samedi 7 juin 2008

Etude du thème du danger au service du progrès dans Vol de Nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième

Thème : Le roman Vol de Nuit d'Antoine de Saint Exupery l’homme doit mettre sa vie en danger au service du progrès. Argumentez vos idées à partir des exemples tirés du roman.

Introduction

Le roman Vol de Nuit a été écrit dans un contexte particulier : celui de la concurrence entre les moyens de transport. Pour ne pas être pris de cours par l’automobile où le train, Rivière, le chef de l’aéropostal initie le vol de nuit avec tous les risques que cela comporte. Cette situation nous ramène à poser les questions suivantes.
Après avoir fait un bref historique, nous analyserons les obstacles qui se dresserons devant les pilotes ensuite le professionnalisme dont feront preuve les aviateurs.

I. Historique

C’est l’histoire des événements survenus une certaine nuit sur le réseau aérien en Amérique du Sud à une époque qui n’est pas précisée, mais qu’on peut situer vers 1930, où les vols de nuit relevaient presque encore du domaine de l’aventure et où les pilotes étaient de vrais martyrs. Ils affrontaient d'énormes dangers et prenaient beaucoup de risque. André Gide disait à ce sujet qu’ « il y a pour l’aviation comme pour toute exploration de terres inconnues une période héroïque ».

II. Les obstacles de l’air

1. La nature des obstacles
L’avion conçu comme moyen de déplacement aérien réduit l’univers de l’homme dans une masse de ferraille en plein air qui le détache de son monde extérieur. Le pilote, à l’intérieur de son appareil de commande dont-il semble être maître, se fixe une destinée d’atterrissage dont il n’est pas toujours sur de joindre. L’avion échappe parfois au contrôle du pilote par suite d’orage, de tempête, de cyclone. Le pilote n’est pas aussi à l’abri d’une défaillance de moteur, d’une aile brisée face à un orage ou une tempête ; ni également à l’abri d’une visibilité nulle qui peut créer une catastrophe et même la mort du pilote. Ainsi en est-il de Fabien.
Ce pendant dans Vol de Nuit, Saint Exupery nous informe que les risques des pilotes sont multiples. Ainsi sur le plan social tel que écrit l’auteur : « L’intérêt générale prime au détriment de l’intérêt particulier », les pilotes en cours de mission mettent en exergue l’angoisse personnelle et familiale au même niveau à chacun de leur vol. Ce qui constitue un risque majeur au plan psychologique et familial, car la famille n’est jamais sûre du retour de leurs maris aux foyers. En outre ces pilotes face à l’éducation de leurs enfants apparaissent comme des parents absentéistes d’où le manque d’affection des enfants vis-à-vis de leurs parents.

III. Le professionnalisme des pilotes

1. La volonté des pilotes

Les nombreux dangers - auxquels font face les pilotes - constituent un motif pour affirmer que les pilotes risquent à tout moment leurs vies. Ainsi il leur fallait une volonté et un courage extraordinaires. Les pilotes n’en manquaient pas. Leur chef aussi, car Rivière ne se reposait pas (p.28). Et la responsabilité de leurs outils de travail et celle de leur propre vie ont suffit pour les pousser à se surpasser de telle sorte que, devant le danger, les pilotes ont presque l'impression de  jouer : " Sans avoir à lutter, ils serraient les mains sur les commandes " (p.36). Le narrateur ajoute même : " Le cyclone ce n’est rien " (p.37). Toutefois c’est le chef Rivière qui leur inspirait cette volonté : "L’homme était pour lui une cire vierge qu’il fallait pétrir. Il fallait donner une âme à cette matière, lui créer une volonté (…) il créait cette volonté. Ainsi, malgré tous ces dangers, ces pilotes aiment leur travail. " Ces hommes-là sont heureux parce qu’ils aiment ce qu’ils font et ils l’aiment parce que je suis dur ". (p.47)

2. Le savoir-faire des pilotes
On vient de montrer que les pilotes aiment leur métier, mais c’est surtout parce qu’ils sont des professionnelle même si Rivière n’était jamais tranquille lors d’un vol de nuit. Fabien dans sa cabine de commande était non seulement « bien à l'aise » (p.22), mais il manipulait avec adresse son outils de travail, en témoignent les verbes d’actions : « Il tapota le tableau de distribution électrique, toucha les contactes un à un remua un peu, s’adossa mieux et chercha la position la meilleur pour mieux sentir les balancements des cinq tonnes de métal qu’une nuit mouvante épaulait » (p.22). En outre, par la comparaison, on voit que Pellerin se sort de son voyage grâce à son expérience, et il parle : « de son vol comme un forge de son encule » (p.42). D’ailleurs la maîtrise du travail est confirmée par l’inspecteur Robineau qui se sente moins important que les pilotes. Pourtant, face aux dangers extrêmes, le pilote ne pouvait que s’abandonner au hasard. La conclusion qu’on peut tirer de Vol de Nuit est positive dans la mesure où, malgré la mort de Fabien, le travail contenue car "une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre".

3. Des pilotes au service du progrès
Les pilotes étaient de vrais messagers étant donné que c'est au prix de leurs vies qu'ils entreprennent ce métier plein de risques ; car le danger est souvent constitué d'obstacles inconnus ou imprévisibles. Mais au service de la réussite de l'aéropostal, et au nom du progrès de la navigation aérienne et par conséquent de toute l'humanité, ils doivent accomplir leur mission quoique périlleuse. Donc ils renoncent à "ce qui fait douce la vie" pour le bonheur des familles qui attendent les lettres dont ils sont porteurs. Voilà pourquoi le narrateur note qu'"un homme travaillait quelque part pour que la vie soit continue, …pour que jamais, de Toulouse à Buenos Aires, ne se rompe la chaîne. » (p. 77)
Ainsi chaque pilote est responsable de lui-même et de son outil de travail. Responsable aussi des hommes (femme et camarades). Aussi Fabien « tenait dans ses mains le cœur battant de son camarade et le sien » (p. 138).
Dans Terre des hommes de ce même Antoine de Saint-Exupéry, le héros Guillaumet était "responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent (…) responsable un peu du destin des hommes, dans la mesure de son travail. »

Conclusion

Vol de Nuit peut être considéré comme le roman qui enseigne la responsabilité du chef et celle des sujets qui doivent chacun en ce qui le concerne joue pleinement son rôle pour permettre l’atteinte des objectifs. Tout cela passe par le sacrifice et par l’esprit de dépassement. C'est que ces illustres pèlerins de l'aviation civile savent pourquoi ils sont là et travaillent pour que la vie continue, afin que le bonheur et la paix bienheureuse demeure. Ces pilotes atteignent ainsi, grâce à leurs actions héroïques, l'immortalité. Rivière va survivre par son action.

Etude d'un thème : Victoire et/ou défaite dans Vol de nuit

Etude de thème : «Une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre », affirme Antoine de Saint Exupery. A partir de la lecture de Vol de Nuit, vous montrerez la justesse de cette pensée.

Introduction

Le problème soulevé se trouve à la fin de Vol de Nuit. Ce qu’il faut remarquer surtout ce sont les paroles qui précédent cette affirmation : «victoire…défaite…, ces mots n’ont point de sens. La vie est au-dessous de ces images et déjà prépare de nouvelles images» page 187. Dés lors on peut penser la question qui est à résoudre est celle de savoir si l’action – et son résultat – aujourd’hui a une signification sans son devenir. Autrement dit, laquelle de la victoire ou de la défaite fortifie finalement un peuple.
On se demandera alors comment est perçue la victoire à travers Vol de Nuit, mais aussi pourquoi le narrateur, surtout après la mort tragique de Fabien, affirme paradoxalement qu’une défaite réveille un peuple.

I. La compréhension de la victoire

1. La victoire : c'est peu de chose

Vol de nuit traite de la victoire de manière étonnante, car elle est souvent banalisée, éphémère. D’ailleurs dans la lettre de Saint-Exupéry citée par André Gide dans la préface, on lit : « Je viens de réussir un petit exploit ». Pour dire la faible valeur que l’auteur lui-même accorde à la victoire. C’est pourquoi il ajoute : « Jamais plus je n’admirai un homme qui ne serait que courageux. »
La victoire dans ce roman n’est, semble-t-il, jamais acquise. Et c’est peut-être là que se trouvent la noblesse et la grandeur des pilotes. Ainsi le narrateur avance que lorsque Fabien « gagne ces lumières », il a « le sentiment de vaincre » (p. 23), mais en réalité il ne vainc pas. Cette impression est arrivée également au pilote Pellerin qui pensait avoir « bien gagnés » ses camarades (p. 34).

2. Perdre une bataille, non la guerre

Si l’arrivée à destination est vue comme une victoire, Rivière pense que « l’arrivée des avions ne serait jamais cette victoire qui termine une guerre » (p. 28). Mais la guerre contre qui, contre quoi ? Sinon contre le mauvais temps : orages, tempêtes, ouragan, nuit, bref contre la nature ou la mort.
Pourtant lorsque Rivière félicite Pellerin ainsi « Comment avez-vous réussi ? » (p. 42), celui-ci s’excusait presque car, pour lui, cette victoire signifie peut-être peu à ses yeux même s’il raconte comment il l’a obtenue sur les obstacles du ciel, aux pages 42 et 43.
Par contre, chez Fabien, la victoire était éphémère, et on perdait, presque aussitôt après, ce qu’on a gagnait !
« Marches, contremarches, territoires gagnés qu’il faut rendre » (p. 69)

II. Le sens de la défaite dans Vol de Nuit

1. Qu'est-ce la défaite?


Dans Vol de Nuit, la victoire est surtout pour le responsable Rivière, c’est d’arriver à vaincre la peur qui est en soi. Ainsi dit-il à son pilote à deux reprises « Je le sauve de la peur » (p. 102 et p.103). En plus l’homme doit avoir de la foi, de la volonté et du courage, car la lutte est engagée, contre la mort. Donc l’homme doit être motivé par le désir de vaincre, désir qui ne peut être effectif que lorsqu’on a eu une défaite. C’est la raison pour laquelle le narrateur affirme qu’une défaite réveille un peuple. Et devant l’arrivée soudaine de la mort, celui de Fabien, Rivière s’exclame « La mort, la voilà ! ». Mais cette défaite entre guillemets de Fabien est synonyme de victoire dans la mesure où seule « L’action délivre de la mort » (p. 164) puisque, par son action, le pilote devient éternel, durable.

2. La victoire : c'est qui perd gagne

On retiendra dès lors que dans cette œuvre, la défaite ce n’est pas mourir, mais plutôt abandonner. Pour citer une défaite, on a ainsi le demi-tour d’un pilote qui à peur du mauvais temps, à la page 101. Néanmoins, il arrive dès moment où la volonté et le courage soient désarmés et que seule la chance peut sauver le pilote. Ainsi en est-il de Fabien qui « Calculer ses chances » (p. 110) mais qui jouait à qui perd gagne, parce que même mort Fabien restait éternel par son action et ce drame n’empêchait pas aux avions de voler. La phrase qui résume la force de la défaite est sans doute ce qui justifie le sujet à savoir : « Les échecs fortifient les forts » (p. 119).

Conclusion

Il a été, on l’a vu, toujours question de grandeur, de noblesse, de courage dans le roman. Il est donc vrai que la victoire ou la défaite n’on pas de sens, c’est plutôt le sentiment qu’on a de l’action à accomplir qui fait la victoire ou la défaite. Donc la mort de Fabien qui n’a pas arrêté la marche des autres avions ne peut, du point de Rivière, constituer qu’une défaite positive. D’ailleurs le roman finit par un chant d’orgue qui monte, un hymne à la gloire du héros et Vol de Nuit se termine par le mot « Victoire ».
« Rivière - le grand, Rivière – le victorieux, qui porte sa lourde victoire » (p. 188).






























Etude esquissée de Vol de nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième

VOL DE NUIT

I. Résumé de l'œuvre

II. Etude des personnages

III. La structure du récit


L’organisation en chapitres oriente le récit vers une structure d’ensemble relativement complexe : les moments de l’histoire peuvent être doubles ou parfois même triples. Cependant, on peut isoler l’unité principale mise en exergue par le titre – c’est-à-dire le vol de cette nuit – et retrouver une structure simple et linéaire.
Brièvement, résumons la structure ainsi : le texte débute par une unité (un avion en activité), puis cette unité s’éclate en trois unités (trois avions), indépendantes les unes des autres, et enfin retour à une unité (un avion).

Il se dégage, somme toute, une infinité d’unités auxquelles le narrateur et les personnages font allusion.
L’unité principale qui organise le récit se décline en trois moments : situation initiale, péripéties et situation finale.

La situation initiale

Le roman commence « in medias res » par Fabien que le narrateur montre dans son occupation habituelle : piloter (p. 17). Il vient de l’extrême Sud (Terre de Feu) de l’Argentine et se dirige vers Buenos Aires, le soir.
- un atterrissement de dix minutes à San Julian ;
- entrée dans la nuit paisible.

En fait il y avait deux autres avions au ciel : dans celui de Paraguay, un pilote se dirige vers Buenos Aires, ainsi que Pellerin qui avait quitté le Chili, à l’ouest. Tous les trois avions postaux ont le vent en poupe, et leur arrivée est prévue avant minuit (p. 27).
Le narrateur pose les « possibles narratifs » en ces termes :
« Trois pilotes, chacun à l’arrière d’un capot…» (p. 27)

Les péripéties

Trois avions sont lancés : leurs manœuvres dépendent du temps – pas de la nuit seulement, mais aussi, et surtout des conditions météorologiques : orages, tempêtes, ouragans, cyclones…
Le courrier de Chili atterrit (p. 33). Le pilote, sa lutte dans le cyclone. Ce cyclone du Pacifique – notons l’oxymore dans l’idée - ne dépasse jamais les Andes, dit Rivière.

- Chapitre VII : des nuages se forment, un orage, de loin, lance une attaque ;
- Chapitre XII : Fabien et son radio sont cernés : ils ont atteint « le point de non retour », le triangle de Bermudes du ciel
Au Sud : à Commodoro, une tempête ;
Au Nord : à Bahia Blanca, un orage occidental en moins de vingt minutes ;
Au Nord toujours, avant Bahia Blanca ; Trelew vit un Ouragan de trente mètres secondes Ouest et des rafales de pluies ;
San Antonio, un vent et une tempête.
Fabien « pensait qu’il était cerné » (p. 113)

- Chapitre XV : L’équipage de la Patagonie est seul, sans adjuvants, abandonné aux vents et à la pluie.
- Chapitre XVI : il parvient pourtant à se stabiliser, et même Fabien jubile : « - Ca va mieux ! » (p. 144)
- Chapitre XVII : L’avion maintient sa stabilité, mais il est toujours bloqué au ciel. Un problème d’essence annonce un rebondissement.
- Chapitre XX : deux possibilités : essence épuisé ou panne : dans les deux cas, l’issue sera fatale.

La situation finale

Après la disparition du courrier de Patagonie, les yeux se tournent vers l’autre avion (l’autre unité alors). A la marche et fin tragique du courrier de Patagonie, fait contraste celle de l’Asunción.
La situation se pose ainsi : partis de points opposés, l’amélioration du sort de l’Asunción est le contrepoint de la dégradation du sort de Fabien.
- Chapitre XX : fin tragique de Fabien et son radio : mort du héros, d’un héros.
- Chapitre XXII : issue euphorique : « Ce vol heureux annonçait, par ses télégrammes, mille autres vols aussi heureux. » (p. 181)
- Chapitre XXIII : une seule unité reprend et on revient à la situation initiale (nouvelle). Le courrier d’Europe est relancé en direction de Toulouse, c’est-à-dire pour une distance encore plus grande. Pour la première fois, on nous montre un départ d’avion ; comme si l’action venait de commencer. On la situerait au chapitre X, où un manque est créé chez la femme du pilote de ce même courrier.

IV. Temps et espace


Longtemps considérés comme moyens d'approche d'un texte, le temps et l'espace ont connu, à travers l'histoire de la critique littéraire, des avatars considérables. Leurs traitements participent de l'originalité d'une production littéraire et aident au décryptage du message quel qu'il soit.
Pour preuve, dans le livre en tant qu'objet, l'écriture occupe un espace (équivalent au nombre de pages) et tout lecteur lui consacre un temps pour y tirer l'information proportionnelle à son niveau de compréhension.
Faire abstraction du temps et de l'espace, c'est nier l'existence même.

A. Etude du Temps

Une histoire est racontée. Mais l'histoire de qui? Et de quoi?
Disons-le d'emblée, que c'est l'histoire de pilote (contentons-nous pour le moment de ce mot générique) et l'histoire d'une action (pour ne pas dire des actions – choix qu'on précisera ultérieurement).
Cette histoire racontée (ou "récit", mot que nous emploierons désormais) s'inscrit dans un temps et se dilue quelque part – imaginé ou réel.
L'étude du temps dans Vol de nuit est, à bien des égards, importante pour l'éclairage de l'action dans le texte. Dans le roman, il faut distinguer la durée de l'histoire (ne dépassant pas une nuit, comme le note le titre, du reste) de celle du récit. Cette dichotomie opérée au niveau du temps appelle une approche fragmentée. On est en face de deux récits, et par conséquent de deux durées. Un récit premier qui dure une nuit ; et un récit second dont la durée – impossible à circonscrire – et l'action se diluent dans le récit premier, ou mieux dépendent de lui.

1. Le temps du récit

La durée du récit ne dépasse guère une nuit.
Partant de l'analyse du titre de l'ouvrage, on en arrive à une conclusion selon laquelle tout s'est noué autour du couple de mots assez solidaires que sont vol et nuit. Dénouer le petit tissu du titre peut permettre une compréhension aisée de l'action qui se développe à travers le texte. Par exemple, croire que le personnage principal ou le héros c'est Fabien, parce que d'une part il est le premier nommé, et parce que sa mort coïncide avec la fin du roman d'autre part – ce qui d'ailleurs n'est qu'une impression pour un esprit primesautier et non ce qu'il en est réellement.
Le titre donc, Vol de nuit, sans article, permet de prendre l'action dans son universalité, au moins dans le domaine du pilotage (action de piloter). Quant au mot nuit, ajoutant une nuance supplémentaire, sort l'action de l'ordinaire.

2. La durée du récit

Le récit premier (cf. sufra) commence "officiellement" le soir :
"Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'Extrême Sud, cers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port…" (p. 17)
Il s'achève avec le départ du courrier d'Europe, à deux heures et quart ou vingt de la nuit. C'est à la fin seulement qu'on saura que la fin de l'action a été annoncée par le responsable de la Compagnie, Rivière, de manière péremptoire :
"Il est deux heures. Le courrier d'Asunción atterrira à dix heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p. 178)

- L'action s'arrêtera-t-elle après?

On ne tardera pas à le savoir, d'autant plus que Rivière va décréter que le courrier de d'Europe décollera à deux heures et quart.
Le décollage a eu lieu, et "dans une minute il (l'avion) franchira Buenos Aires" et "dans cinq minutes les postes de T. S. F. auront alerté les escales" (p. 188)
La durée de l'action du roman s'arrête environ vers deux heures vingt minutes, mais elle survit "réellement" au texte.

a) Les retours en arrière

Ils sont fréquents dans le roman. On n'en fera pas un inventaire exhaustif si une étude spectrale, mais en donner un panel éclairant et quelques indications pour les retrouver assez facilement dans le texte. Ce qu'il faut tout de suite retenir en sus de cela, c'est que ces retours en arrières, qu'on appelle encore analepse, ralentissent le rythme du récit.

b) Le sommaire

Le sommaire est une autre variante du récit. Le narrateur l'utilise pour rapporter, ou mieux pour ranimer le passé. Son procédé trouve sa plénitude dans les messages télégraphiques.

Rivière et son passé :
Le narrateur déflore constamment le passé de Rivière. Son passé est associé à celui de Leroux, peut-être un homme de la même tempe, car étant un vieux contremaître qui travaillait depuis quarante (p. 29) C'est comme si sa vie faisait écho à celle de Leroux. Aussi dit-il à la suite de l'opinion du vieux sur l'amour : Voilà (…) ma vie est faites." (p. 30)
Son passé sonne une musique déjà entendue (p. 76), et il se rappelle ses "Dix années d'expérience et de travail" (p. 77) Cette idée, qu'il continue aussi :
"Tant de travail pour aboutir à ça! J'ai cinquante ans; cinquante ans j'ai rempli ma vie, je suis formé, j'ai lutté, j'ai changé le cours des événements…" (p. 83)
Etc.

Robineau et son passé :
Son passé est mis à nu à travers les objets qu'il étale lui-même devant Pellerin. Par là, il exhibe son intimité (p. 59). Le narrateur, prenant le relais, résume l'état de pauvreté morale dans lequel se vautre l'inspecteur (p. 60), avant de lui laisser la parole.

c) Les anticipations

Peu nombreuses dans le roman, elles sont des programmations, sinon des projections. Dans ce sens, elles sont prises en charge par le chef du réseau, Rivière (p. 177) En effet, le temps pour Rivière est secondaire : ce qui lui importe c'est la poursuite de l'action :
"Il est possible que nous ne l'attendions pas pour faire décoller l'avion d'Europe…" (p117)
Effectivement, il projette de continuer; il prophétise même :
"Le courrier d'Asunción atterrira à deux heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p 178)
Très significative, l'anticipation au dernier chapitre, où l'action va déborder la durée du roman.
"Dans une minute il franchira Buenos Aires, et Rivière, qui reprend sa lutte, veut l'entendre. L'entendre naître, gronder et s'évanouir, comme le pas formidable d'une armée en marche dans les étoiles." (p. 187)
Rivière veut "l'entendre naître"; cela fait contraste avec l'événement tragique. Mais l'accent est mis ici sur le futur.

B. Etude de l'espace

Toute action a besoin d'un espace. Il ne peut en être autrement. Dans Vol de nuit, l'espace est complexe et varie selon les perspectives. Il s'agit, pour nous, afin d'éviter les écueils que son morcellement pose, de l'étudier en se fondant sur son utilité dans l'évolution de l'action.
Avant d'aller plus loin dans l'analyse, précisons qu'il y a globalement deux macro espaces : espace aérien et espace terrestre. Il s'y ajoute un troisième espace qui, en fait, n'en est pas un réellement, du moment qu'il est le produit de l'impression, si ce n'est celui de son imagination, et qu'on appellera espace fantasmé.
Il faut dire aussi que Saint-Exupéry mêle ici un cadre réel, bien reconnaissable géographiquement à un espace fictif, imaginaire. Celui-là crée "l'illusion de réalisme", celui-ci rend l'action mythique.
Pour l'espace géographique, une carte servira de support concret.

1. L'espace aérien

Sa présentation ne laisse pas perplexe un profane de l'aviation, puisqu'il est souvent comparé à la terre ou à la mer.
L'avion "allait de ville en ville, il était le berger des petites villes" (pp. 17-18)
"Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairie, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire." (p. 18)
Parfois l'altitude est donnée pour ancrer le récit dans la réalité. (p. 111)
Sur terre, les obstacles c'est la guerre; au ciel, ce sont les intempéries (pp. 23, 35, 42-43, 109-114…)

2. L'espace terrestre

Contrairement à l'espace aérien, l'espace terre se caractérise par son morcellement : la Compagnie, les maisons, les villes, les pays ou escales. La Compagnie se subdivisant même à son tour en bureaux, poste et terrain d'atterrissages.
La Compagnie, est un réseau au sens plénier du terme. Il y a une relation d'interdépendance entre les lieux qui la composent, et le noyau c'est le bureau de Rivière.
Citons un escale (p. 18), un terrain d'atterrissage (pp. 27, 33), un hôtel (pp. 59-61)
Les bureaux en ville (pp. 48, 57, 58, 59, 89, 101, 152, 175, 182, 188)
Les maisons (p. 93) et (p. 125)

jeudi 5 juin 2008

Vie et oeuvre
Né en 1953, Amadou Koné est professeur de lettres à l’université d’Abidjan. Il écrit des théâtres, Le respect des morts, De la chair au trône, une nouvelle Les liens et des romans dont celui-ci que nous parcourons pour vous, écrit à 18 ans. Aussi lira-t-on de lui Jusqu’au seuil de l’irréel et Le cycle du pouvoir des Blakoros.

Résumé
Ebinto était d’un village Akounougbé et étudiait en classe de troisième à Bassam. Dans la maison où il logeait il se lia à une fille Monique qui l’aimait. Une nuit, alors qu’il n’avait pas fermé sa porte, Monique vient le réveiller pour qu’il ferme sa porte, et elle était désirable, elle coucha avec Ebinto. Cependant Ebinto tomba amoureux Muriel, une fille qu’il avait malmenée en début d’année. Mais même s’il l’a embrassée, Muriel lui dit préférer s’en limiter à l’amitié, ce qu’elle lui écrit dans une lettre dans laquelle elle lui annonçait également qu’elle allait poursuivre ses études en France. Pas encore remis de ce coup du destin, la lettre de Monique qui était arrivée en même temps lui annonce qu’il serait le père de l’enfant de Monique, et que son père menaçait de la renvoyer de la maison et que si Ebinto ne l’épousait pas il porterait plainte. La mère d’Ebinto est favorable au mariage d’Ebinto avec Monique car dit-elle la fille l’aime et qu’en plus elle est vieille et a besoin d’aide. L’élève brillant qu’il était devait trouver un travail difficilement comme contremaître d’un certain M. Rouget près d’Ayamé. Là il vit avec sa femme, et ne lui adresse à peine la parole, et agit méchamment avec les employés. Sa femme malade de solitude et d’abandon va avorter. Mais remise à peine, Ebinto lui tombe malade. Il prend conscience de son injustice et demande pardon à sa femme qui va essayer de s’enfuir loin de lui. Il la retrouve dans une gare seule la nuit, la ramène et commence à vivre u bonheur immense. Mais c’est en allant en congé à Akounougbé qu’elle va rencontrer la mort en se noyant dans le fleuve durant la traversée malgré les efforts surhumains de son mari. Celui-ci va presque sombrer dans la folie.
Etude suivie à partir de quelques extraits
Ebinto n’avait que deux amis Koula et Bazié.
« Chez moi, le rêve côtoie la réalité et corrige ses côtés négatifs ; Et je ne rêve pas, je vois la vie autrement », dit Ebinto à son amie Monique. (p.19)
« Les livres, c’est toujours la même histoire : un garçon qui aime une fille et patati et patata. Ca sert seulement à aiguiser la sensibilité et à faire souffrir. C’est pourquoi je ne lis jamais », termine Bazié, ami d’Ebinto. (p.27)
« Jette mon livre, dis-toi bien que ce n’est là qu’une des milles postures en face de la vie, choisis la tienne » André Gide cité par Ebinto (p.36)
« Moi, je l’aimais et je voulus passer du stade de l’amitié à celui de l’amour. Elle s’en rendit compte et me dit de ne pas confondre les deux choses. Elle me cita Hugo : « (L’amitié) c’est être frère et sœur, deux âmes qui se touchent sans se confondre, les deux doigts e la main. » « L’amour c’est être deux et n’être qu’un. Un homme et une femme qui se fondent en un ange. C’est le ciel. »
« Souvent j’étais avec Muriel toujours prêt à lui déclarer ma passion. Mais un geste, un simple coup d’œil de Muriel m’imposait un silence dans lequel je ne pouvais plus vivre ; Pourquoi cette jeune fille me tolérait-elle si elle ne m’aimait pas ? Etait-ce pour ne pas me blesser ou pour flatter son amour-propre ? En tout cas je ne me sentais pas l’âme de ces amoureux de l’époque précieuse en France et qui faisaient la cour à une femme pendant vingt ans avant d’avoir une réponse. » (p.42)
« Je vis Muriel avec Azari, le fils d’un médecin. Je n’entendais pas ce qu’ils se disaient mais ils semblaient s’entendre très bien. Muriel souriait à Azari. Les yeux de la jeune fille avaient ce même éclat que ceux de Monique quand elle me parlait.
« J’étais là, comme un étourdi par la vue de ces deux jeunes gens parfaitement heureux à mes dépens… Pourtant devais-je capituler, rester sur ma défaite et perdre Muriel ? Ne pas lutter ? Mais comment lutter ? L’amour ne demande ni force physique ni intelligence. » (p.43)
Devant eux, c’est Azari qui parle :
« - La plèbe est en branle-bas, dit-il à Muriel qui était très sérieuse
« -qu’est-ce qui se passe, Ebinto ? me demanda-t-elle d’une voix légèrement tremblante.
« -Je suis venu te chercher.
« Oh ! là, là, ricana Azari. C’est la révolte du prolétariat.
« (…) – Vois-tu, Azari, je ne déteste personne parce qu’il est riche et je ne tolère pas qu’on me méprise parce que je suis pauvre. Mais je te mets en garde dès maintenant : je neveux pas que tu tournes autour de Muriel. » (p.44)
« On est sublime quand on a le courage de lutter loyalement pour ce qu’on aime » Muriel dit-elle à Ebinto. (p.45)
« La providence, répondis-je, philosophe, prend quelquefois le malin plaisir de torturer certaines pauvres gens. Il y a trois jours, quand je vous ai vu à côté du musée, vous veniez de quitter votre chambre d’hospitalisation. Maintenant c’est au tour de madame votre femme ; demain, sans doute, ce sera celui de monsieur votre fils. C’est à croire que l’hôpital vous plaît… Si vous m’en croyez, monsieur, vous abandonneriez votre existence absurde, vous achèteriez une machette et iriez vous faire embaucher dans une plantation de café. Vous gagneriez honnêtement votre vie.
- Moi, travailler aux champs ! Et à qui laisser Abidjan ? Il semblerait que la vie s’est arrêtée.» (p.60
« Mon unique fenêtre donnait derrière la maison, sur une espèce de minuscule dépression toujours inondée pendant la saison des pluies et que j’appelais mon « lac ». Mais ce qui faisait surtout mon orgueil, c’était ma petite bibliothèque. (…) Cette bibliothèque contenait une soixantaine de livres…
J’avais réservé la deuxième (étagère) à mes auteurs préférés et le grand Hugo y avait une place de choix. A côté de lui, il y avait Balzac, Saint-Exupéry, Mauriac et parmi les Africains David Diop, Birago Diop et Dadié. (…) aux côtés de Richard Wright, des sœurs Brontë, de Vallès, Pierre Benoît et de Morris West. Il y avait aussi des romans pour enfants d’Enid Blyton, de la comtesse de Ségur, etc. » (pp.63-64)
Deux lettres arrivent chez Ebinto pendant les vacances dans son village natal, Akounougbé. La lettre de Muriel qu’il ouvre d’abord et lit une séparation de celle-ci pour conserver leur amitié et puis elle partait poursuivre ses études en France. Ebinto est affligé. « J’ai relu plusieurs fois la lettres de Muriel. J’ai essayé de comprendre chaque mot, j’ai cherché à saisir un message secret qui me fût favorable. Mais il fallait que je fusse bien idiot pour ne pas comprendre que ce message était la sentence fatale. Muriel ne m’aimait pas. » (p.66)
Voilà un beau conseil pour un cours de commentaire de texte. Afin de comprendre le message, il faut lire entre les lignes, ce que le narrateur-récepteur de cette lettre veut faire : lire plusieurs fois, trouver le sens de chaque mot.
La deuxième lettre est celle de Monique lui annonçant qu’elle était enceinte de lui, son père allait la renvoyer de la maison, et lui Ebinto, s’il ne l’épousait pas, il le ferait mettre en prison.
« Ma pauvreté, j’en étais digne et m’en enorgueillissais, mais je compris ce jour-là qu’il était triste d’être pauvre. Etait-ce donc vrai que "l’argent c’est la vie" comme le disait Vautrin ? (p.67)
Adresse au lecteur, façon de trouver un complice ou un soutien « Ce soir-là, j’eus à parler à ma mère. Je lui racontai tout ce que tu sais, lecteur, sur Muriel, Monique et moi-même.
- Cette fille t’aime infiniment, me dit ma mère en parlant de Monique. Elle fera ton bonheur. » (p.70)
Cette situation est comme celle qu’on lit dans Andromaque de Jean Racine : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque (qui aime toujours son défunt mari Hector et son fils Astyanax) Monique aime Ebinto qui aime Muriel qui aime l’amitié avec Ebinto.
Le destin se joue ainsi d’Ebinto tout comme il se jouait des héros de l’antiquité.
Sa mère insiste pour qu’il épouse la fille.
« Nous sommes la génération de la transition entre deux civilisations. Nous sommes la génération du sacrifice. Un de mes jeunes camarades européens m’avait dit au collège que nous, jeunes Noirs, nous inventions nos problèmes, nos malheurs. J’ai répondu que s’il avait compris René, il n’y avait pas de raison qu’il ne nous comprenne pas. » Ce passage confirme la thèse contenue dans le livre de Cheikh Hamidou Kane L’aventure ambiguë dans lequel Samba Diallo a été le sacrifice.
« Jusqu’ici, j’avais considéré les hommes avec amour. La colère d’être un rien du tout m’ouvrit une autre voie : le MAL. Et, curieusement, je me souvins de Maldoror qui « fut bon pendant ses premières années » et qui « s’aperçut ensuite qu’il était né méchant : fatalité extraordinaire ! »
Les conseils de M. Rouget le chef de la plantation où Ebinto est engagé comme contremaître : « Voyez-vous, Ebinto, la vie n’a pas été facile avec moi. J’ai été dur avec elle. J’ai prévenu les coups. » (p.80) Il lui raconte la ruine et la mort de ses parents dans la décolonisation.
M. Rouget lui dit que « le bonheur consiste dans l’égalité des désirs et des forces » (p.88) En fait il cite Fromentin. Ebinto revient à Hugo et évoque « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » (p.88)
Après avoir fait souffrir Monique par son indifférence, celle-ci avait fini par avorté lors d’une maladie, malgré l’aide de la femme d’un de se employé. Ce fut au tour d’Ebinto de tomber malade, Monique s’occupe de lui, lui faisait faire des promenades dans sa convalescence.
Ebinto s’inspire de nouveau de ses lectures : Les Misérables de Hugo. Il demande à Monique de lui lire « Elle se mit à lire, à parler de la misère humaine que Hugo a si bien peinte » (p.92) « Bien sûr Jean Valjean est un misérable ; Javert aussi ; Thénardier pis encore. Seulement, il y a des nuances de leurs misères. Certains essaient de sortir de la boue dans laquelle la nature les a mis, de lutter pour le bien et atteindre un certain idéal : ainsi Jean Valjean. D’autres croient toucher à l’idéal mais sans le savoir, ils sont misérables par leurs agissements inhumains : Javert par exemple. D’autres par contre plongent tête baissée dans le crime et connaissent la misère sous toutes ses formes : c’est le cas de Thénardier. Mais moi, en quoi étais-je comparable à ces personnages ? (92)
Philosophie : « Le chant du cygne » Platon dans Phédon : « Quand ceux-ci (les cygnes) sentent en effet venir l’heure de leur mort, le chant qu’ils avaient auparavant, ce chant se fait alors plus fréquent et plus éclatant que jamais, dans leur joie d’être sur le point de s’en aller auprès de Dieu dont ils sont les servants. Mais les hommes avec leur effroi de la mort calomnient jusqu’aux cygnes : ils se lamentent, dit-on, sur la mort ; la douleur leur inspire ce chant suprême ». « Tout est si absurde » (p.93)
Dans la 3ème partie, Monique, allée chercher du ravitaillement décide de partir. Elle laisse une lettre tenue au jour le jour à Ebinto. « J’ai décidé de lutter pour défendre mon amour » disait-elle (p.97)
« Ah, le mariage ! Il m’avait surprise, mais j’étais arrivée à en avoir une certaine idée. Il m’apparaissait comme un pacte dans lequel chacun des deux conjoints s’engage à comprendre l’autre en toutes circonstances et à lui pardonner si possible ; un pacte où la vérité doit subjuguer les discussions mesquines, où l’amour seul doit triompher. » (p.104). Ce passage est une page intertextuelle d’Une vie de Maupassant.
Celui-ci le lit et voit l’amour de la fille, et ses sentiments vrais s’en reviennent, il trouvera un vélo pour aller retrouver la fille à la gare, la nuit seule. Il la ramène et commence à rattraper le temps perdu, mais le temps est déjà perdu pour eux deux. Durant des congés pris ils décident de passer ça au village d’Ebinto. La nuit dans le fleuve à traversé, Monique tombe de la pirogue, car Ebinto l’avait quittée pour prendre une bouée de sauvetage et en ce moment l’orage redoubla. Sauvé par des pêcheurs, Monique est morte et elle sera enterrée par les siens. Ebinto est comme fou, sifflotant.
Comparaison entre Javert et Thénardier (p.107) mais aussi avec Vigny. « J’ai pleuré de me savoir plus méprisable que Javert et Thénardier pour m’être acharné lâchement sur une jeune fille qui avait commis le « crime » de m’aimer follement. » « Gémir, pleurer, prier est également lâche » célèbre idée de Vigny. (p.107)
Dans sa tentative de gagner la berge avec sa femme Monique, dans l’obscurité de la nuit et l’orage, Ebinto : « Courage, encore une brasse ; oui, une autre ; voilà, comme ça, continue » Chaque brasse me coûtait un effort surhumain, mais il fallait toujours en recommencer une autre, puis une autre encore ». (p.122) Pour l’effort surhumain afin de se sauver, voir aussi Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes, où Guillaumet fait des pas, encore des pas pour se sauver.

Amadou Koné, Les frasques D’Ebinto, Hatier-Paris, 2000.

mardi 3 juin 2008

Etude : L’amour dans Madame Bovary de Gustave Flaubert

Introduction

Etudier l’amour dans Madame Bovary est déjà essayé de comprendre le roman puisque cette œuvre est fondamentalement un livre sur l’amour, sur l’amour d’Emma. Qu’est-ce que l’amour pour l’héroïne Emma ? Qu’est-ce que le bonheur ? Qu’est-ce que le mariage ? Le désir, le plaisir, l’érotisme ? Autant de thèmes qui ont valu la condamnation du livre par les censeurs de la moralité. Comment alors saisir l’âme d’Emma dans une telle étude ? Comment la juger ? Pour répondre à toutes ces questions nous verrons tour à tour l’amour romantique d’Emma, l’expression de l’amour dans le mariage et la relation entre amour et bonheur.

I. L’amour romantique d’Emma

1- l’amour, un remède à l’ennui

Emma s’ennuie, du début à la fin du roman, elle s’ennuie. Jeune fille vivant seule avec son père dans un village perdu au plus profond de la France, elle s’ennuie en rêvassant à sa scolarité dans un couvent parisien et aux amours décrits dans les romans qu’elle lit, dont Paul et Virginie. Elle attendait le prince charmant.
Elle rencontre Charles Bovary, médecin de la région venu soigner son père et accepte de l’épouser, croyant enfin avoir rencontré CE GRAND AMOUR auquel elle ne cesse de penser.

2- La satisfaction d’un amour

Madame Bovary a trouvé l’amour qu’elle cherchait, mais à chaque fois, il lui filait entre les doigts.
Au fond le seul vrai amour qu’elle a eu, ou du moins qu’elle voulut avoir, est dans ses lectures. Aussi le narrateur peut-il dire : « Elle était l’amoureuse de tous les romans, l’héroïne de tous les drames, le vague Elle de tous les volumes de vers. ».
Son amour pour sa fille Berthe même était douteux, tellement elle réservait son cœur au prince de ses lectures, autant dire de ses rêves, de son imagination : « À mesure que ses affections disparaissaient, il se resserrait plus étroitement à l’amour de son enfant. »

II. L’amour dans le mariage

1- L’amour conjugal

Charles quant à lui a connu cet amour qui lui a tété infernal. En effet, après ses études, il s'installe à Tostes et épouse une veuve de quarante-cinq ans, riche, mais laide et autoritaire, Mme Dubuc. Elle a une passion démesurée pour Charles et le surveille constamment. Sa vie de couple devient ainsi un vrai cauchemar jusqu’à la mort de cette dernière, à cause de sa ruine causée par un notaire.
S’agissant d’Emma aussi, elle n’a pas non plus trouvé l’amour qu’elle espérait dans le mariage. Aussi tombait-elle dans la solitude et l’ennui.
Dans ce livre, semble-t-il, cet amour est impossible, ce qui justifie que M. Homaïs les prononce séparément parlant à sa femme : « – L’amour… conjugal ! dit-il en séparant lentement ces deux mots. Ah ! très bien ! très bien ! très joli ! Et des gravures !… Ah! c’est trop fort ! »

2- La désillusion dans l’amour

Mais le désenchantement arrive bien vite et Emma se retrouve prisonnière d’un mariage avec un homme médiocre et d’une vie morne loin des fastes parisiens auxquelles elle aspirait. Là commence la descente aux enfers d’Emma Bovary, qui se compromettra par de multiples liaisons et une folie dépensière. Jusqu’à l’issue fatale que nous connaissons tous.
La déception amoureuse est donc celle de quelqu’un qui cherche un amour qu’il a vu décrit dans les livres et qui souffre de ne pas le trouver.

III. Amour et bonheur

1- l’érotisme

Qu’est-ce que l’amour ? et le bonheur ? Cette recherche du bonheur dans l’amour se confond chez Emma avec le désir qui reste un désir, c’est-à-dire jamais satisfait entièrement. Elle n’arrive qu’à vivre l’érotisme avec les hommes en qui elle pense trouver le prince de ses rêves.
La première rencontre entre Charles et Emma, quand tous deux cherchent la cravache qu'a oubliée le médecin chez le père Rouault est une scène chargée d’érotisme.
Pour se faire désirer, Emma savait être persuasive, usant d’érotisme telle une prostituée qui se vend à l’homme « Emma continuait avec des gestes mignons de tête, plus câline qu’une chatte amoureuse ».

2- l’adultère

Emma croit atteindre par l’adultère le monde romanesque que ses lectures lui ont mis en tête : elle « retrouv[e] dans [celui-ci] les platitudes du mariage » mais elle n’en continue pas moins à « écrire des lettres amoureuses, en vertu de cette idée, qu’une femme doit toujours écrire à son amant » (III, 6). Aussi Emma n’éprouvait aucun remord à vivre dans l’adultère et « Elle se répétait : « J’ai un amant ! un amant ! » se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. »
Victime de ses lectures, elle accepte donc l’adultère : « Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la charmaient »
L’ennui continue d’être le lot quotidien d’Emma. Le couple va s’installer ensuite à Yonville, bourgade plus importante où ils compteront parmi les notables, entre l’ambitieux pharmacien, Homais, le curé Bournisien, le notaire et son jeune clerc, Léon Dupuis. La naissance d’une petite fille Berthe ne lui procure pas plus le bonheur espéré et Emma se laisse bercer par les regards amoureux du jeune Léon. Ce n’est qu’après le départ de celui-ci qu’elle connaît enfin la passion tant attendue. Un riche propriétaire des environs, Rodolphe Boulanger, fait d’elle sa maîtresse et Emma se jette avec fougue et sans réfléchir dans l’amour adultère. Emma en arrive même à mépriser son mari et cherche le moyen de s’enfouir avec son amant Rodolphe. Ce projet romanesque ne plaît guère ou effraye celui-ci, qui l’abandonne. Et lui écrit ceci : « Je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes ; car j’ai voulu m’enfuir au plus vite afin d’éviter la tentation de vous revoir. » Désespérée, et accuse la lâcheté de celui-ci et reprend un peu vie grâce à Léon, retrouvé par hasard à Rouen. Cette deuxième liaison la pousse à contracter dette sur dette auprès d’un marchand faussement généreux, Lheureux. Celui-ci, pour récupérer son argent, menace de saisir ses biens mobiliers mais Emma se suicide avant une telle déchéance. Impuissant à faire face à cette situation, Charles meurt de chagrin, non sans avoir pardonné à sa femme.

Conclusion

Ce roman réaliste est plein de romantisme et de romanesque. Tout se concentre dans le personnage typique d’Emma. Cette quête qu’elle entreprend dans l’amour, on l’a vu est impossible, car elle a conduit l’héroïne vers la mort. Est-ce un avertissement lancé par Flaubert ou une accusation contre les hommes ? On a les arguments d’y croire d’autant plus que la lâcheté des hommes est souvent mise en cause. Charles qui est trop plat, terre à terre, Rodolphe qui se défile au dernier moment pour abandonner Emma, Le Clerc qui la ruine sont autant de personnages indigne de l’amour que leur porte cette femme passionnée.