (1967) a été mise en scène en 1968 au théâtre Daniel Sorano de Dakar, et a été jouée sur de nombreuses scènes africaines et européennes, notamment à l'Odéon (Paris), ainsi qu'en Belgique. Présentée au Festival culturel panafricain d'Alger en 1969, elle obtint le premier prix. Traduite en anglais aux Etats-Unis, cette pièce symbolise les débuts du théâtre historique sénégalais. On recense aussi L’Ile de Bahila en 1975,
Sa nouvelle Le Marabout de la sécheresse publié en 1979 est souvent étudiée dans les programmes scolaires.
Partisan de la transcription des langues africaines, Cheik Ndao est l'un des rares écrivains Sénégalais a avoir publié un roman en Wolof Buur Tillen, le roi de
III. La structure de l’œuvre
La pièce se structure en neuf (9) tableaux.
- Le premier tableau s’ouvre sur une opposition anodine entre Beuk nek et le griot Samba. Celui-ci doit convoquer le peuple à la réunion sous l’arbre à palabre pour le couronnement du Prince Laobé Penda.
- Le second tableau débute par l’assemblée du roi pour délibérer sur la décision du gouverneur qui a rompu l’accord avec les royaumes et lève ses spahis contre eux. Devant une discussion passionnée, le roi lève la séance. Ce tableau se termine par une discussion opposant la sœur du Roi, Linguère Madjiguène à la reine Sêb Fal qui réclame son rôle d’épouse, de femme.
- Le troisième tableau est le moment d’une deuxième assemblée après la décision de Bourba de s’exiler vers Ségou, et former une alliance avec lui. Laobé Penda est d’avis qu’il faut rester et mourir pour le trône. Les autres Diarafs se rangent de son côté, sauf le Diaraf des Esclaves. Le Prince a déjà convaincu une partie de l’armée.
- Le quatrième tableau présente la conspiration de Laobé Penda. Il ordonne à ses soldats de tuer le Diaraf des Esclaves qui les espionnait.
- Le cinquième tableau se déroule chez
- Chez le roi dans le sixième tableau, la reine Sêb entre dans une conversation intime avec son mari. Le roi décide qu’elle ira chez ses frères au Cayor, et non de prendre part à l’exil. Samba arrive avec la nouvelle de la traîtrise de Laobé Penda qui pactise avec le Gouverneur, et lui informe qu’il vient d’assassiner le Diaraf des Esclaves.
- Dans le septième tableau, on assiste à la dernière réunion du roi avec le peuple qui accepte de le suivre plutôt que de rester esclave.
- Dans le huitième tableau, on découvre le roi et sa suite dans le chemin de l’exil attendant son arrière-garde conduit par son Beuk nek. Samba profite de cet escale pour lui annoncer que la reine est du voyage. Elle se découvre au roi, et demande pardon à Reine Mère et fait la paix avec Linguère. L’arrivée de Beuk nek clôt ce tableau.
- Le tableau neuf coïncide avec la levée du camp. Moment saisi par Bourba pour parler des difficultés qui attendent le convoi, la faim, les animaux dangereux, le climat hostile. L’épilogue résume la fin tragique d’Albouri qui va mourir dans la bataille, et la dispersion du peuple de Ndiandiane Ndiaye entre Kano, Médine et Ségou.
IV. Le résumé
La pièce s’ouvre sur une atmosphère de fête de nomination du Prince Laobé Penda, dont le courage et la vaillance sont connus dans tout le Djolof. La place de Yang yang est le lieu de cette intronisation. C’est à ce moment qu’un guerrier vient annoncer l’invasion imminente du royaume du Djolof par le Gouverneur qui vient de rompre les traités qu’il avait signés. Afin de faire face à la menace, le roi Albouri convoque une réunion pour permettre à l’assemblée de se prononcer, mais il sera obligé de suspendre la séance à cause des esprits qui s’échauffent. En tête à tête avec son frère, Bourba lui annonce sa décision de s’allier avec les autres rois contre l’armée du gouverneur. Rien que la décision d’aider le roi de Ségou, Ahmadou fait entrer Laobé Penda dans une colère ; il s’oppose à la décision de son frère.
En effet Laobé Penda ne peut cacher son indignation devant ce qu’il considère comme une fuite indigne d’un descendant de Ndiandiane.
Laobé Penda va même jusqu’à convaincre une partie de l’armée à le suivre, et il fait le partage des munitions entre les soldats.
Au moment où Albouri devisait avec sa femme
V. Les personnages
Le Roi Albouri Ndiaye : Il naquit en 1842 à Thial. Le dramaturge a pour projet une œuvre de mythe. Albouri ou « Bourba » est le Roi du Djolof, et vit à Yang yang sa capitale. Il est présenté comme un combattant courageux, mais aussi comme un roi plein de sagesse. Il posé, calme comme tout bon roi. Aussi dans les moments de crise, il propose de « réfléchir en paix » avant de prendre une décision. Après un long séjour à
Le Prince Laobé Penda : Tout comme son frère, il est courageux, et d’ailleurs il considère le combat comme un devoir, ce qui lui a valu la récompenses du roi son frère. Contrairement à son frère, Laobé Penda est spontané, impulsif et fougueux. Avare en parole, il est un homme d’action. Le roi le connaît trop bien pour dire de lui qu’il «est très irréfléchi quelquefois » (p.55). Et le Diaraf de Thingue dit de lui la même chose : « Trop de précipitations, Laobé Penda » (p.58). Aussi a-t-il tenu coûte que coûte à combattre pour la protection du trône. Mais contre toute attente, il va pactiser avec le gouverneur, en se soumettant.
Beuk Nek : Il est le bras droit fidèle de Bourba. Il fait partie de la race des grands guerriers. D’ailleurs c’est lui qui va prendre la tête de l’arrière garde du roi et infligé une petite défaite à l’armée de Laobé Penda et les Sofas du gouverneur.
Samba : Il est le griot attitré du roi Albouri. Il incarne le syncrétisme religieux, et ne s’en cache pas. Loin d’être hypocrite comme le lui crache Beuk nek, il passe pour quelqu’un qui n’a pas peur de dire la vérité. Il n’a pas besoin d’être présenté puisqu’il le fait : « Pourtant, qui ose se vanter d’avoir le quart de mon savoir ? » lance-t-il Beuk nek.
Le Diaraf de Thingue : Il gouverne la province de Thingue. C’est un autre combattant de l’armée du roi. Il est consulté par le roi sur les épineux problèmes d’Etat. Mais il se rangera du côté de Laobé Penda. Il sera tué par le bataillon de Beuk nek.
Le Diaraf de Varhôh : Il gouverne Varhôh, là où se trouve la cavalerie de l’armée du Djolof. Comme le Diaraf de Thingue, il soutiendra le Prince Laobé Penda.
Ardo : C’est un chef guerrier peulh. Très lucide pour comprendre le Bourba, mais il va se ranger du côté du Prince.
Le Diaraf des Esclaves : C’est le seul à soutenir le roi Albouri, et jusqu’à le payer de sa vie en le servant comme espion.
VI. Les thèmes
- La trahison
Ce thème est très présent dans le texte. D’abord, en déclarant qu’ils obéissaient au doigt et à l’œil le Bourba, Les Diarafs de Thingue et de Varhôh et Ardo n’ont pas hésité à l’abandonner, surtout parce que Laobé Penda avait mobilisé l’armée pour assiéger l’assemblée. Et ils se réunissaient chez le Prince à l’insu du Bourba, ce que d’ailleurs le Diaraf des Esclaves a découvert.
Ensuite, non content d’être opposé à son frère, prétextant la défense de l’honneur, Laobé Penda ne s’est pas gêné à trahir le peuple en acceptant le protectorat du gouverneur.
D’un autre côté, le gouverneur fut le premier traître car, ayant signé un traité, il le rompt sans aviser les cosignataires, mais surtout il les attaque à l’improviste.
- L’honneur
L’honneur, ou le « jom » au Sénégal a toujours été la raison de vie des rois. Dans
- L’exil
L’exil au sens d’Albouri, n’est une fuite, ni un exode, mais plutôt une façon de reculer pour attaquer, et surtout une manière de chercher des alliers pour faire face à la puissance de feu de l’armée du gouverneur. Finalement pour le peuple, l’exil était le seul moyen de rester sauf et digne. Aussi la dernière assemblée tenue par le roi est rythmée par le slogan du peuple : « L’exil plutôt que l’esclavage » (septième tableau pp.80-81). Le vrai motif de l’exil apparaît ainsi à la page 89 quand le roi Albouri s’adresse au peuple qui l’a suivi, c’est que, dit-il « les bottes ennemies ne marcheront pas sur nos cadavres ».
- Le rôle de la femme
A travers surtout les conversations, on note une volonté du dramaturge de montrer les différents rôles que les femmes occupent dans la vie de Cour, dans la vie tout court du Djolof. La femme du foyer est surtout là en filigrane, avec les revendications incessantes de la reine Sêb Sa conversation avec Linguère laisse apparaître l’amour de cette femme envers son mari, amour qu’elle n’attend qu’à exprimer : « Ô vois mes seins qui bourgeonnent ! Toutes les nuits se retourner seule dans son lit, les yeux ouverts. » (p.40), et ajoute-t-elle à l’endroit de sa belle-sœur : « Je suis femme avant d’être Reine. ». Elle veut ainsi au moins avoir un ou une enfant et vivre la maternité : « Un enfant ! Albouri, un enfant : » (p.74). Pour dire que la femme quelle que soit la situation, elle joue un rôle à côté de son mari. Aussi les femmes sont de vraies guerrières quelquefois à l’image de Linguère. Et
- Le courage
Le courage est présent chez tous les sujets du Djolof. Et on ne s’étonnera nullement si
VII. La dramaturgie de Cheik Aliou Ndao
- Vérité historique et mythe
« Mon but est d’aider à la création de mythes qui galvanisent le peuple et portent en avant. » affirme le dramaturge dans son prologue. On comprend donc sa façon de traiter l’histoire qu’il connaît. Et à travers le traitement qu’il fait subir à l’histoire on voit comment il a participé à immortaliser le roi Alboury. « On a le droit de violer l’histoire si c’est pour lui faire de beaux enfants » écrivait….. Justement Cheik Aliou Ndao a réussi à rétablir une vérité historique dans cette pièce en utilisant une dramatisation qui rend compte de la vie de Cour du grand conquérant le Bourba Djolof. Sa manière d’être réaliste a permis de rendre accessible le sens des gestes, des paroles et des actions.
- Une tragédie poétique
Hormis les envolées de Samba, on note que le dramaturge joue sur les réunions pour créer une poésie bien africaine, faite de rythme par la répétition, les incantations et les exclamations lyriques. Le texte débute par une célébration du soleil par Samba. « Ô Soleil, Souffle du Buffle sur les savanes ! Voilà que tu souris, au sortir de ta nuit de noces avec
D’ailleurs les paroles du roi sont souvent et régulièrement entrecoupées de scansions du peuple, et de scansions très asymétriques pour reprendre Senghor. « Diâta ! Diâta ! ô Lion » / « Ndiaye ! Ndiaye » / « Diâta ! Ô Ndiaye ! ». De même ce type de refrain du peuple se retrouve au dernier tableau ainsi : « L’exil, l’exil plutôt que l’esclavage ! » / « L’exil plutôt que l’esclavage ! »
Conclusion
Une tragédie africaine, L’exil d’Albouri ne se présente plus parce que l’homme, le héros est un noble, un roi, un preux, comme dans les tragédies grecques ou plus récemment dans les tragédies classiques. Chose extraordinaire, c’est que du point de vue formel, la pièce de Cheik Aliou Ndao n’a rien d’occidental, mais les valeurs portées par les personnages rejoignent étrangement des valeurs occidentales gréco-romaines par exemple. La chose politique, l’honneur, la famille, l’amour, le choix décisif sont autant de points communs qui peuvent légitimer le théâtre africain comme un théâtre complet. La réussite de l’auteur vient du fait que de 1967 à nos jours, cette pièce continue de nous apprendre des choses, de participer à la fierté de la jeunesse noire qui peut se regarder à travers le personnage d’Albouri. Retenons que l’exil choisi est ici un moyen de se rapprocher de celui qui épouse notre idéal, celui qui est le plus proche de nous malgré les divergences qui peuvent régner entre nous. Mais aussi l’exil signifie aussi liberté, dignité gardée. Victor Hugo a ainsi expliqué son exil : « Je resterai proscrit, voulant rester debout ».
Sources : internet : article de Bocar Cissé « ALBOURY NDIAYE, DERNIER GRAND BOURBA DU DJOLOF » Revue Ethiopiques numéro 19, juillet 1979
mardi 14 avril 2009
La responsabilité dans Vol de nuit de Saint Exupéry
PLAN
Introduction
I. Qu’est-ce que la responsabilité ?
II. La responsabilité des pilotes
III. Travail et responsabilité
IV. Responsabilité et liberté
Conclusion
Introduction
Le travail quel qu’il soit doit être un moment d’accomplissement d’une tâche. Ainsi, le responsable dans un travail est souvent celui qui doit être récompensé positivement ou négativement. Voilà pourquoi le travail de l’aviation est un moment pendant lequel on peut mesurer la responsabilité de chaque agent. La responsabilité est donc un engagement de la part des pilotes, mais également de toute l’équipe autour du chef de la compagnie Rivière. Afin d’analyser la responsabilité dans le roman Vol de nuit, il semble nécessaire d’étudier tour à tour la signification de la responsabilité, la responsabilité des pilotes, et enfin la relation entre le travail à faire et l’engagement responsable des différents acteurs.
I. Qu’est-ce que la responsabilité ?
- Définition de la notion
Selon le dictionnaire, la responsabilité est définie comme une obligation faite à une personne ou une institution de répondre de ses actes du fait du rôle ou des charges que la personne doit assumer et d’en supporter toutes les conséquences. Et faut-il ajouter que le responsable suppose une acceptation et un engagement à remplir sa mission et à en subir toutes les conséquences, suite à un dommage quelconque. Quand il s’agit de la responsabilité de chaque membre dans une compagnie comme celle dirigée par le chef Rivière, toute décision ou acte oblige le travailleur à rendre des comptes.
- La responsabilité selon les personnages
Le mot responsable a un sens bien entendu général ; toutefois dans Vol de nuit chaque personnage a une certaine compréhension de son rôle, c’est-à-dire de sa responsabilité. Pour Rivière par exemple la responsabilité est une lourde tâche et elle est synonyme de vies humaines qu’on tient entre les mains. D’ailleurs il est comme Tantale ou Atlas qui a porté le monde sur ses épaules, donc il en est responsable. Et voilà pourquoi il dit à Robineau : « Vous disposez presque de la vie des hommes ». Ce que Robineau lui-même sait bien car il affirme à son tour à Pellerin la gravité des décisions qu’il doit prendre (p.61). La responsabilité est si lourde que Rivière ne restait jamais tranquille tant que ses avions étaient au ciel du moment qu’il était le « responsable du réseau entier » à lire à la page 32. Le narrateur est d’ailleurs d’accord avec lui parce qu’il fait du courrier un travail où les pilotes sont responsables du bonheur des gens qui doivent recevoir les lettres. (p.44)
II. La responsabilité des pilotes
- Le pilote et son appareil
Ici chaque pilote est responsable d’abord de son outil de travail, l’avion. En plein vol, c’est son compagnon, le radio qui se charge d’établir le contact avec l’équipe au sol. Cependant, l’entretien des moteurs est sous la responsabilité des mécaniciens et des manœuvres. Cette responsabilité fait que chaque pilote, quelle que soit sa situation dans le ciel doit ramener au sol son appareil.
On comprend dès lors que Robineau critique « le montage d’une pompe du type B6 le confond avec une pompe à un type B4 » (pp.51-52).
- Le pilote et son coéquipier
Autant le pilote est responsable de son appareil, autant aussi il est responsable de son coéquipier, et même d’autres personnes, on pense à sa femme, ou sa famille, aux autres personnes qu’il ne connaît pas et qu’il tient le bonheur dans ses mains. C’est pour cette raison qu’à la page 71 la responsabilité de Fabien nous est suggérée par le narrateur de l’histoire : « le radio pensa qu’après tout le pilote était responsable …. ».
Au total, chaque pilote est responsable de lui-même et de son outil de travail. Responsable aussi des hommes (femme et camarades), Fabien « tenait dans ses mains le cœur battant de son camarade et le sien » (p. 138)
III. Travail et responsabilité
- La grandeur de la mission
La femme du pilote du courrier d’Europe aura compris la grandeur du pilote son mari quand elle avance que « dans une heure, [les bras de son mari] porteraient le sort du courrier d'Europe, responsables de quelque chose de grand, comme du sort d'une ville. Et elle fut troublée. Cet homme, au milieu de ces millions d'hommes, était préparé seul pour cet étrange sacrifice ».
- La sanction du responsable
La sanction est toujours la conséquence qui découle d’une responsabilité engagée. Dans Vol de nuit, la responsabilité est l’accomplissement d’un devoir, et tout acte responsable est sérieusement sanctionné positivement ou négativement par Rivière qui est ici le chef qui doit appliquer le règlement. Ainsi après la réussite du pilote Pellerin, Rivière le félicite indirectement quand il dit « comment avez-vous réussi ? » (p.42). Par contre toute faiblesse entraîne une punition envers le responsable. Roblet, le responsable d’un mauvais travail, sera renvoyé. Pourtant c’est lui qui a monté le 1er avion de
IV. Responsabilité et liberté
Accepter un travail, c’est donc a priori être libre, puisqu’on a le choix. Mais c’est aussi a posteriori être responsable de tout acte exécuté durant l’accomplissement de son travail. Ainsi on n’objectera pas, « je ne l’ai pas fait exprès » à Rivière du moment qu’il dit « ce n’est pas lui que j’ai congédié ainsi brutalement, c’est le mal dont il n’est pas responsable, mais qui passait par lui. » (p. 86). Si les pilotes sont plus libres au ciel, il n’en est pas de même pour les autres au sol, l’inspecteur, les secrétaires, les manœuvres, etc.
Dans Terre des hommes de Saint-Exupéry, Guillaumet était responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent (…) responsable un peu du destin des hommes, dans la mesure de son travail. »
Cette responsabilité est aliénante dans la mesure où l’homme est mu par une force intérieure incontrôlable. Aussi l’homme ne peut-il prétendre à une liberté absolue :
« Ces plaines, ces villes, ces montagnes… Il (l pilote du courrier d’Europe) partait libre, lui semblait-il, à leur conquête. » (p. 95)
Conclusion
Comme on vient de le voir, la responsabilité se trouve partout dans le roman, puisqu’elle accompagne non seulement l’accomplissement d’un devoir, mais également le seul fait d’accepter de faire ce devoir. Ainsi la responsabilité est d’autant plus grande si on est responsable de la vie des hommes. Rivière tient entre ses mains la vie de ses pilotes à qui il impose des vols de nuits dangereux, les mécaniciens sont responsables de la sécurité des moteurs et des avions, et les pilotes, des bonheurs des propriétaires des courriers. Donc chacun est responsable dans cette chaîne de la vie. On retiendra qu’être responsable, c’est accepter un devoir et le remplir sous peine de sanctions.
samedi 7 juin 2008
Etude du thème du danger au service du progrès dans Vol de Nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième
Introduction
Le roman Vol de Nuit a été écrit dans un contexte particulier : celui de la concurrence entre les moyens de transport. Pour ne pas être pris de cours par l’automobile où le train, Rivière, le chef de l’aéropostal initie le vol de nuit avec tous les risques que cela comporte. Cette situation nous ramène à poser les questions suivantes.
Après avoir fait un bref historique, nous analyserons les obstacles qui se dresserons devant les pilotes ensuite le professionnalisme dont feront preuve les aviateurs.
I. Historique
C’est l’histoire des événements survenus une certaine nuit sur le réseau aérien en Amérique du Sud à une époque qui n’est pas précisée, mais qu’on peut situer vers 1930, où les vols de nuit relevaient presque encore du domaine de l’aventure et où les pilotes étaient de vrais martyrs. Ils affrontaient d'énormes dangers et prenaient beaucoup de risque. André Gide disait à ce sujet qu’ « il y a pour l’aviation comme pour toute exploration de terres inconnues une période héroïque ».
II. Les obstacles de l’air
1. La nature des obstacles
L’avion conçu comme moyen de déplacement aérien réduit l’univers de l’homme dans une masse de ferraille en plein air qui le détache de son monde extérieur. Le pilote, à l’intérieur de son appareil de commande dont-il semble être maître, se fixe une destinée d’atterrissage dont il n’est pas toujours sur de joindre. L’avion échappe parfois au contrôle du pilote par suite d’orage, de tempête, de cyclone. Le pilote n’est pas aussi à l’abri d’une défaillance de moteur, d’une aile brisée face à un orage ou une tempête ; ni également à l’abri d’une visibilité nulle qui peut créer une catastrophe et même la mort du pilote. Ainsi en est-il de Fabien.
Ce pendant dans Vol de Nuit, Saint Exupery nous informe que les risques des pilotes sont multiples. Ainsi sur le plan social tel que écrit l’auteur : « L’intérêt générale prime au détriment de l’intérêt particulier », les pilotes en cours de mission mettent en exergue l’angoisse personnelle et familiale au même niveau à chacun de leur vol. Ce qui constitue un risque majeur au plan psychologique et familial, car la famille n’est jamais sûre du retour de leurs maris aux foyers. En outre ces pilotes face à l’éducation de leurs enfants apparaissent comme des parents absentéistes d’où le manque d’affection des enfants vis-à-vis de leurs parents.
III. Le professionnalisme des pilotes
1. La volonté des pilotes
Les nombreux dangers - auxquels font face les pilotes - constituent un motif pour affirmer que les pilotes risquent à tout moment leurs vies. Ainsi il leur fallait une volonté et un courage extraordinaires. Les pilotes n’en manquaient pas. Leur chef aussi, car Rivière ne se reposait pas (p.28). Et la responsabilité de leurs outils de travail et celle de leur propre vie ont suffit pour les pousser à se surpasser de telle sorte que, devant le danger, les pilotes ont presque l'impression de jouer : " Sans avoir à lutter, ils serraient les mains sur les commandes " (p.36). Le narrateur ajoute même : " Le cyclone ce n’est rien " (p.37). Toutefois c’est le chef Rivière qui leur inspirait cette volonté : "L’homme était pour lui une cire vierge qu’il fallait pétrir. Il fallait donner une âme à cette matière, lui créer une volonté (…) il créait cette volonté. Ainsi, malgré tous ces dangers, ces pilotes aiment leur travail. " Ces hommes-là sont heureux parce qu’ils aiment ce qu’ils font et ils l’aiment parce que je suis dur ". (p.47)
2. Le savoir-faire des pilotes
On vient de montrer que les pilotes aiment leur métier, mais c’est surtout parce qu’ils sont des professionnelle même si Rivière n’était jamais tranquille lors d’un vol de nuit. Fabien dans sa cabine de commande était non seulement « bien à l'aise » (p.22), mais il manipulait avec adresse son outils de travail, en témoignent les verbes d’actions : « Il tapota le tableau de distribution électrique, toucha les contactes un à un remua un peu, s’adossa mieux et chercha la position la meilleur pour mieux sentir les balancements des cinq tonnes de métal qu’une nuit mouvante épaulait » (p.22). En outre, par la comparaison, on voit que Pellerin se sort de son voyage grâce à son expérience, et il parle : « de son vol comme un forge de son encule » (p.42). D’ailleurs la maîtrise du travail est confirmée par l’inspecteur Robineau qui se sente moins important que les pilotes. Pourtant, face aux dangers extrêmes, le pilote ne pouvait que s’abandonner au hasard. La conclusion qu’on peut tirer de Vol de Nuit est positive dans la mesure où, malgré la mort de Fabien, le travail contenue car "une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre".
3. Des pilotes au service du progrès
Les pilotes étaient de vrais messagers étant donné que c'est au prix de leurs vies qu'ils entreprennent ce métier plein de risques ; car le danger est souvent constitué d'obstacles inconnus ou imprévisibles. Mais au service de la réussite de l'aéropostal, et au nom du progrès de la navigation aérienne et par conséquent de toute l'humanité, ils doivent accomplir leur mission quoique périlleuse. Donc ils renoncent à "ce qui fait douce la vie" pour le bonheur des familles qui attendent les lettres dont ils sont porteurs. Voilà pourquoi le narrateur note qu'"un homme travaillait quelque part pour que la vie soit continue, …pour que jamais, de Toulouse à Buenos Aires, ne se rompe la chaîne. » (p. 77)
Ainsi chaque pilote est responsable de lui-même et de son outil de travail. Responsable aussi des hommes (femme et camarades). Aussi Fabien « tenait dans ses mains le cœur battant de son camarade et le sien » (p. 138).
Dans Terre des hommes de ce même Antoine de Saint-Exupéry, le héros Guillaumet était "responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent (…) responsable un peu du destin des hommes, dans la mesure de son travail. »
Conclusion
Vol de Nuit peut être considéré comme le roman qui enseigne la responsabilité du chef et celle des sujets qui doivent chacun en ce qui le concerne joue pleinement son rôle pour permettre l’atteinte des objectifs. Tout cela passe par le sacrifice et par l’esprit de dépassement. C'est que ces illustres pèlerins de l'aviation civile savent pourquoi ils sont là et travaillent pour que la vie continue, afin que le bonheur et la paix bienheureuse demeure. Ces pilotes atteignent ainsi, grâce à leurs actions héroïques, l'immortalité. Rivière va survivre par son action.
Etude d'un thème : Victoire et/ou défaite dans Vol de nuit
Introduction
Le problème soulevé se trouve à la fin de Vol de Nuit. Ce qu’il faut remarquer surtout ce sont les paroles qui précédent cette affirmation : «victoire…défaite…, ces mots n’ont point de sens. La vie est au-dessous de ces images et déjà prépare de nouvelles images» page 187. Dés lors on peut penser la question qui est à résoudre est celle de savoir si l’action – et son résultat – aujourd’hui a une signification sans son devenir. Autrement dit, laquelle de la victoire ou de la défaite fortifie finalement un peuple.
On se demandera alors comment est perçue la victoire à travers Vol de Nuit, mais aussi pourquoi le narrateur, surtout après la mort tragique de Fabien, affirme paradoxalement qu’une défaite réveille un peuple.
I. La compréhension de la victoire
1. La victoire : c'est peu de chose
Vol de nuit traite de la victoire de manière étonnante, car elle est souvent banalisée, éphémère. D’ailleurs dans la lettre de Saint-Exupéry citée par André Gide dans la préface, on lit : « Je viens de réussir un petit exploit ». Pour dire la faible valeur que l’auteur lui-même accorde à la victoire. C’est pourquoi il ajoute : « Jamais plus je n’admirai un homme qui ne serait que courageux. »
La victoire dans ce roman n’est, semble-t-il, jamais acquise. Et c’est peut-être là que se trouvent la noblesse et la grandeur des pilotes. Ainsi le narrateur avance que lorsque Fabien « gagne ces lumières », il a « le sentiment de vaincre » (p. 23), mais en réalité il ne vainc pas. Cette impression est arrivée également au pilote Pellerin qui pensait avoir « bien gagnés » ses camarades (p. 34).
2. Perdre une bataille, non la guerre
Si l’arrivée à destination est vue comme une victoire, Rivière pense que « l’arrivée des avions ne serait jamais cette victoire qui termine une guerre » (p. 28). Mais la guerre contre qui, contre quoi ? Sinon contre le mauvais temps : orages, tempêtes, ouragan, nuit, bref contre la nature ou la mort.
Pourtant lorsque Rivière félicite Pellerin ainsi « Comment avez-vous réussi ? » (p. 42), celui-ci s’excusait presque car, pour lui, cette victoire signifie peut-être peu à ses yeux même s’il raconte comment il l’a obtenue sur les obstacles du ciel, aux pages 42 et 43.
Par contre, chez Fabien, la victoire était éphémère, et on perdait, presque aussitôt après, ce qu’on a gagnait !
« Marches, contremarches, territoires gagnés qu’il faut rendre » (p. 69)
II. Le sens de la défaite dans Vol de Nuit
1. Qu'est-ce la défaite?
Dans Vol de Nuit, la victoire est surtout pour le responsable Rivière, c’est d’arriver à vaincre la peur qui est en soi. Ainsi dit-il à son pilote à deux reprises « Je le sauve de la peur » (p. 102 et p.103). En plus l’homme doit avoir de la foi, de la volonté et du courage, car la lutte est engagée, contre la mort. Donc l’homme doit être motivé par le désir de vaincre, désir qui ne peut être effectif que lorsqu’on a eu une défaite. C’est la raison pour laquelle le narrateur affirme qu’une défaite réveille un peuple. Et devant l’arrivée soudaine de la mort, celui de Fabien, Rivière s’exclame « La mort, la voilà ! ». Mais cette défaite entre guillemets de Fabien est synonyme de victoire dans la mesure où seule « L’action délivre de la mort » (p. 164) puisque, par son action, le pilote devient éternel, durable.
2. La victoire : c'est qui perd gagne
On retiendra dès lors que dans cette œuvre, la défaite ce n’est pas mourir, mais plutôt abandonner. Pour citer une défaite, on a ainsi le demi-tour d’un pilote qui à peur du mauvais temps, à la page 101. Néanmoins, il arrive dès moment où la volonté et le courage soient désarmés et que seule la chance peut sauver le pilote. Ainsi en est-il de Fabien qui « Calculer ses chances » (p. 110) mais qui jouait à qui perd gagne, parce que même mort Fabien restait éternel par son action et ce drame n’empêchait pas aux avions de voler. La phrase qui résume la force de la défaite est sans doute ce qui justifie le sujet à savoir : « Les échecs fortifient les forts » (p. 119).
Conclusion
Il a été, on l’a vu, toujours question de grandeur, de noblesse, de courage dans le roman. Il est donc vrai que la victoire ou la défaite n’on pas de sens, c’est plutôt le sentiment qu’on a de l’action à accomplir qui fait la victoire ou la défaite. Donc la mort de Fabien qui n’a pas arrêté la marche des autres avions ne peut, du point de Rivière, constituer qu’une défaite positive. D’ailleurs le roman finit par un chant d’orgue qui monte, un hymne à la gloire du héros et Vol de Nuit se termine par le mot « Victoire ».
« Rivière - le grand, Rivière – le victorieux, qui porte sa lourde victoire » (p. 188).
Etude esquissée de Vol de nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième
I. Résumé de l'œuvre
II. Etude des personnages
III. La structure du récit
L’organisation en chapitres oriente le récit vers une structure d’ensemble relativement complexe : les moments de l’histoire peuvent être doubles ou parfois même triples. Cependant, on peut isoler l’unité principale mise en exergue par le titre – c’est-à-dire le vol de cette nuit – et retrouver une structure simple et linéaire.
Brièvement, résumons la structure ainsi : le texte débute par une unité (un avion en activité), puis cette unité s’éclate en trois unités (trois avions), indépendantes les unes des autres, et enfin retour à une unité (un avion).
Il se dégage, somme toute, une infinité d’unités auxquelles le narrateur et les personnages font allusion.
L’unité principale qui organise le récit se décline en trois moments : situation initiale, péripéties et situation finale.
La situation initiale
Le roman commence « in medias res » par Fabien que le narrateur montre dans son occupation habituelle : piloter (p. 17). Il vient de l’extrême Sud (Terre de Feu) de l’Argentine et se dirige vers Buenos Aires, le soir.
- un atterrissement de dix minutes à San Julian ;
- entrée dans la nuit paisible.
En fait il y avait deux autres avions au ciel : dans celui de Paraguay, un pilote se dirige vers Buenos Aires, ainsi que Pellerin qui avait quitté le Chili, à l’ouest. Tous les trois avions postaux ont le vent en poupe, et leur arrivée est prévue avant minuit (p. 27).
Le narrateur pose les « possibles narratifs » en ces termes :
« Trois pilotes, chacun à l’arrière d’un capot…» (p. 27)
Les péripéties
Trois avions sont lancés : leurs manœuvres dépendent du temps – pas de la nuit seulement, mais aussi, et surtout des conditions météorologiques : orages, tempêtes, ouragans, cyclones…
Le courrier de Chili atterrit (p. 33). Le pilote, sa lutte dans le cyclone. Ce cyclone du Pacifique – notons l’oxymore dans l’idée - ne dépasse jamais les Andes, dit Rivière.
- Chapitre VII : des nuages se forment, un orage, de loin, lance une attaque ;
- Chapitre XII : Fabien et son radio sont cernés : ils ont atteint « le point de non retour », le triangle de Bermudes du ciel
Au Sud : à Commodoro, une tempête ;
Au Nord : à Bahia Blanca, un orage occidental en moins de vingt minutes ;
Au Nord toujours, avant Bahia Blanca ; Trelew vit un Ouragan de trente mètres secondes Ouest et des rafales de pluies ;
San Antonio, un vent et une tempête.
Fabien « pensait qu’il était cerné » (p. 113)
- Chapitre XV : L’équipage de la Patagonie est seul, sans adjuvants, abandonné aux vents et à la pluie.
- Chapitre XVI : il parvient pourtant à se stabiliser, et même Fabien jubile : « - Ca va mieux ! » (p. 144)
- Chapitre XVII : L’avion maintient sa stabilité, mais il est toujours bloqué au ciel. Un problème d’essence annonce un rebondissement.
- Chapitre XX : deux possibilités : essence épuisé ou panne : dans les deux cas, l’issue sera fatale.
La situation finale
Après la disparition du courrier de Patagonie, les yeux se tournent vers l’autre avion (l’autre unité alors). A la marche et fin tragique du courrier de Patagonie, fait contraste celle de l’Asunción.
La situation se pose ainsi : partis de points opposés, l’amélioration du sort de l’Asunción est le contrepoint de la dégradation du sort de Fabien.
- Chapitre XX : fin tragique de Fabien et son radio : mort du héros, d’un héros.
- Chapitre XXII : issue euphorique : « Ce vol heureux annonçait, par ses télégrammes, mille autres vols aussi heureux. » (p. 181)
- Chapitre XXIII : une seule unité reprend et on revient à la situation initiale (nouvelle). Le courrier d’Europe est relancé en direction de Toulouse, c’est-à-dire pour une distance encore plus grande. Pour la première fois, on nous montre un départ d’avion ; comme si l’action venait de commencer. On la situerait au chapitre X, où un manque est créé chez la femme du pilote de ce même courrier.
IV. Temps et espace
Longtemps considérés comme moyens d'approche d'un texte, le temps et l'espace ont connu, à travers l'histoire de la critique littéraire, des avatars considérables. Leurs traitements participent de l'originalité d'une production littéraire et aident au décryptage du message quel qu'il soit.
Pour preuve, dans le livre en tant qu'objet, l'écriture occupe un espace (équivalent au nombre de pages) et tout lecteur lui consacre un temps pour y tirer l'information proportionnelle à son niveau de compréhension.
Faire abstraction du temps et de l'espace, c'est nier l'existence même.
A. Etude du Temps
Une histoire est racontée. Mais l'histoire de qui? Et de quoi?
Disons-le d'emblée, que c'est l'histoire de pilote (contentons-nous pour le moment de ce mot générique) et l'histoire d'une action (pour ne pas dire des actions – choix qu'on précisera ultérieurement).
Cette histoire racontée (ou "récit", mot que nous emploierons désormais) s'inscrit dans un temps et se dilue quelque part – imaginé ou réel.
L'étude du temps dans Vol de nuit est, à bien des égards, importante pour l'éclairage de l'action dans le texte. Dans le roman, il faut distinguer la durée de l'histoire (ne dépassant pas une nuit, comme le note le titre, du reste) de celle du récit. Cette dichotomie opérée au niveau du temps appelle une approche fragmentée. On est en face de deux récits, et par conséquent de deux durées. Un récit premier qui dure une nuit ; et un récit second dont la durée – impossible à circonscrire – et l'action se diluent dans le récit premier, ou mieux dépendent de lui.
1. Le temps du récit
La durée du récit ne dépasse guère une nuit.
Partant de l'analyse du titre de l'ouvrage, on en arrive à une conclusion selon laquelle tout s'est noué autour du couple de mots assez solidaires que sont vol et nuit. Dénouer le petit tissu du titre peut permettre une compréhension aisée de l'action qui se développe à travers le texte. Par exemple, croire que le personnage principal ou le héros c'est Fabien, parce que d'une part il est le premier nommé, et parce que sa mort coïncide avec la fin du roman d'autre part – ce qui d'ailleurs n'est qu'une impression pour un esprit primesautier et non ce qu'il en est réellement.
Le titre donc, Vol de nuit, sans article, permet de prendre l'action dans son universalité, au moins dans le domaine du pilotage (action de piloter). Quant au mot nuit, ajoutant une nuance supplémentaire, sort l'action de l'ordinaire.
2. La durée du récit
Le récit premier (cf. sufra) commence "officiellement" le soir :
"Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'Extrême Sud, cers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port…" (p. 17)
Il s'achève avec le départ du courrier d'Europe, à deux heures et quart ou vingt de la nuit. C'est à la fin seulement qu'on saura que la fin de l'action a été annoncée par le responsable de la Compagnie, Rivière, de manière péremptoire :
"Il est deux heures. Le courrier d'Asunción atterrira à dix heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p. 178)
- L'action s'arrêtera-t-elle après?
On ne tardera pas à le savoir, d'autant plus que Rivière va décréter que le courrier de d'Europe décollera à deux heures et quart.
Le décollage a eu lieu, et "dans une minute il (l'avion) franchira Buenos Aires" et "dans cinq minutes les postes de T. S. F. auront alerté les escales" (p. 188)
La durée de l'action du roman s'arrête environ vers deux heures vingt minutes, mais elle survit "réellement" au texte.
a) Les retours en arrière
Ils sont fréquents dans le roman. On n'en fera pas un inventaire exhaustif si une étude spectrale, mais en donner un panel éclairant et quelques indications pour les retrouver assez facilement dans le texte. Ce qu'il faut tout de suite retenir en sus de cela, c'est que ces retours en arrières, qu'on appelle encore analepse, ralentissent le rythme du récit.
b) Le sommaire
Le sommaire est une autre variante du récit. Le narrateur l'utilise pour rapporter, ou mieux pour ranimer le passé. Son procédé trouve sa plénitude dans les messages télégraphiques.
Rivière et son passé :
Le narrateur déflore constamment le passé de Rivière. Son passé est associé à celui de Leroux, peut-être un homme de la même tempe, car étant un vieux contremaître qui travaillait depuis quarante (p. 29) C'est comme si sa vie faisait écho à celle de Leroux. Aussi dit-il à la suite de l'opinion du vieux sur l'amour : Voilà (…) ma vie est faites." (p. 30)
Son passé sonne une musique déjà entendue (p. 76), et il se rappelle ses "Dix années d'expérience et de travail" (p. 77) Cette idée, qu'il continue aussi :
"Tant de travail pour aboutir à ça! J'ai cinquante ans; cinquante ans j'ai rempli ma vie, je suis formé, j'ai lutté, j'ai changé le cours des événements…" (p. 83)
Etc.
Robineau et son passé :
Son passé est mis à nu à travers les objets qu'il étale lui-même devant Pellerin. Par là, il exhibe son intimité (p. 59). Le narrateur, prenant le relais, résume l'état de pauvreté morale dans lequel se vautre l'inspecteur (p. 60), avant de lui laisser la parole.
c) Les anticipations
Peu nombreuses dans le roman, elles sont des programmations, sinon des projections. Dans ce sens, elles sont prises en charge par le chef du réseau, Rivière (p. 177) En effet, le temps pour Rivière est secondaire : ce qui lui importe c'est la poursuite de l'action :
"Il est possible que nous ne l'attendions pas pour faire décoller l'avion d'Europe…" (p117)
Effectivement, il projette de continuer; il prophétise même :
"Le courrier d'Asunción atterrira à deux heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p 178)
Très significative, l'anticipation au dernier chapitre, où l'action va déborder la durée du roman.
"Dans une minute il franchira Buenos Aires, et Rivière, qui reprend sa lutte, veut l'entendre. L'entendre naître, gronder et s'évanouir, comme le pas formidable d'une armée en marche dans les étoiles." (p. 187)
Rivière veut "l'entendre naître"; cela fait contraste avec l'événement tragique. Mais l'accent est mis ici sur le futur.
B. Etude de l'espace
Toute action a besoin d'un espace. Il ne peut en être autrement. Dans Vol de nuit, l'espace est complexe et varie selon les perspectives. Il s'agit, pour nous, afin d'éviter les écueils que son morcellement pose, de l'étudier en se fondant sur son utilité dans l'évolution de l'action.
Avant d'aller plus loin dans l'analyse, précisons qu'il y a globalement deux macro espaces : espace aérien et espace terrestre. Il s'y ajoute un troisième espace qui, en fait, n'en est pas un réellement, du moment qu'il est le produit de l'impression, si ce n'est celui de son imagination, et qu'on appellera espace fantasmé.
Il faut dire aussi que Saint-Exupéry mêle ici un cadre réel, bien reconnaissable géographiquement à un espace fictif, imaginaire. Celui-là crée "l'illusion de réalisme", celui-ci rend l'action mythique.
Pour l'espace géographique, une carte servira de support concret.
1. L'espace aérien
Sa présentation ne laisse pas perplexe un profane de l'aviation, puisqu'il est souvent comparé à la terre ou à la mer.
L'avion "allait de ville en ville, il était le berger des petites villes" (pp. 17-18)
"Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairie, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire." (p. 18)
Parfois l'altitude est donnée pour ancrer le récit dans la réalité. (p. 111)
Sur terre, les obstacles c'est la guerre; au ciel, ce sont les intempéries (pp. 23, 35, 42-43, 109-114…)
2. L'espace terrestre
Contrairement à l'espace aérien, l'espace terre se caractérise par son morcellement : la Compagnie, les maisons, les villes, les pays ou escales. La Compagnie se subdivisant même à son tour en bureaux, poste et terrain d'atterrissages.
La Compagnie, est un réseau au sens plénier du terme. Il y a une relation d'interdépendance entre les lieux qui la composent, et le noyau c'est le bureau de Rivière.
Citons un escale (p. 18), un terrain d'atterrissage (pp. 27, 33), un hôtel (pp. 59-61)
Les bureaux en ville (pp. 48, 57, 58, 59, 89, 101, 152, 175, 182, 188)
Les maisons (p. 93) et (p. 125)
jeudi 5 juin 2008
Résumé
« Chez moi, le rêve côtoie la réalité et corrige ses côtés négatifs ; Et je ne rêve pas, je vois la vie autrement », dit Ebinto à son amie Monique. (p.19)
« Les livres, c’est toujours la même histoire : un garçon qui aime une fille et patati et patata. Ca sert seulement à aiguiser la sensibilité et à faire souffrir. C’est pourquoi je ne lis jamais », termine Bazié, ami d’Ebinto. (p.27)
« Jette mon livre, dis-toi bien que ce n’est là qu’une des milles postures en face de la vie, choisis la tienne » André Gide cité par Ebinto (p.36)
« Moi, je l’aimais et je voulus passer du stade de l’amitié à celui de l’amour. Elle s’en rendit compte et me dit de ne pas confondre les deux choses. Elle me cita Hugo : « (L’amitié) c’est être frère et sœur, deux âmes qui se touchent sans se confondre, les deux doigts e la main. » « L’amour c’est être deux et n’être qu’un. Un homme et une femme qui se fondent en un ange. C’est le ciel. »
« Souvent j’étais avec Muriel toujours prêt à lui déclarer ma passion. Mais un geste, un simple coup d’œil de Muriel m’imposait un silence dans lequel je ne pouvais plus vivre ; Pourquoi cette jeune fille me tolérait-elle si elle ne m’aimait pas ? Etait-ce pour ne pas me blesser ou pour flatter son amour-propre ? En tout cas je ne me sentais pas l’âme de ces amoureux de l’époque précieuse en France et qui faisaient la cour à une femme pendant vingt ans avant d’avoir une réponse. » (p.42)
« Je vis Muriel avec Azari, le fils d’un médecin. Je n’entendais pas ce qu’ils se disaient mais ils semblaient s’entendre très bien. Muriel souriait à Azari. Les yeux de la jeune fille avaient ce même éclat que ceux de Monique quand elle me parlait.
« J’étais là, comme un étourdi par la vue de ces deux jeunes gens parfaitement heureux à mes dépens… Pourtant devais-je capituler, rester sur ma défaite et perdre Muriel ? Ne pas lutter ? Mais comment lutter ? L’amour ne demande ni force physique ni intelligence. » (p.43)
Devant eux, c’est Azari qui parle :
« - La plèbe est en branle-bas, dit-il à Muriel qui était très sérieuse
« -qu’est-ce qui se passe, Ebinto ? me demanda-t-elle d’une voix légèrement tremblante.
« -Je suis venu te chercher.
« Oh ! là, là, ricana Azari. C’est la révolte du prolétariat.
« (…) – Vois-tu, Azari, je ne déteste personne parce qu’il est riche et je ne tolère pas qu’on me méprise parce que je suis pauvre. Mais je te mets en garde dès maintenant : je neveux pas que tu tournes autour de Muriel. » (p.44)
« On est sublime quand on a le courage de lutter loyalement pour ce qu’on aime » Muriel dit-elle à Ebinto. (p.45)
« La providence, répondis-je, philosophe, prend quelquefois le malin plaisir de torturer certaines pauvres gens. Il y a trois jours, quand je vous ai vu à côté du musée, vous veniez de quitter votre chambre d’hospitalisation. Maintenant c’est au tour de madame votre femme ; demain, sans doute, ce sera celui de monsieur votre fils. C’est à croire que l’hôpital vous plaît… Si vous m’en croyez, monsieur, vous abandonneriez votre existence absurde, vous achèteriez une machette et iriez vous faire embaucher dans une plantation de café. Vous gagneriez honnêtement votre vie.
- Moi, travailler aux champs ! Et à qui laisser Abidjan ? Il semblerait que la vie s’est arrêtée.» (p.60
« Mon unique fenêtre donnait derrière la maison, sur une espèce de minuscule dépression toujours inondée pendant la saison des pluies et que j’appelais mon « lac ». Mais ce qui faisait surtout mon orgueil, c’était ma petite bibliothèque. (…) Cette bibliothèque contenait une soixantaine de livres…
J’avais réservé la deuxième (étagère) à mes auteurs préférés et le grand Hugo y avait une place de choix. A côté de lui, il y avait Balzac, Saint-Exupéry, Mauriac et parmi les Africains David Diop, Birago Diop et Dadié. (…) aux côtés de Richard Wright, des sœurs Brontë, de Vallès, Pierre Benoît et de Morris West. Il y avait aussi des romans pour enfants d’Enid Blyton, de la comtesse de Ségur, etc. » (pp.63-64)
Deux lettres arrivent chez Ebinto pendant les vacances dans son village natal, Akounougbé. La lettre de Muriel qu’il ouvre d’abord et lit une séparation de celle-ci pour conserver leur amitié et puis elle partait poursuivre ses études en France. Ebinto est affligé. « J’ai relu plusieurs fois la lettres de Muriel. J’ai essayé de comprendre chaque mot, j’ai cherché à saisir un message secret qui me fût favorable. Mais il fallait que je fusse bien idiot pour ne pas comprendre que ce message était la sentence fatale. Muriel ne m’aimait pas. » (p.66)
Voilà un beau conseil pour un cours de commentaire de texte. Afin de comprendre le message, il faut lire entre les lignes, ce que le narrateur-récepteur de cette lettre veut faire : lire plusieurs fois, trouver le sens de chaque mot.
La deuxième lettre est celle de Monique lui annonçant qu’elle était enceinte de lui, son père allait la renvoyer de la maison, et lui Ebinto, s’il ne l’épousait pas, il le ferait mettre en prison.
« Ma pauvreté, j’en étais digne et m’en enorgueillissais, mais je compris ce jour-là qu’il était triste d’être pauvre. Etait-ce donc vrai que "l’argent c’est la vie" comme le disait Vautrin ? (p.67)
Adresse au lecteur, façon de trouver un complice ou un soutien « Ce soir-là, j’eus à parler à ma mère. Je lui racontai tout ce que tu sais, lecteur, sur Muriel, Monique et moi-même.
- Cette fille t’aime infiniment, me dit ma mère en parlant de Monique. Elle fera ton bonheur. » (p.70)
Cette situation est comme celle qu’on lit dans Andromaque de Jean Racine : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque (qui aime toujours son défunt mari Hector et son fils Astyanax) Monique aime Ebinto qui aime Muriel qui aime l’amitié avec Ebinto.
Le destin se joue ainsi d’Ebinto tout comme il se jouait des héros de l’antiquité.
Sa mère insiste pour qu’il épouse la fille.
« Nous sommes la génération de la transition entre deux civilisations. Nous sommes la génération du sacrifice. Un de mes jeunes camarades européens m’avait dit au collège que nous, jeunes Noirs, nous inventions nos problèmes, nos malheurs. J’ai répondu que s’il avait compris René, il n’y avait pas de raison qu’il ne nous comprenne pas. » Ce passage confirme la thèse contenue dans le livre de Cheikh Hamidou Kane L’aventure ambiguë dans lequel Samba Diallo a été le sacrifice.
« Jusqu’ici, j’avais considéré les hommes avec amour. La colère d’être un rien du tout m’ouvrit une autre voie : le MAL. Et, curieusement, je me souvins de Maldoror qui « fut bon pendant ses premières années » et qui « s’aperçut ensuite qu’il était né méchant : fatalité extraordinaire ! »
Les conseils de M. Rouget le chef de la plantation où Ebinto est engagé comme contremaître : « Voyez-vous, Ebinto, la vie n’a pas été facile avec moi. J’ai été dur avec elle. J’ai prévenu les coups. » (p.80) Il lui raconte la ruine et la mort de ses parents dans la décolonisation.
M. Rouget lui dit que « le bonheur consiste dans l’égalité des désirs et des forces » (p.88) En fait il cite Fromentin. Ebinto revient à Hugo et évoque « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » (p.88)
Après avoir fait souffrir Monique par son indifférence, celle-ci avait fini par avorté lors d’une maladie, malgré l’aide de la femme d’un de se employé. Ce fut au tour d’Ebinto de tomber malade, Monique s’occupe de lui, lui faisait faire des promenades dans sa convalescence.
Ebinto s’inspire de nouveau de ses lectures : Les Misérables de Hugo. Il demande à Monique de lui lire « Elle se mit à lire, à parler de la misère humaine que Hugo a si bien peinte » (p.92) « Bien sûr Jean Valjean est un misérable ; Javert aussi ; Thénardier pis encore. Seulement, il y a des nuances de leurs misères. Certains essaient de sortir de la boue dans laquelle la nature les a mis, de lutter pour le bien et atteindre un certain idéal : ainsi Jean Valjean. D’autres croient toucher à l’idéal mais sans le savoir, ils sont misérables par leurs agissements inhumains : Javert par exemple. D’autres par contre plongent tête baissée dans le crime et connaissent la misère sous toutes ses formes : c’est le cas de Thénardier. Mais moi, en quoi étais-je comparable à ces personnages ? (92)
Philosophie : « Le chant du cygne » Platon dans Phédon : « Quand ceux-ci (les cygnes) sentent en effet venir l’heure de leur mort, le chant qu’ils avaient auparavant, ce chant se fait alors plus fréquent et plus éclatant que jamais, dans leur joie d’être sur le point de s’en aller auprès de Dieu dont ils sont les servants. Mais les hommes avec leur effroi de la mort calomnient jusqu’aux cygnes : ils se lamentent, dit-on, sur la mort ; la douleur leur inspire ce chant suprême ». « Tout est si absurde » (p.93)
Dans la 3ème partie, Monique, allée chercher du ravitaillement décide de partir. Elle laisse une lettre tenue au jour le jour à Ebinto. « J’ai décidé de lutter pour défendre mon amour » disait-elle (p.97)
« Ah, le mariage ! Il m’avait surprise, mais j’étais arrivée à en avoir une certaine idée. Il m’apparaissait comme un pacte dans lequel chacun des deux conjoints s’engage à comprendre l’autre en toutes circonstances et à lui pardonner si possible ; un pacte où la vérité doit subjuguer les discussions mesquines, où l’amour seul doit triompher. » (p.104). Ce passage est une page intertextuelle d’Une vie de Maupassant.
Celui-ci le lit et voit l’amour de la fille, et ses sentiments vrais s’en reviennent, il trouvera un vélo pour aller retrouver la fille à la gare, la nuit seule. Il la ramène et commence à rattraper le temps perdu, mais le temps est déjà perdu pour eux deux. Durant des congés pris ils décident de passer ça au village d’Ebinto. La nuit dans le fleuve à traversé, Monique tombe de la pirogue, car Ebinto l’avait quittée pour prendre une bouée de sauvetage et en ce moment l’orage redoubla. Sauvé par des pêcheurs, Monique est morte et elle sera enterrée par les siens. Ebinto est comme fou, sifflotant.
Comparaison entre Javert et Thénardier (p.107) mais aussi avec Vigny. « J’ai pleuré de me savoir plus méprisable que Javert et Thénardier pour m’être acharné lâchement sur une jeune fille qui avait commis le « crime » de m’aimer follement. » « Gémir, pleurer, prier est également lâche » célèbre idée de Vigny. (p.107)
Dans sa tentative de gagner la berge avec sa femme Monique, dans l’obscurité de la nuit et l’orage, Ebinto : « Courage, encore une brasse ; oui, une autre ; voilà, comme ça, continue » Chaque brasse me coûtait un effort surhumain, mais il fallait toujours en recommencer une autre, puis une autre encore ». (p.122) Pour l’effort surhumain afin de se sauver, voir aussi Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes, où Guillaumet fait des pas, encore des pas pour se sauver.
Amadou Koné, Les frasques D’Ebinto, Hatier-Paris, 2000.
Le plan détaillé en dissertation
Sujet : Dans la préface de son recueil poétique Les Orientales , Victor Hugo écrit : « tout est sujet ; tout relève de l'art ; tout a d...