vendredi 23 mai 2014

Etude de La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire

La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire

Introduction

L’une des pièces de théâtre historique les plus lus et plus joués, La tragédie du roi Christophe est l’œuvre qui a surtout été compris par le peuple noir. Cette pièce mise en scène par Serreau a été jouée lors du festival des arts nègres à Dakar en 1966. Publiée en 1963, cette pièce de théâtre n'en finit pas de faire sensation. C’est que son action retrace la lutte des noirs pour leur liberté et leur indépendance, mais aussi le destin des pays noirs transparaît à travers le devenir de l’action du roi Christophe qui résume les nouveaux dirigeants de ces nouveaux pays. Cette étude que nous proposons s’articulera autour des axes suivants : La vie et l’œuvre du dramaturge, le résumé de la pièce, la structure, les personnages, les thèmes et la dramaturgie de Césaire.

I.                   Biographie et bibliographie

1. La biographie

Issu d’une famille modeste de Fort-de-France, écrivain et homme d’action, Aimé Césaire est né le 26 juin 1913, à Basse-Pointe au nord de la Martinique et fait partie d’une famille de sept enfants. Son père est enseignant et sa mère une couturière A l’âge de six ans, il entre à l’école primaire. Après une bonne scolarité au lycée de sa ville natale, Aimé Césaire obtient une bourse afin de poursuivre ses études à Paris au lycée Louis-le-Grand.
1932-1933, Césaire entre à hypokhâgne à Louis-le-Grand, où il fait la connaissance de Ousmane Socé, puis de Léopold Sédar Senghor.
Césaire réussit au concours d’entrée à l’ENS en 1935. Il voyage en Martinique et commence à écrire le Cahier. En 1937 Césaire épouse Mlle Roussy. 1937 voit la naissance de son premier enfant et il vient de terminer le Cahier qu’il publiera en 1939 dans la revue Volontés.
Césaire et sa femme Suzanne Césaire sont affectés comme professeurs au lycée Victor –Schoelcher de Fort-de-France. Césaire est élu député-maire de la ville sous les couleurs du Parti Communiste Français (PCF) qu’il quittera en 1956 et adresse à l’occasion une lettre à Maurice Thorez. Il renonce à la députation en 1993. Il quitte la politique sans la quittant carrément, il soutient la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007. Le 9 avril il est hospitalisé et il décède le 17 avril 2008 à Fort-de-France

2. La bibliographie

Ecrivain prolixe, Césaire publie plusieurs ouvrages :
Les armes miraculeuses, (poésie), 1946 ; Soleil cou coupé, (poésie), 1948 ; Corps perdu, (poésie), 1949 ; Discours sur le colonialisme, (essai), 1955 ; Lettres à Maurice Thorez, 1956 ; Et les chiens se taisaient, (poésie puis théâtre), 1956 ; Ferrements, (poésie), 1960 ; Cadastre, (poésie), 1961 ; Toussaint Louverture, (historique), 1962 ; La tragédie du roi Christophe, (théâtre), 1963 ; Une saison au Congo, (1967) ; Une tempête, (théâtre), 1969 ; Œuvres complètes, 1976 ; Moi, laminaire…, 1982.

II. Le résumé de la pièce

La pièce est précédée d’un prologue mettant en scène un combat de coqs, l’un surnommé Christophe, l’autre Pétion. Sinon l’action débute avec la visite de Pétion envoyé par le Sénat proposer à Christophe la présidence. Celui-ci refuse flairant le complot pour l’écarter du pouvoir en lui offrant un pouvoir vide. Ainsi se révolte-t-il contre les mulâtres et se proclame roi d’Haïti. Dès lors le pays est divisé entre les partisans de Christophe dont son secrétaire Vastey et ceux qui s’allient avec la puissance coloniale. Il s’en suivit la cérémonie de couronnement célébrée par l’archevêque Corneille Brelle, puis la prestation de serment du roi. Il maîtrise la rébellion dirigée par Metellus. Contre Pétion, il propose la réunification de l’Etat, mais le Sénat complote derrière son dos. Christophe décide de la construction d’une Citadelle, symbole de la puissance d’Haïti et force le peuple au travail. Il fait exécuter un paysan qui ne travaille pas et emploie les filles au travail de construction. Ne supportant pas ces excès, Corneille Brelle demande le repos pendant que Hugonin organise un mariage collectif pour éviter la débauche. Christophe donne l’ordre de supprimer l’archevêque. Mais au cours de la messe de l’Assomption, Christophe est paralysé par le spectre de Corneille Brelle. Il commence à prendre conscience et rêve d’une dernière victoire et se prépare à se suicider. Après sa mort, sa femme, un page africain et Vastey disent sa grande destinée.

III. La structure de la pièce

La structure de la pièce en trois actes facilite la compréhension de la progression de l’action. En gros chaque acte est centré sur le héros Christophe. Ainsi on a la structure suivante.

Acte I : La conquête du pouvoir et le couronnement de Christophe. Dans cette partie, Christophe s’oppose à Pétion qui est mandaté par le Sénat pour écarter Christophe du pouvoir. Ce dernier non seulement refuse mais fait une sécession et se proclame le roi d’Haïti. Il organise son couronnement, par une fête.

Acte II : Après son couronnent, ce fut la guerre civile. Une bonne partie du peuple est contre le roi Christophe, notamment les bourgeois, certains paysans, ses propres généraux le trahissent sans compter la puissance extérieure.

Acte III : Malgré les avertissements surtout de sa femme, Christophe s’entête à mener le pays avec une main de fer, et sa tyrannie, ses travaux forcés et sa démesure achève son règne, au moment où pourtant il commençait à faire sa prise de conscience.

IV. Les personnages

1. Le héros : Henri Christophe

Christophe est un ancien cuisinier, puis général devenu le roi d’Haïti. Cette ascension montre déjà son destin exceptionnel, mais aussi tragique, puisqu’il lutte pour la liberté et l’indépendance de son peuple. Il est un roi excessif et autoritaire, qu’il explique par le travail pour arriver au niveau des autres, « je demande trop aux hommes mais pas assez aux nègres », dira-t-il. Dans son projet de faire oublier le passé d’esclavage et de créer un avenir meilleur, il oblige, comme un tyran, le peuple à travailler dure, jusqu’à même tuer les fainéants. Ses excès sont jugés cruels par le peuple qu’il veut libérer par le travail, car pour lui il n’y a point de fatigue donc pas de repos ni de congé. Pour unifier l’Etat, il s’attaque au siège de Pétion à Port-au-Prince. Toutefois il va prendre conscience de son action un peu trop tard, et son échec sera synonyme de sa mort. Aussi dit-il à la fin, « j’ai voulu forcer l’énigme de ce peuple à la traîne » (p. 140)

2. Les adjuvants du roi Christophe

Vastey : Il est le secrétaire du roi, et plus acquis à sa cause, à son idéal. Il comprend bien son roi et ses projets, et par conséquent les défend devant ses rivaux. Il dirige en fait la politique de Christophe, car c’est lui essaie de convaincre le peuple de la façon à agir pour régler les problème du pays. Cependant malgré son intelligence à prévoir les problèmes, il ne s’est pas opposé à Christophe pour infléchir ses décisions par de sages conseils.

Hugonin : Dans la pièce de théâtre, il est caractérisé comme « un mélange de parasite, de bouffon et d’argent politique » qui accompagne toujours le roi. Il occupe le rôle de courtisan qu’on connaît dans le théâtre classique. C’est lui qui, dans le marché, divertit le peuple par ses chansons et ses commentaires. Dès fois très grotesque, il parvient à détendre par des plaisanteries une atmosphère un peu tragique. Mais derrière ce masque de bouffon se cache un sage capable de dire la vérité et émettre une critique sans blesser le roi. Aussi ramène-t-il le roi Christophe à la raison en lui disant que « les peuples vont de leur pas, Majesté » (Acte III, scène 6). Il transforma parfois donc la scène en une petite comédie, et instruit en faisant rire.

Madame Christophe : Elle était une servante à l’auberge de la couronne (Acte 1, scène 7). C’est un personnage simple, humble et très lucide. Elle averti son mari de sa démesure et le refrène durant ses moments d’aveuglement. Patiente épouse, elle assiste son mari jusqu’à sa mort.

Chanlatte : Il est le poète national.

3. Les opposants du roi.

Pétion : Il est mulâtre et c’est lui qui essaie de tromper Christophe en lui offrant un pouvoir « sans croûte ni mie ». Il est envoyé par le sénat et il veut surtout le pouvoir et s’allier au roi français Louis XVIII. Bon parleur, il défend la cause des mulâtres. Cependant ses manœuvres machiavéliques vont se retourner contre lui, et il est remplacé par Boyer.

Métellus : Il est un guerrier accompli. Même s’il est contre Christophe, il n’est pas avec Pétion. Il était le compagnon de lutte de Toussaint Louverture et est prêt à donner sa vie pour l’unité de la nation. Il est sur le plan héroïque le double de Christophe.

Corneille Brelle puis Juan de Dios Gonzales : Ils représentent la religion et l’église catholique. Ce sont des Blancs. Corneille Brelle revendique le droit de repos et le roi le soupçonne d’être un allié des Blancs pour déstabiliser son régime. D’ailleurs c’est son spectre qui va frapper le roi Christophe. Aussi est-il remplacé lors de la cérémonie de couronnement. Le second, avec ce nom d’origine espagnole est une sorte de parasite et n’inspire pas confiance non plus

Les autres personnages
Le duc de la Limonade, le duc de Dondon, le duc de Sale-Trou, le duc de Plaisance, Magny… A travers le nom exotique de la France métropolitaine, se cache une volonté de critiquer la puissance occidentale. Ils seront les premiers à trahir le roi.

VI. Le style de Césaire
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L’espace dans cette pièce de théâtre n’est pas unique : On a le marché du Cap, le palais, la cathédrale du Cap, le champ de bataille, devant Port-au-Prince, au Sénat, dans un salon bourgeois, etc. Ces indications de lieux précises créent en quelque sorte la vraisemblance. Et le roi parcours presque tous les lieux, ce qui fait que la scène est très mobile
Césaire exploite le prologue avec un début qui met en scène un combat de coqs. Ainsi il annonce, voire résume le ressort de la pièce. Mais à l’intérieur de la pièce les péripéties sont entrecoupées de divers types théâtraux parmi lesquels on peut citer :
- le vaudeville : le vaudeville est une comédie légère dont l'intrigue repose essentiellement sur le quiproquo ou malentendu, le rebondissement et les situations grivoises, grossières. Hugonin est l’acteur accompli de ce vaudeville. Durant la fête, la plaisanterie en offre des exemples : « Dis donc la belle, ce n’est pas du rapadou que je veux, c’est de toi, doudou ! Pas de tassau ! Te donner l’assaut, ma doudou ! »
- le ballet : C’est une chorégraphie réalisée par une troupe de danseurs. On a le ballet durant la fête de couronnement du roi Christophe.
Le dramaturge réalise ici un théâtre total en exploitant à la fois la musique, le chant et la danse.

Conclusion


La tragédie du roi Christophe est devenue un classique du genre. Ne respectant pas les règles de la tragédie classique, elle est surtout un mélange des techniques modernes et anciennes de théâtre, et on pourrait même dire qu’elle est un drame africain, tellement il est original et s’écarte des théâtres occidentaux. Le comique et le tragique s’annule, le vaudeville s’y exprime, l’histoire est le fil d’Ariane qui mène de bout à bout l’action, et la musique, le chant et la danse sous forme de ballet fait de cette pièce un théâtre total, un théâtre africain.

1 commentaire:

Unknown a dit…

C'est vraiment intéressant