dimanche 25 mai 2008

Sujets d'exercice des Terminales pour 2ème composition 2008

Sujet : « Oui, oui mille fois la poésie est un cri mais cri habillé » dit Max Jacob.
La poésie est dénonciation, révolte, engagement, mais grâce à l’ingéniosité, à la technique et au style du poète, tout cela se présente de façon déguisée, masquée.

Sujet : « Quand il n’est pas songe, le roman est mensonge » Julien Gracq.
Le roman est une œuvre issue de l’imagination, et en tant que telle, il est synonyme de rêve, et même parfois rêve, donc on est dans le domaine du l’illusion, de l’irréalité, de la fiction, du mensonge. Mensonge, car prétendant dire la réalité et la vérité, le roman n’en dit pas tout, et peut en dire plus ce qui est mensonge dans tous les cas.

Sujet : « Le théâtre est un point d’optique. Tout ce qui existe dans l’histoire, dans la vie, dans l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir sous la baguette magique de l’écrivain »
Etant donné que c’est la vie qui est théâtralisée, la façon de la montrer constitue une vision particulière du monde, de l’histoire ; une vision relative du dramaturge. Se pose la fonction divine du dramaturge.

Sujet : « L’homme s’ennuie (…) c’est pour cela qu’il va au théâtre »
On va au théâtre pour libérer le stress, oublier les problèmes sérieux de la vie en assistant au divertissement, aux réjouissances. Manière de s’évader hors des vicissitudes de la vie. Les leçons de ces pièces nous aident ainsi supporter les ennuis et à les dépasser, à les oublier.

Sujet : Commentez et discutez ce jugement de Camus : « La vraie création romanesque utilise le réel et n’utilise que lui, avec sa chaleur et son sang, ses passions ou ses cris. Simplement elle y ajoute quelque chose qui la transfigure. »

Le vécu – l’expérience et les sentiments vrais – est le point de départ des histoires des romans. Le roman traduit le rythme de la société, la critique, la soulage de ses maux
Mais la fiction complète cette réalité, elle la rend complète, car la vérité est nue, imparfaite, incomplète

Sujet : « Que cherchent les romanciers à travers les réalités qu’ils essaient d’exposer ?
Expliquer, exposer, justifier un ou des fait(s), la vraie face du monde. Elucider leur sentiment personnel, se soulager d'un poids de conscience, se confesser auprès des autres, les lecteurs (exempl: mémoires et autobiographies).

Sujet : « Les poètes sont souvent inspirés par leurs voyages. Est-ce toujours le voyage réel qui est leur sujet de prédilection ? »
Deux types de voyages, le voyages réel, physique du poète est source d'inspiration (exemple: Du Bellay "Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage"; Senghor le poème "New York", Césaire "retour au pays natal", ) voyage imaginaire comme fuite, évasion (Lamartine, Apollinaire, etc.)

Sujet: "L'art n'est pas la réalité mais quoi qu'on puisse faire on est obligé de passer par les éléments qu'il fournit"
L'oeuvre d'art est déjà présente dans l'oeuvre réelle, qui contient ses éléments. L'artiste est donc celui qui peut voir dans l'objet ou le sujet réel la matière d'une oeuvre d'art. L'art n'est donc pas un ornement mais un instrument. Avant de créer alors il faut s'inspirer et s'impreigner de l'oeuvre
Des citations à l'appui:
« Ecrire, c’est toujours refuser le monte tel qu’il est » Albert Camus

« Une oeuvre d’art est un coin de la création vu à travers un tempérament » Emile Zola

« Toute œuvre d’art est un beau mensonge » Stendhal

« L’œuvre d’art, c’est une idée qu’on exagère » André Gide

« L’art est un anti-destin » André Malraux
« Le personnage, "c'est un état de la conscience de l'auteur, qui se prolonge, par un miracle de poésie, dans la sympathie d'innombrables lecteurs. » André Malraux

« L’art pour l’art est beau mais l’art pour le progrès est plus beau encore » Victor Hugo

« Le but de l’art, c’est le beau avant tout » Gustave Flaubert

« Le seul domaine où le divin est visible est l’art, quelque nom qu’on lui donne » Charles Baudelaire

« Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière » Guy de Maupassant

« Le seul écrivain engagé est celui qui, sans rien refuser du combat, refuse de rejoindre les armées régulières » Jean Paul Sartre

« L’art du roman c’est de savoir mentir » Louis Aragon

« Quand il n’est pas songe, le roman est mensonge » Julien Gracq

« La littérature est le lieu de rencontre de deux âmes » Charles Du Bos

« J’appelle un livre manqué, un livre qui laisse le lecteur intact » André Gide


Il affirme le désir d'unité des hommes et pense que le roman permet de trouver cette unité.
"Le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l'homme." Camus, L'homme révolté (1951)

Etude de Les Fourberies de Scapin de Molière

Introduction

Cette comédie en 3 actes et en prose a été créée au Palais Royal le 24 mai 1671. Elle s’inscrit dans la tradition de la comédie italienne de la commedia dell' arte dans laquelle Molière a déjà excellé au début de sa carrière avec l'Étourdi en 1655, et vient à la suite des grandes pièces telles que Tartuffe en 1664, Dom Juan en 1665 et Le Misanthrope en 1666). Elle ne connaît lors de sa création qu'un faible succès. Il est alors reproché à Molière la grossièreté de ses procédés comiques et l'immoralité du sujet et l'exagération des caractères des personnages.

I. Les personnages

Scapin Valet de Léandre. C’est un personnage fourbe et très rusé. Il a toujours une idée pour régler une situation. (hypocrite et sournois)
Sylvestre Valet d'Octave
Octave Fils d'Argante et amant de Hyacinte.
Léandre Fils de Géronte et amant de Zerbinette
Hyacinte Fille de Géronte et amante d'Octave
Zerbinette Une Égyptienne, reconnue plus tard fille d'Argante et amante de Léandre
Argante Père d'Octave et de Zerbinette
Géronte Père de Léandre et de Hyacinte
Nérine Nourrice de Hyacinte
Carle Un personnage également fourbe

II. Résumé

Octave a peur, car il vient d’apprendre par son valet Sylvestre que son père Argante et Géronte, le père de son ami Léandre, rentrent d’un voyage avec l’intention de le marier avec la fille de Géronte.
Or Octave est tombé amoureux de Hyacinthe, une jeune fille très pauvre qu’il a rencontrée alors qu’il accompagnait Léandre auprès de sa bien aimée, le belle égyptienne Zerbinette.
C’est alors que le personnage de Carle entre en scène. Il informe Léandre que les Egyptiens ont enlevé Zerbinette et qu’ils lui réclament une rançon de cinq cent pistoles. Léandre est désespéré.
Les deux pères apprennent les amours de leurs fils et en sont très fâchés. Octave et Léandre s’en vont chercher l’aide de leur plus fourbe valet Scapin.
Afin de convaincre Argante d’accepter le mariage de Hyacinthe et Octave, il lui raconte que son fils a été marié de force par la famille de son épouse. Argante veut intenter un procès à la prétendue famille pour casser le mariage. Afin de l’en empêcher, Scapin invente le personnage du cruel frère de Hyacinthe qui n’hésiterait pas à défendre son honneur par le duel à l’épée. Scapin réclame au nom de ce soi-disant frère la somme de deux cent pistoles pour annuler le mariage. Pour lui voler cette somme, il impressionne Argante en faisant passer Sylvestre déguisé pour le beau frère de la jeune épouse. Apeuré, le vieil homme prétend être son propre ennemi.
Afin d’obtenir la somme nécessaire à Léandre pour libérer Zerbinette, il trompe Géronte, en lui laissant croire que son fils a été enlevé par une galère turque. Il raconte que les occupants de l’embarcation réclament au père du jeune homme cinq cent pistoles. Mais Géronte est avare et ce n’est qu’après maintes négociations qu’il accepte de confier le précieux argent à Scapin.
Cependant Scapin veut punir Géronte de son ingratitude envers son fils Léandre. Il lui dit que le prétendu frère de Hyacinthe le recherche pour le tuer car il souhaite remplacer la jeune femme par sa propre fille auprès d’Octave. Simulant l’arrivée de l’homme, il cache Géronte dans un grand sac et le roue de coups, mimant un combat acharné.
Géronte rencontre Zerbinette qui, sans savoir à qui elle s’adresse, lui révèle tout le secret de sa libération. Argante lui aussi découvre la supercherie. Tous deux veulent punir Scapin de leur avoir joué un si mauvais tour et de les avoir escroqués de l’argent.
Géronte décide de faire venir sa fille de Tarente où il l’avait tenue à l’écart afin de la marier à Octave. Or celle-ci a disparu, et seule sa nourrice Nérine est au rendez-vous. Elle annonce à Géronte que sa fille s’est mariée sans le consentement de son père à un jeune homme du nom d’Octave.
Hyacinthe et Géronte se retrouvent. Elle défend auprès du vieil homme la cause de Zerbinette dont elle est devenue l’amie. Argante arrive et reconnaît en Zerbinette sa propre fille enlevée durant son enfance par les égyptiens.
Alors qu’un instant auparavant, les deux pères ne pensaient qu’à punir Scapin de ses entourloupes, Carle entre à nouveau en scène et annonce que Scapin est gravement blessé. Il est suivi de près par le valet porté par deux hommes. Scapin qui simule sa mort par suite d’un accident pour arracher le pardon des vieillards : il a la tête entouré d’un bandage et il hurle à tue tête qu’il souffre et va mourir. Devant ce coup de théâtre, tous lui pardonnent ses fourberies.

III. Résumé par acte

Acte I.

Scène 1 : Octave apprend par Sylvestre que son père est de retour et entend le marier.
Scène 2 : Octave raconte à Scapin qu'en l'absence de son père, il s'est marié à Hyacinte, et que son ami Léandre, fils de Géronte, est tombé amoureux d'une jeune Egyptienne.
Scène 3 : Hyacinte et Octave implorent Scapin de leur venir en aide. Scapin accepte.
Scène 4 : Seul face à Argante, Scapin défend la cause d'Octave. Mais Argante reste décidé à faire annuler le mariage.
Scène 5 : Scapin déclare à Sylvestre qu'il a déjà un plan. Sylvestre devra se déguiser en " méchant garçon ".

Acte II.

Scène 1 : Géronte apprend d'Argante que son propre fils, Léandre, s'est mal conduit.
Scène 2 : Géronte rencontre son fils Léandre qui se défend maladroitement.
Scène 3 : Léandre insistant pour qu'il avoue son crime, Scapin avoue trois crimes, mais se déclare innocent de celui dont on l'accuse.
Scène 4 : Carle annonce à Léandre qu'il doit verser une rançon pour ne pas perdre Zerbinette. Désespéré, Léandre implore alors l'aide de Scapin.
Scène 5 : Scapin commence par Argante. Il invente un frère de Hyacinte, spadassin, qui n'accepterait de voir le mariage de sa sœur annulé que si on lui offre deux cents pistoles. Argante refuse.
Scène 6 : Arrive le spadassin en personne - Sylvestre déguisé. Argante donne les deux cents pistoles.
Scène 7 : Scapin s'attaque alors à Géronte. Il lui raconte que son fils vient d'être enlevé par des Turcs, qui ne le restitueront que contre une rançon de cinq cents écus. Géronte finit par céder.
Scène 8 : Scapin retrouve Octave et Léandre et leur annonce qu'il a accompli sa mission.

Acte III.

Scène 1 : Zerbinette et Hyacinte discutent sur la condition des femmes, mais Scapin se sépare du groupe pour aller goûter le plaisir de sa vengeance.
Scène 2 : Scapin suggère à Géronte d'échapper à la fureur du spadassin en se cachant dans un sac. Le valet roue de coups son maître, mais, celui-ci découvrant la traîtrise, il doit s'enfuir.
Scène 3 : Zerbinette raconte à Géronte, dont elle ignore l'identité, comment Scapin lui a volé son argent.
Scène 4 : Sylvestre révèle à Zerbinette l'identité de l'homme à qui elle vient de parler.
Scène 5 : Après Géronte, Argante exprime son intention de se venger des fourberies dont il a été victime.
Scène 6 : Argante et Géronte réaffirment leur ressentiment. Aux tourments de Géronte s'ajoute la crainte que sa fille n'ait péri dans un naufrage.
Scène 7 : Nérine, la nourrice de Hyacinte, explique à Géronte que, sous la pression des événements, elle vient de marier la jeune fille à … Octave !
Scène 8 : Sylvestre informe Scapin des derniers développements de la situation et le met en garde.
Scène 9 : Géronte se réjouit de retrouver sa fille.
Scène 10 : Argante explique à Octave que la fille de Géronte qu'on voulait lui faire épouser n'est autre que Hyacinte. Mais Géronte continue de s'opposer au mariage de Léandre avec Zerbinette.
Scène 11 : Argante reconnaît en Zerbinette sa propre fille.
Scène 12 : Carle annonce que Scapin vient d'être victime d'un accident mortel.
Scène 13 : C'est en fait une nouvelle fourberie qui permet au valet d'arracher le pardon à Argante et Géronte.

IV. Les thèmes

V. Les techniques du comique

Les accessoires utilisé pour faire rire sont simples : une bourse, un sac, un bâton.
1. Le comique de situation : Le « tour du sac » est souvent utilisé dans la commedia dell’arte dont le valet Scapin (Scappino en italien) est issu. Scapin pour se venger de Géronte use de la ruse qui consiste à contrefaire la voix d’ennemis imaginaires pour tromper et battre en toute impunité Géronte, maintenu, aveugle et impuissant, dans un sac.
Il se donne à la fois le rôle du serviteur dévoué et celui de malfaiteur. Géronte tient aussi son rôle avec docilité dans cette mascarade dont il est la victime

2. Le comique de gestes : Les didascalies décrivent non seulement les jeux de scènes mais aussi les changements de voix de Scapin qui prend tour à tour un accent gascon, un accent suisse (sa transcription donne une idée de l’effet comique qu’on peut tirer de cette caricature), et les voix de « plusieurs personnes ensemble ». Scapin mime à haute voix les ennemis de Géronte ou feint de s’adresser à eux, et à voix basse lorsqu’il s’adresse au vieil homme. Et le comique réside dans l’humiliation de Géronte (il est non seulement battu mais insulté l. 3 « Sti diable de Gironte ») sous le regard complice du spectateur. La mise en scène de l’illusionniste Scapin nous propose ainsi une scène de théâtre dans le théâtre, d’autant plus que Géronte observe à la fin de la scène, comme le spectateur, le manège du valet.

3. Le comique de répétition : La répétition sont souvent de Scapin parlant à son maître : les mêmes expressions sont dites : (« Prenez garde », acte l. scène 1 et acte l. scène 25 ; « Cachez-vous bien », acte l. scène 3 et scène 30).
Un coup de théâtre met un point final à la fourberie de Scapin qui sans cela, aurait sans doute encore continué. La virtuosité d’un comédien, si brillant soit-il, a ses limites : Molière sait qu’il doit rester dans le cadre du vraisemblable.

4. Le trompeur trompé : Scapin apparaît d’abord comme un personnage tout-puissant. Son triomphe est néanmoins illusoire et de courte durée : le trompeur sera trompé dans l’acte I. Le renversement de situation provoque un nouvel effet comique (on s’imagine sans peine aussi le contraste comique entre l’agilité de Scapin et la silhouette fatiguée du vieux barbon). Géronte a eu la correction qu’il méritait (il a menti à Léandre sur le compte de Scapin) mais les bienséances réclament que le maître, tout ridicule soit-il, retrouve sa dignité de maître et châtie le valet pour son insolence.

Conclusion



Lexique difficile

Supercherie : duperie, tromperie, artifice pour tromper quelqu’un
Entourloupes : mauvais tours, piège habile.
Fourbe : hypocrite et sournois, capable de jouer de vilains tours pour tromper les gens.
Fourberies : faussetés, dissimulations, tartuferies.

Etude de Andromaque de Jean Racine

Introduction

Encore une fois dans la tragédie grecque, dont s’est inspirée Racine, la passion fatale revient, et elle empêche la raison de prendre le dessus. Après la chute de Troie, Ménélas offre sa fille Hermione à Pyrrhus, fils d’Achille, pour le récompenser de la part active qu’il avait prise à la défaire de la ville. Pyrrhus, tombé entre temps amoureux d’Andromaque, sa captive, repousse le mariage et décide de braver les grecs en épousant la veuve d’Hector (héros troyen que son père avait tué lors d’un duel). Ces situations amoureuses sont presque inextricables, et en plus la question politique est au centre du problème. L’étude de cette pièce permet alors de comprendre une partie de la mythologie grecque, et surtout après la célèbre guerre de Troie. Les personnages, le résumé, les thèmes sont autant de parties importantes qu’on peut exposer pour expliquer l’importance de cette troisième pièce tragique Andromaque publiée en 1667.

I. Histoire de la mythologie

Andromaque était la fille d'Eétion, roi de Thèbes de Troade, elle devint la femme d'Hector. Achille tua son père et ses sept frères lors du siège de Thèbes et rançonna lourdement sa mère.
Durant le siège de Troie, elle pressentit la mort prochaine de son époux qui fut effectivement tué par Achille. Après la chute de Troie, malgré sa protection, son fils unique, Astyanax, fut tué par les Grecs qui craignaient qu'une fois adulte, il cherchât à venger sa famille comme le prédisait Calchas.
Elle fut amenée comme captive par Pyrrhus qui était le fils d'Achille. Elle devint sa concubine et lui donna trois fils. Puis Pyrrhus épousa Hermione, fille d'Hélène et de Ménélas, mais ils n'eurent pas d'enfants. Alors, selon le poète Euripide, Hermione devint jalouse d'Andromaque et l'accusa de sortilèges visant à la rendre stérile.
Elle profita même de l'absence de son mari pour essayer de la tuer avec la complicité de son père. Mais grâce à l'intervention Pélée, grand-père de Pyrrhus et père du meurtrier de sa famille, elle eut la vie sauve.
Andromaque épousa ensuite Hélénos, devin troyen et fils de Priam; mais selon le récit l’Enéide de Virgile, ils étaient déjà mariés quand Pyrrhus épousa Hermione. Andromaque et Hélénos fondèrent la ville du nom de Pergame en souvenir de la citadelle de Troie. C'est là qu'ils accueillirent Enée lorsqu'il fit escale en Epire. Quand Hélénos mourut, Andromaque et son fils Bergamos fondèrent une nouvelle Pergame en Mysie.

II Présentation des personnages

Andromaque est une princesse troyenne, veuve d’Hector et mère d’Astyanax. Pour sauver son fils de la mort, elle lui substitue un autre enfant qui est tué à sa place, lors de la prise de Troie. Elle est ensuite donnée comme part du butin à Pyrrhus. Il tombe amoureux d’elle mais elle refuse toujours ses avances jusqu’à ce qu’il la menace de livrer son fils aux Grecs si elle ne l’épouse pas. Elle l’épouse finalement. Elle est tout de même fidèle à Hector et digne.
Céphise est la confidente d’Andromaque.
Astyanax est le fils d’Hector et d’Andromaque, prisonnier de Pyrrhus et héritier de l’empire de Troie.
Oreste est le fils d’Agamemnon et de Clytemnestre. Il est maudit par la famille des Atrides. Il est amoureux d’Hermione et vient à la fois pour la convaincre de le suivre et pour demander Andromaque et son fils pour les livrer aux grecs. Il est prêt à tout pour récupérer l’amour d’Hermione et il a un côté manipulateur.
Pylade est le confident d’Oreste, il l’aide à surmonter les obstacles et le raisonne. C’est un pilier de sa vie.
Pyrrhus est le fils d’Achille qui assassina la famille d’Andromaque. Il est roi d’Epire. Il doit épouser Hermione mais il est amoureux d’Andromaque et l’épouse par la suite. Il n’est ni bon ni méchant, il ne sait pas ce qu’il veut et il est un peu violent. Il est assassiné par Oreste qui exécute la volonté d’Hermione.
Phœnix est le gouverneur de Pyrrhus.
Hermione est la fille unique de Ménélas et d’Hélène. Elle est d’abord fiancée à Oreste mais promise par son père à Pyrrhus dont elle est éprise. Fière jusqu’à l’orgueil, jalouse de la gloire d’Andromaque, elle est humiliée par le dédain et la félonie de Pyrrhus qu’elle aime naïvement. La violence de sa colère, à la mesure de son dépit, l’amène à manipuler Oreste pour arriver à ses fins.
Cléone est la confidente d’Hermione.
Ménélas : père d’Hermione et mari d’Hélène
Phoenix : gouverneur d'Achille, puis de Pyrrhus

III. Résumé général de l’intrigue

Au lendemain de la guerre de Troie, Oreste, fils d’Agamemnon, est envoyé par les Grecs à la cour du Roi d’Epire, Pyrrhus. Il est chargé de réclamer deux prisonniers : Andromaque et son fils Astyanax, le seul descendant d’Hector qui puisse un jour venger son père et la destruction de Troie.
Tombé amoureux de sa captive, Pyrrhus refuse d’accéder à la demande d’Oreste. Comme celle-ci refuse ses avances, il la menace de livrer Astyanax si elle persiste à ne pas l’épouser. Or Oreste joue double jeu : il est venu avant tout pour ramener avec lui celle qu’il aime, Hermione, fille d’Hélène, qui elle, n’a d’yeux que pour Pyrrhus.
Lorsque Andromaque, cédant au chantage, accepte le mariage, Hermione, folle de jalousie, prévient Oreste qu’elle le suivra s’il tue Pyrrhus. Le Roi d’Argos s’exécute. Mais, lorsqu’il rapporte son acte à Hermione, celle-ci réagit violemment et le bannit de sa présence. La raison d’Oreste enfin, ne résiste pas au récit du suicide d’Hermione sur le cadavre de Pyrrhus.

IV. Résumé par acte

L’intrigue est simple : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort.
La scène est à Buthrote, ville d’Épire, en Grèce.

Acte 1 - Oreste, ambassadeur des Grecs, parvenu chez Pyrrhus, y retrouve un ami fidèle, Pylade. Il vient au nom de la Grèce pour venir exiger de Pyrrhus qu’il mette à mort Astyanax, le fils d’Hector, de crainte qu’il ne veuille un jour se venger de la défaite de Troie et de la mort de son père Hector, prince de Troie. Pyrrhus s’y refuse pour l’instant. Mais Oreste est aussi à la cour de Pyrrhus parce que l’amour de sa vie, Hermione, s’y trouve. Puis Pyrrhus parle à Andromaque ; comme elle se refuse à lui une fois de plus, il menace de livrer Astyanax aux Grecs.
Acte 2 - Oreste parle à Hermione. Elle se montre prête à partir avec lui si Pyrrhus refuse de mettre à mort l’enfant. Or Pyrrhus, qui jusque-là n’aimait pas Hermione, annonce à Oreste qu’il a décidé de lui livrer Astyanax aux Grecs et qu’il va probablement épouser Hermione.
Acte 3 - Oreste est furieux de perdre définitivement Hermione. Andromaque implore successivement Hermione et Pyrrhus de sauver la vie de son fils. Pyrrhus est prêt à changer d’avis si elle accepte de l’épouser ; Andromaque hésite.
Acte 4 - Andromaque est résolue à épouser Pyrrhus pour sauver son fils et à se donner la mort sitôt après par fidélité envers Hector. Hermione est furieuse et demande à Oreste de la venger des revirements de Pyrrhus en l'assassinant.
Acte 5 - Hermione regrette d’avoir exigé la mort de Pyrrhus, qu’elle aime. Survient Oreste : il vient d’accomplir la mission dont elle l’a chargé. Hermione le récompense par des injures. Oreste est pris de folie, frappé par la malédiction des horribles Erinyes. Après avoir repoussé Oreste, Hermione se donne la mort sur le cadavre de Pyrrhus.

V. Les thèmes

L’amour et la haine sont deux thèmes profondément liés. Chez Racine, l’amour est passion, souffrance, autant pour celui qui aime que pour celui qui est aimé. Chacun aime qui ne l’aime pas : Oreste aime Hermione ; celle-ci aime Pyrrhus et ce dernier aime Andromaque. Mais celle-ci ne peut pas répondre à son amour, parce que son mari a été tué par le père de Pyrrhus, Achille.
L’amour des héros est aussi fort que leur frustration, car ils ne peuvent pas être aimés en retour. Chez Hermione, l’amour est intimement lié à l’amour propre. Cela entraîne du dépit, de la jalousie et de la haine qui la détruit ainsi que son entourage : Oreste tue Pyrrhus. Le seul amour « pur » est l’amour maternel que porte Andromaque à Astyanax.
La Fatalité. Les personnages de Racine ne sont pas maîtres de leur destin, ils le portent en eux. Ils rejettent parfois comme Oreste toute responsabilité sur les Dieux.
La fidélité est représentée par Andromaque qui reste fidèle à son défunt mari. Cette fidélité entre en conflit avec le désir de sauver son fils. Elle est en effet déchirée entre son amour pour Hector et la menace de Pyrrhus qui veut tuer son fils si elle ne l’épouse pas.
La folie. Dans Andromaque, tous les personnages souffrent et ont des comportements pathologiques : Hermione a des accès de fureur sanguinaire ; Oreste va jusqu’à tuer Pyrrhus et sombre dans la folie totale en apprenant le suicide d’Hermione : (Lire Acte V, scène 1, Hermione, seule.)
La mort est présente tout au long de la tragédie. Elle sert de décor : mort d’Hector et massacre des Troyens. Elle constitue aussi l’action : Oreste vient demander la mort d’Astyanax et Andromaque souhaite se suicider pour sauver son fils. Enfin, le dénouement est marqué par le meurtre de Pyrrhus et le suicide d’Hermione.

Conclusion


Lexique difficile

Pathologiques
: comportements de malades
Frustration : de la colère, le fait de ne pas être content.

Etude de Le vieux nègre et la médaille de Ferdinand Oyono

Introduction
Le vieux nègre et la médaille publié en 1956 est une sorte de prolongement d’Une vie de boy. Dans celui-ci le narrateur-héros est un naïf enfant africain; dans celui-là, le héros Mek est un adulte naïf aussi, victime ainsi de la duplicité des Blancs. Ce roman publié durant la décolonisation est ainsi fortement inscrit dans son contexte, ce qui lui valut son succès mérité. Il est donc intéressant d’en saisir l’intérêt qui reste très actuel au moment où on parle des tirailleurs et de leur rétribution, de réparation, de souvenir, de pardon pour tout ce que le Blanc a fait aux peuples africains. La vie d'Oyono, on le sait, a été une influence dans son œuvre. Partir d’elle pour comprendre le texte semble être une voie obligée. A la suite, après avoir explicité le titre, on résumera l’histoire, et puis voir les personnages, les thèmes, l’écriture et la signification de l’œuvre.

I. Vie et œuvre de Ferdinand Oyono

1. Présentation de l’auteur


Ferdinand Oyono est né à N'Goulemakong près d’Ebolowa, au Cameroun en 1929. Il entre à l'école primaire en 1939. Plus tard il travaillera comme "boy" chez des missionnaires avec l'esprit d'aider sa mère. Il obtient son certificat d'études primaires, ce qui apporte un bonheur total à son père qui apprend la nouvelle dans le journal. Il entre ensuite au lycée d'Ebolowa avant d'aller continuer ses études en France au lycée de Provins où il obtient son baccalauréat en 1950. Il va à Paris pour y poursuivre les cours de la Faculté de Droits et de l'Ecole nationale d’administration (section diplomatique). Pendant ce temps, il utilise ses loisirs pour écrire.
Il débute en 1959 une brillante carrière de haut fonctionnaire avant de devenir ambassadeur du Cameroun dans divers postes (auprès des Nations unies à New York, en Algérie, en Libye, en Grande-Bretagne et en Scandinavie…). À partir de 1987, il participe à de nombreux gouvernements de son pays et assure la charge de différents ministères comme les Affaires étrangères ou la Culture.

2. Les œuvres

À la fin des années 50, Ferdinand Oyono publie en langue française trois romans qui ont trait à la vie quotidienne en Afrique à l'époque coloniale et qui, mettant en cause aussi bien l'administration que la police ou l'Église des missionnaires, feront scandale dans cette période de décolonisation.
Une vie de boy, publié en 1956, est centré sur le personnage de Joseph, boy du commandant blanc. Il y fait la critique et la démythification du des Blancs dont les traves sont mis à nu par le récit du narrateur enfant.
Le vieux nègre et la médaille, publié en 1956,
Chemin d'Europe, publié en 1960, raconte l'exploration plus ou moins du monde des Blancs dans une métropole africaine par un jeune homme qui veut se couper de ses racines et rêve d'Europe malgré les avertissements de son père.

II. La signification titre

Le titre choisi illustre bien cet esprit ironique et d’autodérision. L’auteur utilise le mot « nègre » terme péjoratif de connotation raciste ce qui peut paraître surprenant venant d’un écrivain noir en opposition avec le terme « médaille », terme positif, appréciatif. L’humour et l’ironie sont donc d’emblée présents dans le titre qui résume par là l’histoire du roman. Le nom « vieux » sans la présence du personnage dont il s’agit dans le roman montre une volonté universalisante de l’auteur pour mettre l’accent sur le contraste entre l’expérience et tout ce que des générations africaines ont fait : sa vie, la vie de ses enfants, ses biens, son cœur pour mériter non pas des médailles mais « une médaille ». Et quelle médaille : Méka sera bastonné la nuit même du jour qu’il a reçu cette médaille par ceux-là qui la lui ont donnée.

III. Résumé
Au début du roman, Meka doit visiter le commandant de son pays Doum et il pense que le commandant va le tuer. Mais en fait, Meka va recevoir une médaille en reconnaissance de son dévouement pour la France, d’être par conséquent « un ami des blancs. ». En effet, ses deux fils sont en combattant pour les français durant le seconde guerre mondiale et il a donné ses terres à la mission catholique. Durant la remise de la médaille le jour de la fête nationale française le 14 juillet, sa femme pleure ses deux fils et lui. Après le vin d’honneur, tous les noirs sont devenus ivres et M. Varini appelé aussi Gosier-d’Oiseau fait évacuer la salle du Foyer Européen. Dans la panique, on oublia et enferma le ivre Meka qui dormait à l’intérieur. L’orage éclate en ravageant la salle d’où sortit Meka titubant. Il perd sa médaille en allant chez Mami Titi. Il est arrêté dans la nuit, brutalisé et maltraité par des policiers trop zélés avant d’être conduit dans une prison o il sera encore humilié par Gosier d’Oiseau de qui il attendait une reconnaissance. Pendant le roman, Meka essaie d’aider des blancs et il suit des règles. Meka rentre chez lui et plonge toute la famille dans la stupeur causant pleurs et lamentations. Il se rend compte qu’il est un esclave des blancs, mais il n’essaie pas de combattre contre eux parce qu’il dit en bâillant : « Je ne suis plus qu’un vieil homme... »..

IV. Les personnages

Mis à part le héros Meka et quelques personnages, tous les autres personnages sont des personnages de faire-valoir, des silhouettes qui peuplent le roman. D’ailleurs certains personnages étaient déjà présents dans Une Vie de boy. Ils sont souvent des « personnages types » qui assument les caractères ou les souffrances d’une classe sociale, les indigènes, dont leurs rôles sont définis par la colonisation.
Meka est le héros. C’est un vieillard qui a fait la seconde guerre mondiale. Maintenant il vit tranquillement avec sa famille, même s’il a perdu ses deux fils à la guerre. Il offre ses terres à la mission catholique et a une fois à la nouvelle religion. Il est aimé du village de Doum et de sa famille qui l’assiste dans les meilleurs moments comme dans les pires, ainsi qu’il en est lorsqu’il a été maltraité par les policiers blancs.
Il y a sa femme Kelara, qui souffre pour ses fils perdus, mais aussi elle est toujours inquiète lorsque les blancs appellent son mari. Engamba le frère de sa femme et son épouse Amalia, Mvondo son neveu. Ses amis Nua et Nti. Mami Titi tient quant à elle un bar à la périphérie du quartier des indigènes, elle est également âgée.
On aussi le catéchiste africain, André Obébé qui sera chassé de la maison de Meka lorsque les blancs l'ont malmené. Le boy, et l’interprète qui sont ici des intermédiaires incontournables pour le service et la l’inter compréhension. Le tailleur Ela est un personnage « grossier », « fat » et « prétentieux » qui travaille le grec Angelopoulos ; Evina est aussi un ancien cuisinier des prêtres.
Les personnages du monde européen sont souvent caricaturés à l’image du Commandant de Doum qui va annoncer à Meka qu’on va lui remettre une médaille. Et le Chef des Blancs qui viendra de Timba.
Le Haut-commissaire de police M. Varini, surnommé Gosier-d’Oiseau, certainement à cause d’un cou qui ressemble à celui d’un oiseau, l’administrateur et organisateur de la cérémonie M. Fouconi que le narrateur décrit ainsi : « un jeune aux formes arrondies, à l’abondante chevelure noire et au large bassin que les Noirs avaient surnommé « l’à-côré-presque-femme » (p.98), le père Vandermayer. Le commerce est géré par les grecs Pipiniakis, Angelopoulos et Mme de Monroti avec la « buveuse de thé ».
Des régisseurs ou gardes de prison

V. Etude de quelques thèmes
L’œuvre aborde différents thèmes tels que l’alcoolisme, le christianisme, le colonialisme, la famille, la femme, la fête, la guerre, l’inégalité ou la ségrégation, le racisme, la tradition, la vieillesse, etc. A travers les thèmes qu’on a choisis d’étudier on constatera que les autres y sont inclus.

1. Le christianisme
Ce roman décrit les mésaventures du vieux Meka au sein de l’appareil colonial de son pays Pour le récompenser d’avoir donné ses terres à l’Eglise et ses deux fils à «la guerre où ils ont trouvé une mort glorieuse pour la France », le Haut-commissaire décide de l’honorer de la médaille de l’amitié euro-noire à l’occasion de la fête du 14 juillet. D’où le titre du roman.
Mais, au fait, la médaille est un prétexte que se donne Oyono pour révéler, à sa manière, la nature des rapports qui existent entre colonisateurs et colonisés dans la petite localité de Doum, lieu de l’action. L’action des missionnaires n’est différente de celle de leurs congénères laïcs. Oyono insiste d’une manière particulière sur le rôle inhibiteur de la religion catholique, véritable « opium du peuple », facteur d’assujettissement et de duperie. Sous le prétexte qu’elles «ont plu au bon Dieu», les missionnaires ont pris les terres de Meka. De plus, les ouvriers indigènes qui travaillent sur ces terres reçoivent pour tout salaire «le merci du prêtre, la communion ou la grâce et l’indulgence du bon Dieu ». Pourtant, même la confession n’est pas gratuite de l’autre côté! Oyono évoque aussi la ségrégation raciale que pratique l’Eglise à la Sainte Table et au Cimetière. Bref, cet écrivain jette un doute systématique sur les bonnes intentions de ceux qui prétendent sauver l’âme noire de la damnation. Il y est mis dans le même sac, laïcs et missionnaires blancs.

2. L’alcoolisme

Il joue un rôle important dans le roman. Instrument de ségrégation, l’alcool permet au narrateur de montrer que le Blanc dispose toujours pour les Noirs d’un succédané et garde le bon produit pour lui. Ainsi en est-il lors de la fête où le whisky circulait uniquement pour les Blancs. Aussi se sont-ils même retirés au Cercle Européen (p.126) chez Pipiniakis pour faire la fête. L’alcool représente également un moyen d’exploitation : on interdit la bière locale à base de banane ou de maïs pour écouler le vin importé de France. Et le prêtre se ravitaille chez les noirs en vin. (p.15) Par ailleurs, pour commettre leurs injustices, les blancs font soûler les indigènes.

3. La vieillesse
Cet âge est aussi important dans cette histoire. Le héros Méka en est un. Et beaucoup de personnages aussi comme ses amis naturellement. Ils sont tellement vieux qu’on ne connaît leur date de naissance, comme « Nua qui était comme lui sans âge. Il était sec comme une viande boucanée et avait la mâchoire continuellement en mouvement ». Il y avait aussi Nti qui était atteint d’Eléphantiasis. (p.24) Pour se convaincre on verra même que dès trente ans, Mvondô qui était le fils de sa sœur ressemblait à un vieux car n’ayant plus de cheveux, il était « comme un vieux lézard » (24)
Aussi le manque de respect et les brimades que lui font subir les policiers sont condamnables, et en Afrique le vieux est respecté. Cela témoigne de la cruauté et de la méchanceté des Blancs.

VI. L’écriture

1. L’humour et l’ironie dans le vieux nègre et la médaille

L’humour concerne tous les personnages, alors que l’ironie est faite plus souvent envers les Blancs. Dans l’ironie on voit l’implication du narrateur, alors que l’humour est entièrement prise en charge dans l’œuvre par les personnages.
On tourne en dérision notamment l’imposture, l’hypocrisie et le mensonge de l’entreprise coloniale dont sont victimes les indigènes du village de Doum, particulièrement Meka. Ainsi sont mises à nu la duplicité et la méchanceté de l’homme blanc, à travers ses représentants : le commissaire Gosier-d’Oiseau, le Révérend Père et le Commandant.
Le lecteur a plaisir à voir, par endroits, la façon dont certains personnages traitent les choses importantes tel cet interprète noir qui traduit le long discours du haut commissaire : « le grand chef blanc dit qu’il est très content de se trouver parmi vous, qu’il dit merci pour le bon accueil que vous lui avez fait. Puis il a parlé de la guerre que vous avez faite ensemble contre les autres Blancs de chez lui… et il a terminé en disant que nous sommes plus que ses amis, nous sommes ses frères, quelque chose comme ça… ». L’auteur utilise l’ironie pour faire une critique implicite de la colonisation. Même quand Meka parle on ne peut s’empêcher de sourire : «Ils ont de la chance de ne pas souffrir dans leurs chaussures » (p.100), façon de montrer qu’il ne se sent pas bien dans la culture adoptée.
Les sacrifices de Meka pour la nouvelle religion sont salués par son peuple dans un humour gai : « Pour les chrétiens de Doum, Meka était un grand favori dans la course au paradis » (p.17)

2. L’écriture mascarade
La fête nationale de la France du 14 juillet n’est rien d’autre qu’une mascarade pour encore une fois rappeler la domination de la puissance coloniale. La caricature de Meka dans son habillement européen, dans lequel il se sent mal à l’aise et en souffre au niveau des souliers montre que cette culture que ces noirs essaient d’arborer ne leur va pas.
Les proverbes dans le récit donnent une couleur locale à l’histoire. Le peuple africain dilue sa sagesse dans les proverbes : « Si ton cœur se met à battre en arrivant au terme de ton voyage, rebrousse chemin » (p.176) dit Engamba qui cherchait Meka au quartier des Blancs.
« La bouche qui a tété n’oublie pas la saveur du lait » (p.17)

3. Le merci du Blanc
L’hypocrisie du Blanc se comprend par le mot merci quand on considère le verbe « remercier » qui est polysémique. Il s’agit au-delà du fait qu’il signifie la bénédiction d’une action, d’une action de chasser quelqu’un poliment souvent. Ainsi en est-il de Meka qui reçoit de la part du Blanc suite à ce qu’il a fait pour eux, une médaille en fait de remerciement dans le sens de « on n’a plus besoin de toi car tu es vieux et tu n’as rien a donné ». Cela se confirme avec les visites du père de la mission catholique

VII. Portée de l’œuvre

Ce que Meka a fait est une sorte d’échange. En effet, du moins tel semble être le sens que lui donne la voix qui avait parlé dans le public : « Moi, je dis qu’on aurait mieux fait de l’habiller de médailles ! (...) Ce qu’a compris la femme de Meka Kelara. Le narrateur semble accuser alors la complicité des africains qui ont favorisé l’implantation des européens à travers les personnages de Meka. Aussi le sort de ce dernier est de souffrir l’ingratitude de la France, comme ce fut le cas pour Meka.
Il est alors compréhensif de noter la contradiction entre les valeurs que le haut commissaire défend dans son discours à savoir l’égalité et la fraternité entre tous les hommes et la réalité vécue par Meka qui croyait à l’amitié des Blancs jusqu’à les inviter prendre un repas chez lui. Parce que le haut commissaire Gosier d’Oiseau l’a humilié, celui-là même qui dans Une vie de boy avait battu jusqu’au sang le boy Toundi. Sans oublier la ségrégation lors du service du vin d’honneur : ils eurent du vin rouge alors que les Blancs buvaient du whisky. Les quartiers étaient séparés, et on malmenait un indigène qui osait franchir la frontière qui les séparait sans demander la permission. Le beau-frère de Meka failli en subir les conséquences en allant chercher celui-ci chez le commandant.

Conclusion

A travers Le vieux nègre et la médaille, c’est une sorte d’opposition classique chez Oyono qu’on vient de voir : la traditionnelle opposition d'un Noir naïf qui croit à l’amitié des Blancs hypocrites et sournois. C’est surtout l’ironie et l’humour caractéristiques de l’écriture de Oyono qu’on lit dans ce texte simple mais très dense. Ce livre de moins de deux cent pages résume les spécificités culturelles africaines et occidentales mais aussi les caractères et comportements de ces deux peuples à travers des thématiques variées à la fois traditionnelles et modernes. Cette médaille de Meka n’est-elle pas le symbole des visites de chefs d’Etats Européens ? Des aides répétées qui n’ont aucunes valeurs comparées au mal qu’ils ont fait subir aux africains ?
Lexique :
Autodérision : faire une plaisanterie, une moquerie, une raillerie visant sa propre personne.
Mascarade : fête de carnaval avec déguisement

mardi 20 mai 2008

L’Amour dans Le Père Goriot d’Honoré de Balzac

Introduction Les sentiments gouvernent le monde, ce n’est un secret pour personne. Et l’amour sur quoi repose toute relation est l’un des plus présents et des plus importants. Le père Goriot en offre une exploitation intéressante, étant donné que c’est la problématique de l’histoire. Remarquons que le mot et ses dérivés est présent 214 fois, dont le verbe « aimer » conjugué 140 fois. « L'amour à Paris ne ressemble en rien aux autres amours », dit Eugène de Rastignac. Cette affirmation suffit pour montrer l’importance de ce thème dans le roman, et la nécessité de l’étudier pour comprendre le roman. Le travail d’exploitation que nous proposons s’intéressera dès lors aux types d’amours qui se manifestent dans le roman, au rôle que ce thème joue, à la conception de l’amour au 19ème de l’auteur et à l’écriture de ce thème. I. Les types d’amour 1. L’amour filial Il s’agira surtout de cet amour que se vouent les personnages ayant des liens de parenté. L’amour est fondement de la famille, nul ne peut en douter, et cela justement par le fait que le père Goriot a toujours ce mot « amour » au bout des lèvres. En effet, l’amour de Goriot pour ses filles est légendaire, car il ne vit que pour et par cet amour. Cet amour paternel est même, à la limite, bizarre, suspect, puisque les personnages de la pension sont allés jusqu’à croire que ses filles étaient ses copines. Encore qu’on peut même soupçonner le père Goriot d’inceste « refoulé ». Aussi le narrateur peut-il dire que « Le dévouement irréfléchi, l'amour ombrageux et délicat que portait Goriot à ses filles était si connu ». Et aussi « Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour ». Cet amour est permissif, il pardonne tout, aussi occasionne-t-il l’exploitation, la ruse, la tricherie et la trahison. L’amour qu’il portait à sa fille est ainsi la cause de sa ruine; et pire, le père n’a jamais eu en retour l’amour qu’il avait offert. Eugène a de la chance, en sera-t-il de même pour ses sœurs ? En tout cas, elles ont de l’amour, sincère pour leur frère, car elle sacrifie leur argent pour lui, pour son bonheur, pour lui sauver la vie. Elles lui témoignent donc leur amour par le geste mais également par la parole. Dans la lettre de Laure à Rastignac, on peut en juger : « Adieu, cher frère, jamais lettre n'a porté tant de voeux faits pour ton bonheur, ni tant d'amour satisfait » et « Ta soeur qui t'aime », lui dit sa sœur. Au passage, on notera que autant l’amour que se portent mutuellement les sœurs d’Eugène, Laure et Agathe, est constructif et harmonieux, autant celui qui lie Anastasie de Restaud et sa sœur Delphine de Nucingen est empreint de rivalité, d’animosité. La raison, elle est résumée dans ce passage : « Restaud a de la naissance, sa femme a été adoptée, elle a été présentée ; mais sa soeur, sa riche soeur, la belle madame Delphine de Nucingen, femme d'un homme d'argent, meurt de chagrin ; la jalousie la dévore, elle est à cent lieues de sa soeur ; sa soeur n'est plus sa soeur ; ces deux femmes se renient entre elles comme elles renient leur père. Aussi, madame de Nucingen laperait−elle toute la boue qu'il y a entre la rue Saint−Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon. » Le prix que l’être qui vous aime vous attibue apparaît dans le mot « cher » qui accompagne le nom de la personne aimée. Ainsi se mesure souvent la sincérité du sentiment. Laure dira « cher frère » et dans la lettre de sa mère les expressions suivantes structurent le texte : « Mon cher enfant », « Mon cher fils », « cher enfant », « Adieu, cher enfant ». Et à sa cousine la Vicomtesse de Beauséant, Eugène retrouve l’assistance d’une parente, et sa reconnaissance n’a pas tardé : « Ma chère cousine, dit Eugène, vous m'avez déjà bien protégé ». Madame de Couture marque aussi ainsi l’amour qu’elle porte à sa nièce Victorine Taillefer. Elle lui dit dans un élan de protection : « − Remontons, ma chère petite, dit madame Couture, ces affaires−là ne nous regardent pas » Cette astuce est utilisée par Vautrin et par le père Goriot à l’endroit de Rastignac pour tisser une relation équivoque d’amour paternel. Vautrin lui prodiguant ses conseils dit : « La vertu, mon cher étudiant, ne se scinde pas ». Au total, on peut constater que cet amour là est surtout protecteur et constructif. Qu’en est-il de l’amour charnel ? 2. L’amour charnel Cet amour est le fondement de l’œuvre, du moment qu’il lie des personnages qui n’ont aucun lien de parenté. Cet amour-là qui débouche sur une satisfaction d’un désir charnel, sensuel. Cet amour est trop fort du moment qu’il a comme but un plaisir et surtout un désir à satisfaire. Et souvent, une fois le désir satisfait, cet amour a tendance à mourir, causant ainsi les pires désagréments et les pires désespoirs, si ce n’est la mort. Dans Paris, le désir est suscité par la coquetterie des femmes et non par l’amour. Le jeune provincial va donc entrer dans le monde de la passion et, d’emblée, juge la première beauté de Anastasie ainsi : « Mais pour Rastignac, madame Anastasie de Restaud fut la femme désirable » et la description qu’il en fait est digne des femmes du conte des Mille et une nuits et montre déjà qu’il succombe sous le charme de la parisienne : « Eugène sentit donc la fraîcheur épanouie des mains de cette femme sans avoir besoin d'y toucher. Il voyait, à travers le cachemire, les teintes rosées du corsage que le peignoir, légèrement entrouvert, laissait parfois à nu, et sur lequel son regard s'étalait. Les ressources du busc étaient inutiles à la comtesse, la ceinture marquait seule sa taille flexible, son cou invitait à l'amour, ses pieds étaient jolis dans les pantoufles. » Sur ce plan, Eugène n’est pas très différent de Goriot qui a eu aussi ses moments d’amour charnel, et « Sa femme (…) fut pour lui l'objet d'une admiration religieuse, d'un amour sans bornes. Goriot avait admiré en elle une nature frêle et forte, sensible et jolie, qui contrastait vigoureusement avec la sienne » Et Eugène en a saisi l’essentiel, par ce qu’il vient de découvrir c’est-à-dire qu’ « En possédant cette femme, Eugène s'aperçut que jusqu'alors il ne l'avait que désirée, il ne l'aima qu'au lendemain du bonheur : l'amour n'est peut−être que la reconnaissance du plaisir ». C’est le cas pour sa copine Delphine qui « aimait Rastignac autant que Tantale aurait aimé l'ange qui serait venu satisfaire sa faim, ou étancher la soif de son gosier desséché. Mais aussitôt les premiers élans de bonheur passés, il compris que sa vie ne sera plus comme avant, c’est-à-dire sans souci : « Il n'est plus aujourd'hui qu'une seule crainte, un seul malheur pour moi, c'est de perdre l'amour qui m'a fait sentir le plaisir de vivre ». Dans le roman, cet amour occupe une place privilégiée, et il est à l’origine de comportements aussi bizarres que vicieux. 3. L’amour fraternel On comprend dans cette partie l’amitié, et même la camaraderie, qu’elle soit passagère ou durable, le voisinage. La rareté d’un tel amour montre à quel point les gens de la société parisienne sont égoïstes et intéressés. Un tel amour ne se rencontre qu’avec les deux étudiants, Rastignac et son ami le docteur Bianchon. Au moment où il est inquiet, c’est à Bianchon qu’Eugène va se confier. Aussi lui avoue-t-il son souci ainsi : « − Eh bien ! Bianchon, je suis fou, guéris−moi. J'ai deux soeurs qui sont des anges de beauté, de candeur, et je veux qu'elles soient heureuses. Où prendre deux cent mille francs pour leur dot d'ici à cinq ans ? ». Aussi la confession est d’une telle sincérité qu’il lui répète : « − Merci, tu m'as fait du bien, Bianchon ! nous serons toujours amis » L’amitié est recherchée par tous les personnages qui sont autour de Rastignac. Vautrin pense que le seul réel sentiment est « une amitié d'homme à homme » et il dit au père Goriot qu’une fois en Amérique « Je vous enverrai les cigares de l'amitié » II. Le rôle de l’amour 1. L’amour et l’argent L’amour est le moyen souvent utilisé pour avoir de l’argent. La technique se trouve résumée dans la citation suivante : « Une nuit, après quelques singeries, vous déclarerez, entre deux baisers, deux cent mille francs de dettes à votre femme, en lui disant : " Mon amour ! " Ce vaudeville est joué tous les jours par les jeunes gens les plus distingués. Une jeune femme ne refuse pas sa bourse à celui qui lui prend le coeur. ». Aussi Quand Rastignac dit qu’il va réussir, il parle aussi bien en amour qu’en argent. Mais Vautrin l’avertit : « Vous irez coqueter chez quelque jolie femme et vous recevrez de l'argent. Vous y avez pensé ! dit Vautrin ; car, comment réussirez−vous, si vous n'escomptez pas votre amour ? ». Ce qui est remarquable dans cette société, c’est qu’il y est presque impossible d’avoir les deux. C’est comme courir deux lièvres à la fois. « Rastignac résolut d'ouvrir deux tranchées parallèles pour arriver à la fortune, de s'appuyer sur la science et sur l'amour (…). Il était encore bien enfant ! Ces deux lignes sont des asymptotes qui ne peuvent jamais se rejoindre. » Mais, lui, il est un victime de ce diable de Vautrin qui le forme sournoisement et répète dans ses oreilles la formule : « Or et amour à flots ! » L’argent est ainsi le seul moyen de plaire, semble dire Delphine à Rastignac : « Si je sens le bonheur d'être riche, c'est pour mieux vous plaire. ». L’amour et l’argent sont tellement liés dans ce roman que Victorine Taillefer « héritera de l'amour et de la fortune de son père » en même temps, si son frère venait à mourir, ce frère qui ne l’aime pas. 2. L’amour et le mariage Le mariage qui normalement est l’aboutissement des liens d’amour est synonyme de souffrance, de désespoir, de trahison. Tous les deux mariages des filles Goriot sont des échecs, et elles en souffrent énormément. C’est souvent une déception, un martyre, jamais un bonheur. Et même si le mariage au début réussit, il n’y a aucune chance dans cette ville qu’il en soit ainsi éternellement. C’est la raison pour laquelle le père Goriot s’en prend à l’institution du mariage en ces termes : « Pères, dites aux Chambres de faire une loi sur le mariage ! Enfin, ne mariez pas vos filles si vous les aimez. Le gendre est un scélérat qui gâte tout chez une fille, il souille tout. Plus de mariages ! ». Il a raison, car sa fille Delphine dit qu’elle a subi, dans son ménage, la violence et la brutalité, c’est pourquoi elle dit : « Le mariage est pour moi la plus horrible des déceptions ». Le mariage à Paris est souvent un contrat, une transaction commerciale et voilà que « Sur soixante beaux mariages qui ont lieu dans Paris, il y en a quarante−sept qui donnent lieu à des marchés semblables. » 3. L’amour, un pouvoir de domination L’amour est comme un « empire », il permet de commander l’autre. « Toutes les passions des hommes sont bien certainement excitées ou entretenues par l'une ou l'autre de ces deux causes, qui divisent l'empire amoureux » Le narrateur semble dire que les sentiments finissent toujours par devenir un moyen de domination, ce à quoi échappe le père Goriot, puisque sa femme meurt avant ce stade, ce qui explique que ses propres filles se soient chargées de terminer l’œuvre de leur mère : « Goriot, malheureusement pour lui, perdit sa femme ; elle commençait à prendre de l'empire sur lui, en dehors de la sphère des sentiments. » Anastasie contrôle son mari et lui soutire tout son argent, mais elle est à son tour trompée par son amant Monsieur de Trailles qui la ruine, elle et son père : « Il a fallu être amoureux fou, comme l'était Restaud, pour s'être enfariné de mademoiselle Anastasie. Oh ! il n'en sera pas le bon marchand ! Elle est entre les mains de monsieur de Trailles, qui la perdra » Ce pouvoir, Eugène voulait l’avoir sur Anastasie : « Cette femme, évidemment amoureuse de Maxime ; cette femme, maîtresse de son mari, liée secrètement au vieux vermicellier, lui semblait tout un mystère. Il voulait pénétrer ce mystère, espérant ainsi pouvoir régner en souverain sur cette femme si éminemment Parisienne. » III. L’amour au 19ème siècle IV. L’écriture de l’amour Le romancier est fidèle à sa technique du réalisme. En effet, pour mieux faire voir la réalité, il use souvent de figures de style, surtout la comparaison et la métaphore. Le thème l’amour est par ces moyens toujours présents. « Dieu est amour » dit la religion chrétienne, et Balzac ne se prive pas la Parole, quand il dit « Dieu n'aime le monde, parce que le monde n'est pas si beau que Dieu ». De la comparaison telle « L'amour et l'église veulent de belles nappes sur leurs autels », le narrateur file la métaphore de la religion par le biais d’un champ lexical de la religion très abondant. Citons cet exemple : « En s'initiant aux secrets domestiques de monsieur et madame de Nucingen, il s'était aperçu que, pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte, et renoncer aux nobles idées qui sont l'absolution des fautes de la jeunesse ». Parfois quand Eugène parle de l’amour que le père Goriot porte à ses filles on a l’impression qu’il parle de l’amour que Dieu, le Seigneur a pour les hommes. « Eugène ne pouvait pas se dissimuler que l'amour du père, qu'aucun intérêt personnel n'entachait, écrasait le sien par sa persistance et par son étendue. L'idole était toujours pure et belle pour le père, et son adoration s'accroissait de tout le passé comme de l'avenir ». Et le narrateur l’affirme clairement que l’amour « est une religion, et son culte doit coûter plus cher que celui de toutes les autres religions ». La technique de la répétition qui donne au roman des allures de roman d’amour fait partie de l’écriture de Balzac. Le roman est ainsi une sorte de parodie du roman à l’eau de rose, sauf qu’ici le dénouement est loin de celui des vrais romans d’amour qui se termine toujours, comme le fait remarquer Vautrin ironisant sur Victorine à il demandait de veiller sur Eugène qu’elle aime « ils furent considérés dans tout le pays, vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants. » Avant d’ajouter « Voilà comment finissent tous les romans d'amour ». Conclusion L’amour tue comme le poison. Quand bien sûr il n’est pas réciproque, ou quand il n’est pas partagé. Le père Goriot en est mort pour ses deux filles, mais il aura donné avant de partir quelques conseils à Rastignac. « J'avais trop d'amour pour elles pour qu'elles en eussent pour moi » dit-il. Une façon pour lui de dire qu’il faut toujours garder une partie de son amour pour soi-même. Aussi se culpabilise-t-il : « Moi seul suis coupable, mais coupable par amour », parce que « L'argent ne devient quelque chose qu'au moment où le sentiment n'est plus. ». Par ailleurs, Rastignac lui-même a lu quelque chose comme cela dans la lettre que sa maman lui a écrite et il en tremblait de terreur, c’est l’amour que lui porte sa mère. La grande philosophie que les personnages du roman devait comprendre était la suivante : « Le véritable amour payait pour le mauvais » amour.

mardi 13 mai 2008

Etude de L’Avare de Molière

Introduction

Une pièce comique est destinée à faire rire les spectateurs ou les lecteurs. Et pour définir la fonction de sa comédie, Molière dit « Castigat ridendo mores », autrement dit « Il châtie les mœurs en faisant rire ». Et pour cause, Jean Baptiste Poquelin de son vrai nom exploite les caractères des hommes pour composer ses pièces de théâtre. Pour résumer le monde de cette pièce L’Avare publié en 1668, il note « qu’un homme est avare, et qu’il prétend garder sa richesse ». Ce thème sera ainsi exploité dans sa perspective vicieuse tel qu'il est vu par le dramaturge, comédien et metteur en scène Molière. Afin d’analyser le texte, nous étudierons tour à tour les acteurs, le résumé de l’action, la structure, les thèmes et enfin la dramatisation.

I. Les acteurs
HARPAGON, père de Cléante et d'Élise, et amoureux de Mariane. Il est le personnage principal, un vieillard devenu une figure légendaire à cause de son vice : l’avarice, qui est son appât du gain qui fait de lui un usurier. Il aime l’or, la richesse et a peur qu’on le lui vole et il est amoureux.
CLÉANTE, fils d'Harpagon, amant de Mariane. ÉLISE, fille d'Harpagon, amante de Valère.VALÈRE, fils d'Anselme, et amant d'Élise. MARIANE, amante de Cléante, et aimée d'Harpagon. ANSELME, père de Valère et de Mariane. FROSINE, femme d'intrigue. MAITRE SIMON, courtier. MAITRE JACQUES, cuisinier et cocher d'Harpagon. LA FLÈCHE, valet de Cléante. DAME CLAUDE, servante d'Harpagon. BRINDAVOINE, LA MERLUCHE, laquais d'Harpagon. LE COMMISSAIRE ET SON CLERC.
La scène est à Paris.

II. Résumé

Veuf et extrêmement avare, Harpagon veut marier sa fille Élise à un vieillard fortuné, Anselme, disposé à la prendre sans dot. Mais Élise veut épouser Valère, qui s’est introduit chez Harpagon en se faisant engager comme intendant. Harpagon a aussi un fils, Cléante, qui aime Mariane, mais il a pour rival Harpagon lui-même. Pour aider son maître, La Flèche, le valet de Cléante, vole la cassette remplie d’or d’Harpagon. Accusé à tort, Valère révèle son amour pour Élise. Le procédé traditionnel de la reconnaissance permet de dénouer l’intrigue : Anselme reconnaît en Mariane et Valère ses enfants, qu’il croyait avoir perdus dans un naufrage. Valère et Élise pourront se marier, Cléante et Mariane de même, tandis qu’Harpagon est satisfait d’avoir retrouvé sa chère cassette.

III. Une structure en actes

Acte I - L'intrigue se passe à Paris. Le riche et avare Harpagon a deux enfants : Élise qui est amoureuse de Valère, un gentilhomme napolitain au service de son père en qualité d'intendant, et Cléante qui souhaite épouser Mariane, une jeune femme vivant chez sa mère sans fortune. Il ne supporte pas que l'avarice de son père contrarie ses projets amoureux. Harpagon est terrifié par une crainte obsédante : il a dissimulé dans le jardin, une cassette qui renferme dix mille écus d'or, il a peur qu’on la découvre et qu'on la lui vole. Soupçonneux, il se méfie de tout le monde, même de ses enfants, il va jusqu'à renvoyer La Flèche, le valet de Cléante. Finalement, il leur dévoile ses intentions : il va épouser Mariane, Élise est promise (sans apport de dot) à Anselme, un vieillard, et Cléante est destiné à une veuve. La jeune fille refuse énergiquement, son père demande à Valère de la convaincre.

Acte II - Cléante, qui ne peut compter sur son père, a un besoin urgent de quinze mille francs. La Flèche, son valet, se charge de lui trouver un préteur, un intermédiaire, Maître Simon, un courtier, l'informe des conditions qui relèvent de l'usure la plus outrancière. Révolté, il finit par découvrir que l'usurier n'est autre que son père ; une violente dispute les oppose. L'intrigante Frosine entre en scène, elle persuade Harpagon que Mariane est une femme qui préfère les hommes âgés et qu'elle serait disposée à se marier avec lui. L'avare est ennuyé par le manque de fortune de la jeune femme, mais Frosine le convainc qu'une personne pauvre qui ignore les dépenses, ne peut que lui convenir. L'intrigante veut se faire payer de ses services, mais Harpagon refuse et s'en va.

Acte III - À l'occasion de la signature du contrat de mariage, Harpagon a invité Mariane à dîner. Il fait des reproches à ses domestiques, et en particulier Maître Jacques, pour que les dépenses soient limitées. Le cuisinier proteste, l'intendant Valère soutient l'avare et prône l'économie ; une vive dispute s'ensuit au cours de laquelle Maître Jacques reçoit des coups de bâton, et dés lors ne songe plus qu'à se venger. Arrive Frosine qui introduit Mariane dans la maison, nerveuse à l'idée de rencontrer son futur époux. Quand celui-ci paraît, elle est dégoûtée par son physique, c'est à ce moment que Cléante arrive, elle reconnaît le jeune homme qui est l'objet de ses pensées. S'ensuit une conversation entre les amoureux, dans laquelle à mots voilés ils s'avouent leurs sentiments réciproques. Cléante retire une bague de grande valeur du doigt de son père, et l'offre en son nom propre à celle qu'il aime. Harpagon n'a pas véritablement compris la situation.

Acte IV - Les deux jeunes amoureux sollicitent Frosine pour qu'elle intervienne auprès du barbon, et qu'il renonce à son mariage insensé. Harpagon surprend son fils en train de baiser la main de Mariane, et conçoit des soupçons dont il veut s'assurer. Afin de sonder son fils et connaître ses espoirs, il prétend avoir changé ses projets et renoncé au mariage. Le fils naïf dit tout à son père, son amour pour la jeune fille et son désir de l'épouser ; furieux, Harpagon résiste mal à un accès de violence et le maudit. Maître Jacques intervient pour les séparer et les réconcilier : en aparté, il leur fait croire à chacun que l'autre a abandonné la partie. La réconciliation est de courte durée, la dispute reprend de plus belle et ne cesse qu’à l'arrivée de La Flèche, avec la cassette des dix mille écus d'or, qu'il a lui-même dérobée. Harpagon promet de trouver le coupable et de le châtier comme il se doit.

Acte V - Harpagon convoque un commissaire de police afin d'enquêter sur le vol de la cassette et, dans son délire d'avaricieux, il veut faire interroger tous les Parisiens. Par vengeance, Maître Jacques désigne Valère qui arrive à ce moment. On lui ordonne de s'expliquer et de reconnaître son crime. Malentendu, pensant que ses sentiments pour Élise sont connus, il admet qu'elle est secrètement sa fiancée. Une fois de plus Harpagon comprend avec retard et la fureur le reprend. Anselme, qui doit épouser Élise, entre en scène alors que Valère a commencé le récit de son histoire. Le vieillard comprend que Valère et Mariane sont les enfants d’Anselme, il était persuadé qu'ils avaient péri dans un naufrage, il y a fort longtemps. Cléante va épouser Mariane et Valère Élise. Harpagon accepte leurs mariages, tant que Anselme paye tout. Il reste seul avec sa cassette.

IV. Les thèmes

1. L’amour et le mariage


A la question de Valère, « que pouvez−vous craindre, Elise, dans les bontés que vous avez pour moi ? », Elise répond « Hélas ! cent choses à la fois : l'emportement d'un père, les reproches d'une famille, les censures du monde ; mais plus que tout, Valère, le changement de votre coeur, et cette froideur criminelle dont ceux de votre sexe payent le plus souvent les témoignages trop ardents d'une innocente amour. », et elle ajoute : « Tous les hommes sont semblables par les paroles ; et ce n'est
que les actions qui les découvrent différents ». Ceci montre bien que durant le 17ème siècle l’homme était souvent inconstant, ce qui fait peur à la fille. Elise pense que l’amour est un engagement trop sérieux que le mot aimer lui fait peur, surtout quand son frère Cléante lui avoue qu’il aime Mariane : « Vous êtes−vous engagé, mon frère, avec celle que vous aimez ? ».
Dans cette société, pour se marier, il ne suffit pas seulement de s’aimer, il faut en plus que la fille ait de l’argent qui constituera sa dote, gage qu’elle donne à l’homme. Cependant Harpagon, ne voulant pas dépenser pour sa fille, lui trouve un vieux qui accepte de l’épouser sans cette dote, mais surtout il veut se marier à une jeune fille pour son argent et trouver par la même occasion une femme à son fils Cléante afin de fructifier son argent. Bref l’avare ici pense s’enrichir par le commerce du mariage.

2. L’avarice et l’argent

Harpagon est si avare qu’il en vient à accuser un innocent de voleur, d’ailleurs il a ce mot au bout des lèvres. Aussi quand il veut cacher sa cassette d’argent il chasse La Flèche ainsi : « Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas. Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence ». Car pour lui, on peut voler son argent avec les yeux, car il qu’il ne veut pas que « les yeux maudits assiègent toutes [ses] actions, dévorent ce que [il] possède, et furètent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler ». Mais au fond Harpagon ne veut pas que les gens sachent qu’il a de l’argent. On rira presque de l’avarice de ce rat quand il économise sur tout jusqu’à penser ne pas porter des perruques qui coûteraient de l’argent : « C'est fort mal fait. Si vous êtes heureux au jeu, vous en devriez profiter, et mettre à l'honnête intérêt l'argent que vous gagnez afin de le trouver un jour. Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête, et si une demi-douzaine d'aiguillettes ne suffit pas pour attacher un haut-de-chausses ? Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien ».

V. La dramatisation

Dans cette comédie, Molière utilise tous les ressorts du comique, le comique de caractère en la personne d’Harpagon, le comique de situation — chaque personnage se présente sous un masque (à un moment de l’histoire chacun cache son amour) —, le comique de mœurs et de répétition et bien sûr le comique des mots, des gestes, hérité de la farce et du ballet, que Molière connaît bien. Dès lors, l’amour et la jeunesse peuvent à la fois se moquer de l’autorité qui veut les marier contre leur désir, et voir leurs entreprises couronnées de succès. Chaque personnage oscillant entre la feinte et le secret, l’Avare est une pièce qui permet à ceux qui voient en Molière un moraliste et ceux qui y voient un homme de théâtre inspiré de se réconcilier. Seule la comédie, en effet, permet de donner au jeu des masques toute sa puissance subversive, mais seule la vérité du désir devenant vérité de tous permet à la morale de s’imposer légitimement.

Conclusion

L’Avare est une sorte de mise en garde. On se défend souvent de ne pas être avare, et de traiter l’autre d’avare. Et fort justement Molière à raison de dire pour une simple définition qu’on prétend garder son argent pour justifier qu’on n’est pas avare. Toujours est-il qu’un certain degré d’avarice est une maladie. Heureusement pour Harpagon, cette maladie ne l’a pas tué, car c’est du théâtre et de la comédie, donc la mort ne peut en être l’issue. Qu’en serait dans la vraie vie ? Gardera-t-on notre argent éternellement ? Pour qui le garde-t-on ? Aura-t-on le temps de manger tout ce qu’on garde, si tel est bien sûr notre but ? Ces questions sont posées implicitement dans la pièce. Méditons-en !Annexe :

Quelques citations de la pièce :

« Sans dot ! Le moyen de résister à une raison comme celle-là ? » (Valère, acte I, scène V)
« Donner est un mot pour qui il a tant d’aversion, qu’il ne dit jamais : « Je vous donne », mais « Je vous prête le bonjour ». » (La Flèche, acte II, scène IV)
« Quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix.» (Harpagon à Maître Jacques, acte III, scène I)
«Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.» (Valère "soutenant Harpagon, acte III, scène I)
« Hélas ! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m'a privé de toi ; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde ! Sans toi, il m'est impossible de vivre. » (Harpagon, acte IV, scène 7)
«C'est être d'un naturel trop dur que de n'avoir nulle pitié de son prochain.» (Maître Jacques, acte III, scène 1)
« « Donner » est un mot pour qui il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais : « Je vous donne » mais « Je vous prête le bonjour.» (La flèche dit cela d’Harpagon, acte II, scène 4).
«Qui se sent morveux se mouche.» (Frosine parlant à Harpagon indirectement, acte I, scène 3)
«Qu'est-ce que cela, soixante ans ? C'est la fleur de l'âge et vous entrez maintenant dans la belle saison.» (Frosine se moquant de Harpagon, acte II, scène 5)
Vocabulaire difficile :

Un avaricieux : personne d'une avarice particulièrement sordide
Un intendant : personne chargée de gérer les affaires et des biens de quelqu’un, ici Valère gère celles de Harpagon.
La dot : Biens ou argent qu'une femme ou un homme apporte en se mariant. C’est la femme qui la donne ici.
Un courtier : personne dont le métier est de servir d'intermédiaire dans des transactions commerciales ou financières.
Une usure : pratique qui consiste à prêter de l'argent à un taux d'intérêt dépassant celui autorisé par la loi ou celui généralement pratiqué.
Un barbon : personnage de comédie incarnant un vieillard qui trouble les projets de jeunes héros.
Châtier : corriger.

Etude : L’argent dans Le Père Goriot d’Honoré de Balzac

Introduction

Dans Le Père Goriot, l’argent se décline en or, monnaie, pièce, sou, richesse, fortune, capital, brevet, banque, avoirs, valeurs, intérêt, reconnaissances, etc. Tous ces termes aussi commerciaux que banals sont utilisés selon les projets des personnages dans leur rapport avec l’argent. Le mot « argent » apparaît quatre-vingt-trois fois et le mot « fortune », soixante-quinze fois. L’occurrence de ces mots montrent à quel point le thème de l’argent est pertinent pour comprendre ce roman de Balzac, et ainsi la société parisienne dans la première moitié du 19ème siècle. Afin de saisir le rôle de l’argent dans ce texte, nous nous proposons d’étudier le pouvoir de l’argent et les conséquences qu’il entraîne.

I. Le pouvoir de l’argent

1. La signification de l’argent


Celui qui le plus connaît la signification de l’argent est le père Goriot, aussi quand il affirme que « l’argent, c’est la vie » p.208, on ne peut que vraiment y souscrire. Et dans ce roman, l’argent est synonyme beaucoup trop de choses qui sont les fondements de la vie. Et même Rastignac ne peut s’empêcher de répéter la boutade de Vautrin « Vautrin a raison, la fortune est la vertu ! » p. 89. L’argent permet de s’établir, mais aussi de manger ; et c’est pourquoi avoir du pain quotidien veut dire avoir de l’argent. Cette métaphore se retrouve dans la bouche Vautrin, qui porte parfois la voix du narrateur : « Je ne suis pas à plaindre, j’ai sur la planche du pain de cuit pour longtemps », il parle ici de la fortune dont il dispose pour être à l’abri du besoin pour le restant de sa vie. Et même le père Goriot ne fait pas la distinction entre les deux parlant du mari de sa fille, Delphine : « Croit-il que je puisse supporter pendant deux jours l’idée de te laisser sans fortune, sans pain ? ». L’argent donc signifie pour ces personnages noblesse, beauté, amour, respectabilité, bonheur.
Mais également, l’argent est souvent source de conflits, il est Satan, et on peut reprendre le proverbe « L’argent est le nerf de la guerre ». On verra que le roman en est une sorte d’illustration. Cela, les sages sœurs de Rastignac l’ont bien compris, et la lettre de leur frère, en les débarrassant de ce démon surnommé « argent » les fait exulter de gaieté : « Ta lettre est venue bien à propos, cher frère. Agathe et moi nous voulions employer notre argent de tant de manières différentes, que nous ne savions plus à quel achat nous résoudre. Tu as fait comme le domestique du roi d'Espagne quand il a renversé les montres de son maître, tu nous as mises d'accord. Vraiment, nous étions constamment en querelle pour celui de nos désirs " auquel nous donnerions la préférence, et nous n'avions pas deviné, mon bon Eugène, l'emploi qui comprenait tous nos désirs. Agathe a sauté de joie.»

2. L’importance de l’argent dans la société

L’argent est le fil d’Ariane qui relie tous les personnages. D’abord le père Goriot ne voit ces filles que lorsqu’elles ont besoin d’argent ; et lui-même le confirme, car à chaque fois qu’il les voit il leur demande si elles ont des problèmes d’argent. C’est que, en fait, il les a mariées de manière morganatique (un mariage réalisé avec une personne de rang inférieur). L’allemand Nucingen est devenu baron en épousant la baronne Delphine. Et « Delphine aimait l'argent : elle épousa Nucingen, banquier d'origine allemande qui devint baron du Saint−Empire. ». Aussi les filles de Goriot se cherchent-elles des amants d’occasion ; Maxime de Trailles pour Anastasie de Restaud, Eugène de Rastignac pour Delphine de Nucingen. Autant le premier est sans scrupule, autant Rastignac est plein d’humanité. Et Madame Vauquer ne voit en ces pensionnaires que des sous, tandiq que Vautrin se lie à Rastignac pour lui faire parvenir dans cette jungle parisienne, il représente le « diable », le « tentateur ». A ce couple, on ajoute Victorine Taillefer qui estime Vautrin car sachant que son santé financière viendra de lui.
Au fond, chez Goriot, l’argent est synonyme de ses enfants, aussi regrette-t-il de ne plus en avoir, car cela est synonyme d’abandon. « L'argent donne tout, même des filles. Oh ! mon argent, où est−il ? Si j'avais des trésors à laisser, elles me panseraient, elles me soigneraient ; je les entendrais ; je les verrais. »
L’argent permet de se bien placer sur l’échelle sociale. Cet ascenseur social utilisé par les filles Goriot est le même qui a décliné la famille d'Eugène de Rastignac qui explique qu’ils ont perdu leur titre de chevalier de Rastignac le jour où le roi a fait perdre la fortune à la famille.
L’argent permet de se blanchir, de devenir ce que l’on veut, qui l’on veut. Il ennoblit. « Si je réussis, personne ne me demandera : Qui es-tu? Je serais monsieur Quatre-Millions, citoyen des Etats-Unis », affirme Vautrin.

II. L’impact de l’argent

1. La recherche de profit


Etudier la recherche du profit équivaut à reconsidérer la vie de Vautrin, cet homme d’expérience qui s’est, semble-t-il, essayé à tous les moyens avant de devenir riche, car il dit souvent « ça me connaît ». Et c’est lui qui lance les deux slogans qui résument comment il faut être et ce qu’il faut pour s’enrichir dans cette boue parisienne : « L'honnêteté ne sert à rien » et « La corruption est en force, le talent est rare », avance-t-il.
Tous les moyens, semble-t-il, sont bons pour avoir de l’argent. Presque tous moyens de recherche de profit se rencontrent dans la ville de Paris. Mais le plus courant, et le moins coupable paraît être la spéculation, méthode qui a fait la fortune du père Goriot. « Oui, ce Moriot a été président de sa section pendant la Révolution ; il a été dans le secret de la fameuse disette, et a commencé sa fortune par vendre dans ce temps−là des farines dix fois plus qu'elles ne lui coûtaient. Il en a eu tant qu'il en a voulu. L'intendant de ma grand−mère lui en a vendu pour des sommes immenses. », dit madame de Langeais.
Toutefois, cette habileté n’est pas donnée à tout le monde, aussi faut-il d’autres voies pour les autres personnages, mais des voies souvent trop malhonnêtes de telle sorte que le Père Goriot est devenu un saint devant tous ces « chasseurs » comme aime à le dire Vautrin.
Prêteur sur gage, tel est le métier du marquis d'Ajuda et du comte de Trailles. Et Vautrin aussi connaissait le système, puisqu’il voulait y entraîner le jeune Rastignac qui s’en est tiré de justesse, grâce à un autre moyen, le jeu. En effet, la roue de la fortune, c’est également le jeu de hasard. Et de la chance, le héros en a, car il y gagna sept milles francs. Aussi en profita-t-il pour envoyer de l’argent à sa mère et ses sœurs qui lui ont envoyé de l’argent pour le soutenir, pour dire au moins la vertu qui habite le jeune Rastignac.
Le vol, peut-être le premier métier de Vautrin, parce qu’il est recherché comme receleur d’un groupe de voleur surnommé « la Société des Dix Mille », « une association de hauts voleurs, de gens qui travaillent en grand, et ne se mêlent pas d'une affaire où il n'y a pas dix mille francs à gagner » selon les renseignement du chef de la police M. Gondureau.
La délation Mademoiselle Michonneau et M. Poiret ne seront pas en reste dans cette course à la richesse. Eux, ils ont choisi leur formule, dénoncer Vautrin alias Jean Collin ou Trompe-la-Mort pour empocher la mise promise à celui qui aidera à confondre le bandit. Il fallait s’y attendre de la part de la vieille demoiselle Michonneau d’autant plus que le narrateur l’avait soupçonnée d’avidité dès le début de l’histoire.
Le père Goriot est victime du chantage affectif de ses propres filles. Aussi ne se doutait-il à aucun moment de leur amour, et s’appauvrissait pour le compte de leurs maris et amants.
Le chantage amoureux, c’est l’expédient utilisé par le mari de Delphine ainsi que l’amant d’Anastasie, Maxime de Trailles dont le dernier coût réussi à merveilles lui permit de disparaître de la vie de cette dernière. «Monsieur de Trailles est parti, laissant ici des dettes énormes, et j'ai su qu'il me trompait » finit par comprendre trop tard Anastasie. Voilà ce que Vautrin propose aussi à Rastignac s’il veut s’enrichir, par le biais d'un mariage avec Victorine Taillefer qui héritera de son père si son frère venait à mourir. Et partant, le crime est suggéré par Vautrin, sauf qu’il avoue même que d’autres façons l’ont remplacé aujourd’hui. Aussi va-t-il orchestrer la mort du frère de Victorine.
Le concubinage, la prostitution et l’adultère semblent être banalisés, tolérés dans ce monde où seul le gain importe. Toutes les allusions sur le passé de Mme Vauquer tendent à la désigner comme quelqu’une qui s’est enrichie dans le juteux marché de la prostitution, ce qui justifierait qu’elle se cache d’être riche.
Le seul moyen catholique pour se procurer honnêtement de l’argent reste, comme toujours bien sûr, le travail. Mais dans cette société où le travail n’offre que le minimum pour subsister, Vautrin est certain qu’il faut d’autres moyens, et il dit à Rastignac « Le travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer à des gars de la force de Poiret. ». Et Rastignac le sait bien.

2. L’argent, l’amour et la mort

L’obsession de l’argent. L’argent devient pour les habitants de Paris une fixation. Et le récit s’offre ainsi comme une longue complainte dont le refrain est « Si j’étais riche ». Rastignac, au moment de faire ses premiers pas dans la société parisienne lance ce souhait « Si j'étais riche, se dit−il en changeant une pièce de trente sous qu'il avait prise en cas de malheur, je serais allé en voiture, j'aurais pu penser à mon aise.» En plus, à chaque fois, cette idée revient comme une hantise « − Et de l'argent ! lui criait sa conscience, où donc en prendras−tu ?». Rastignac maintenant « se demandait où et comment il se procurerait de l'argent. »
Le père Goriot aussi le sait bien quand il dit « ? Si j'avais des trésors à laisser, elles me panseraient, elles me soigneraient ; je les entendrais ; je les verrais. » Voilà ce qui fait que la réduction de la fortune est annonciatrice de mort et fait chaque demande d’argent équivaut chez Goriot à « un coup de hache » ou à « une noyade ». La mort du père Goriot ne coïncide-t-elle pas avec la fin de sa richesse ?
L’absence de fortune est aussi synonyme de perte d’amour. Les filles de Goriot se ruinent pour se faire aimer : Anastasie est escroquée par Maxime de Trailles et le baron de Nucingen vole Delphine. Pour Eugène de Rastignac, il compte d’abord trouver une femme, et s’enrichir. Mais son seul problème est qu’il a des scrupules, de sorte que le père Goriot dit de lui :« monsieur de Rastignac est un jeune homme incapable de ruiner sa maîtresse ». C’est la raison pour laquelle Vautrin le met en garde que les deux s’excluent, et qu’il faudra choisir.
Les sentiments d’amour et l’argent ne font pas bon ménage. En effet pour avoir la fortune, il ne faut pas aimer ou bien il ne faut pas le découvrir, tel est le conseil que la vicomtesse de Beauséant donne à son neveu Rastignac : « Voyez−vous, vous ne serez rien ici si vous n'avez pas une femme qui s'intéresse à vous. Il vous la faut jeune, riche, élégante. Mais si vous avez un sentiment vrai, cachez−le comme un trésor ; ne le laissez jamais soupçonner, vous seriez perdu. Vous ne seriez plus le bourreau, vous deviendriez la victime. ».
On voit bien que l’amour, la vie, la mort et l’argent sont inséparables. Même l’amour familial est ici abîme par l’argent « Ce père avait tout donné. Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour ; il avait donné sa fortune en un jour », remarque madame de Langeais. Et quand Rastignac qui sait la situation de sa famille écrit des lettres pour leur demander de l’argent, il sait que sa vie est en jeu, ce qu’il exprime en ces termes : « si je n'avais pas cet argent, je serais en proie à un désespoir qui me conduirait à me brûler la cervelle. ». Ces quelques exemples montrent combien l’argent est source de vie dans ce roman.

Conclusion

De l’argent honnêtement gagné est souvent bien dépensé. C’est au fond ce que nous apprend la mère de Rastignac qui lui dit après lui avoir envoyé de l’argent : « Fais un bon emploi de cet argent ». Dans un monde où l’argent règne comme un roi, il serait sacrilège d’ « être sur la paille », comme le dit le père Goriot. On aura été, au moins le temps d’une lecture, des analystes commerciaux, et qu’on aura compris les rouages de la spéculation pour ne pas « déposer son bilan ». Qu’est-ce qu’on aura pas appris dès lors dans Le Père Goriot? Sachant tous les dégâts occasionnés par l’argent, ne faut-il pas jubiler à la manière d’Agathe si sa perte nous ôte de nos soucis ? Nous soumettons cette interrogation à la méditation de chacun, et enfin conseillons la lecture des deux lettres de la mère d’Eugène et de ses deux sœurs, comme si elles nous étaient adressées.

Vocabulaire difficile :

Expédient : moyen, parfois peu honnête ou peu régulier, de résoudre momentanément une difficulté
Obsession : ce qui occupe l'esprit de manière régulière, involontaire
Spéculation : opération qui consiste à tenter d'anticiper les variations du prix d'un bien économique pour tirer profit de sa vente ou de son achat
Délation : trahison et dénonciation malveillantes
Chantage : moyen de pression exercé pour soutirer de l'argent
Bourreau : personne chargée d’exécuter une victime.
Brevet (d’invention) : titre pour un inventeur de pouvoir gagner de l’argent sur ce qu’il a inventé.
Reconnaissance (de dettes) : document écrit par lequel une personne se déclare emprunteur d'une somme d'argent envers une autre personne.
Déposer son bilan : état des biens et des dettes (d'une entreprise) au terme d'un exercice comptable. Ici c’est faire faillite, dans le contexte du père Goriot.
Etre sur la paille : être dans la misère, ne plus avoir de l’argent.
Rouage : moyen


Extraits :

La lettre de la mère d’Eugène

« Vers la fin de cette première semaine du mois de décembre, Rastignac reçut deux lettres, l'une de sa mère, l'autre de sa soeur aînée. Ces écritures si connues le firent à la fois palpiter d'aise et trembler de terreur. Ces deux frêles papiers contenaient un arrêt de vie ou de mort sur ses espérances. S'il concevait quelque terreur en se rappelant la détresse de ses parents, il avait trop bien éprouvé leur prédilection pour ne pas craindre d'avoir aspiré leurs dernières gouttes de sang. La lettre de sa mère était ainsi conçue. "Mon cher enfant, je t'envoie ce que tu m'as demandé. Fais un bon emploi de cet argent, je ne pourrais, quand il s'agirait de te sauver la vie, trouver une seconde fois une somme si considérable sans que ton père en fût instruit, ce qui troublerait l'harmonie de notre ménage. Pour nous la procurer, nous serions obligés de donner des garanties sur notre terre. Il m'est impossible de juger le mérite de projets que je ne connais pas ; mais de quelle nature sont−ils donc pour te faire craindre de me les confier ? Cette explication ne demandait pas des volumes, il ne nous faut qu'un mot à nous autres mères, et ce mot m'aurait évité les angoisses de l'incertitude. Je ne saurais te cacher l'impression douloureuse que ta lettre m'a causée. Mon cher fils, quel est donc le sentiment qui t'a contraint à jeter un tel effroi dans mon coeur ? tu as dû bien souffrir en m'écrivant, car j'ai bien souffert en te lisant. Dans quelle carrière t'engages−tu donc ? Ta vie, ton bonheur seraient attachés à paraître ce que tu n'es pas, à voir un monde où tu ne saurais aller sans faire des dépenses d'argent que tu ne peux soutenir, sans perdre un temps précieux pour tes études ? Mon bon Eugène, crois−en le cœur de ta mère, les voies tortueuses ne mènent à rien de grand. La patience et la résignation doivent être les vertus des jeunes gens qui sont dans ta position. Je ne te gronde pas, je ne voudrais communiquer à notre offrande aucune amertume. Mes paroles sont celles d'une mère aussi confiante que prévoyante. Si tu sais quelles sont tes obligations, je sais, moi, combien ton coeur est pur, combien tes intentions sont excellentes. Aussi puis−je te dire sans crainte : Va, mon bien−aimé, marche ! Je tremble parce que je suis mère ; mais chacun de tes pas sera tendrement accompagné de nos voeux et de nos bénédictions. Sois prudent, cher enfant. Tu dois être sage comme un homme, les destinées de cinq personnes qui te sont chères reposent sur ta tête. Oui, toutes nos fortunes sont en toi, comme ton bonheur est le nôtre. »

La lettre de ses sœurs

« dieu, cher enfant. Je ne dirai rien de tes soeurs : Laure t'écrit. Je lui laisse le plaisir de babiller sur les petits événements de la famille. Fasse le ciel que tu réussisses ! "Oh ! oui, réussis, mon Eugène, tu m'as fait connaître une douleur trop vive pour que je puisse la supporter une seconde fois. J'ai su ce que c'était d'être pauvre, en désirant la fortune pour la donner à mon enfant. Allons, adieu. Ne nous laisse pas sans nouvelles, et prends ici le baiser que ta mère t'envoie. "

Quand Eugène eut achevé cette lettre, il était en pleurs, il pensait au père Goriot tordant son vermeil et le vendant pour aller payer la lettre de change de sa fille. " Ta mère a tordu ses bijoux ! se disait−il. Ta tante a pleuré sans doute en vendant quelques−unes de ses reliques ! De quel droit maudirais−tu Anastasie ? Tu viens d'imiter pour l'égoïsme de ton avenir ce qu'elle a fait pour son amant ! Qui, d'elle ou de toi, vaut mieux ? " L'étudiant se sentit les entrailles rongées par une sensation de chaleur intolérable. Il voulait
renoncer au monde, il voulait ne pas prendre cet argent. Il éprouva ces nobles et beaux remords secrets dont le mérite est rarement apprécié par les hommes quand ils jugent leurs semblables…

« " Ta lettre est venue bien à propos, cher frère. Agathe et moi nous voulions employer notre argent de tant de manières différentes, que nous ne savions plus à quel achat nous résoudre. Tu as fait comme le domestique du roi d'Espagne quand il a renversé les montres de son maître, tu nous as mises d'accord. Vraiment, nous étions constamment en querelle pour celui de nos désirs " auquel nous donnerions la préférence, et nous n'avions pas deviné, mon bon Eugène, l'emploi qui comprenait tous nos désirs. Agathe a sauté de joie.»
Rastignac « − Oh ! oui, se dit Eugène, oui, la fortune à tout prix ! Des trésors ne payeraient pas ce dévouement. Je voudrais leur apporter tous les bonheurs ensemble. Quinze cent cinquante francs ! se dit−il après une pause. Il faut que chaque pièce porte coup ! Laure a raison. Nom d'une femme ! je n'ai que des chemises de grosse toile. Pour le bonheur d'un autre, une jeune fille devient rusée autant qu'un voleur. Innocente pour elle et prévoyante pour moi, elle est comme l'ange du ciel qui pardonne les fautes de la terre sans les comprendre. »

Etude de La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire

Introduction

L’une des pièces de théâtre historique les plus lus et plus joués, La tragédie du roi Christophe est l’œuvre qui a surtout été compris par le peuple noir. Cette pièce mise en scène par Serreau a été jouée lors du festival des arts nègres à Dakar en 1966. Publiée en 1963, cette pièce de théâtre n'en finit pas de faire sensation. C’est que son action retrace la lutte des noirs pour leur liberté et leur indépendance, mais aussi le destin des pays noirs transparaît à travers le devenir de l’action du roi Christophe qui résume les nouveaux dirigeants de ces nouveaux pays. Cette étude que nous proposons s’articulera autour des axes suivants : La vie et l’œuvre du dramaturge, le résumé de la pièce, la structure, les personnages, les thèmes et la dramaturgie de Césaire.

I. L’homme et l’oeuvre

1. La vie de l’auteur


Issu d’une famille modeste de Fort-de-France, écrivain et homme d’action, Aimé Césaire est né le 26 juin 1913, à Basse-Pointe au nord de la Martinique et fait partie d’une famille de sept enfants. Son père est enseignant et sa mère une couturière A l’âge de six ans, il entre à l’école primaire. Après une bonne scolarité au lycée de sa ville natale, Aimé Césaire obtient une bourse afin de poursuivre ses études à Paris au lycée Louis-le-Grand.
1932-1933, Césaire entre à hypokhâgne à Louis-le-Grand, où il fait la connaissance de Ousmane Socé, puis de Léopold Sédar Senghor.
Césaire réussit au concours d’entrée à l’ENS en 1935. Il voyage en Martinique et commence à écrire le Cahier. En 1937 Césaire épouse Mlle Roussy. 1937 voit la naissance de son premier enfant et il vient de terminer le Cahier qu’il publiera en 1939 dans la revue Volontés.
Césaire et sa femme Suzanne Césaire sont affectés comme professeurs au lycée Victor –Schoelcher de Fort-de-France. Césaire est élu député-maire de la ville sous les couleurs du Parti Communiste Français (PCF) qu’il quittera en 1956 et adresse à l’occasion une lettre à Maurice Thorez. Il renonce à la députation en 1993. Il quitte la politique sans la quittant carrément, il soutient la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007. Le 9 avril il est hospitalisé et il décède le 17 avril 2008 à Fort-de-France

2. L’œuvre de Césaire

Ecrivain prolixe, Césaire publie plusieurs ouvrages :
Les armes miraculeuses, (poésie), 1946 ; Soleil cou coupé, (poésie), 1948 ; Corps perdu, (poésie), 1949 ; Discours sur le colonialisme, (essai), 1955 ; Lettres à Maurice Thorez, 1956 ; Et les chiens se taisaient, (poésie puis théâtre), 1956 ; Ferrements, (poésie), 1960 ; Cadastre, (poésie), 1961 ; Toussaint Louverture, (historique), 1962 ; La tragédie du roi Christophe, (théâtre), 1963 ; Une saison au Congo, (1967) ; Une tempête, (théâtre), 1969 ; Œuvres complètes, 1976 ; Moi, laminaire…, 1982.

II. Le résumé de l’intrigue

La pièce est précédée d’un prologue mettant en scène un combat de coqs, l’un surnommé Christophe, l’autre Pétion. Sinon l’action débute avec la visite de Pétion envoyé par le Sénat proposer à Christophe la présidence. Celui-ci refuse flairant le complot pour l’écarter du pouvoir en lui offrant un pouvoir vide. Ainsi se révolte-t-il contre les mulâtres et se proclame roi d’Haïti. Dès lors le pays est divisé entre les partisans de Christophe dont son secrétaire Vastey et ceux qui s’allient avec la puissance coloniale. Il s’en suivit la cérémonie de couronnement célébrée par l’archevêque Corneille Brelle, puis la prestation de serment du roi. Il maîtrise la rébellion dirigée par Metellus. Contre Pétion, il propose la réunification de l’Etat, mais le Sénat complote derrière son dos. Christophe décide de la construction d’une Citadelle, symbole de la puissance d’Haïti et force le peuple au travail. Il fait exécuter un paysan qui ne travaille pas et emploie les filles au travail de construction. Ne supportant pas ces excès, Corneille Brelle demande le repos pendant que Hugonin organise un mariage collectif pour éviter la débauche. Christophe donne l’ordre de supprimer l’archevêque. Mais au cours de la messe de l’Assomption, Christophe est paralysé par le spectre de Corneille Brelle. Il commence à prendre conscience et rêve d’une dernière victoire et se prépare à se suicider. Après sa mort, sa femme, un page africain et Vastey disent sa grande destinée.

III. La structure de la pièce

La structure de la pièce en trois actes facilite la compréhension de la progression de l’action. En gros chaque acte est centré sur le héros Christophe. Ainsi on a la structure suivante.

Acte I : La conquête du pouvoir et le couronnement de Christophe. Dans cette partie, Christophe s’oppose à Pétion qui est mandaté par le Sénat pour écarter Christophe du pouvoir. Ce dernier non seulement refuse mais fait une sécession et se proclame le roi d’Haïti. Il organise son couronnement, par une fête.

Acte II : Après son couronnent, ce fut la guerre civile. Une bonne partie du peuple est contre le roi Christophe, notamment les bourgeois, certains paysans, ses propres généraux le trahissent sans compter la puissance extérieure.

Acte III : Malgré les avertissements surtout de sa femme, Christophe s’entête à mener le pays avec une main de fer, et sa tyrannie, ses travaux forcés et sa démesure achève son règne, au moment où pourtant il commençait à faire sa prise de conscience.

IV. Les personnages

1. Le héros : Henri Christophe

Christophe est un ancien cuisinier, puis général devenu le roi d’Haïti. Cette ascension montre déjà son destin exceptionnel, mais aussi tragique, puisqu’il lutte pour la liberté et l’indépendance de son peuple. Il est un roi excessif et autoritaire, qu’il explique par le travail pour arriver au niveau des autres, « je demande trop aux hommes mais pas assez aux nègres », dira-t-il. Dans son projet de faire oublier le passé d’esclavage et de créer un avenir meilleur, il oblige, comme un tyran, le peuple à travailler dure, jusqu’à même tuer les fainéants. Ses excès sont jugés cruels par le peuple qu’il veut libérer par le travail, car pour lui il n’y a point de fatigue donc pas de repos ni de congé. Pour unifier l’Etat, il s’attaque au siège de Pétion à Port-au-Prince. Toutefois il va prendre conscience de son action un peu trop tard, et son échec sera synonyme de sa mort. Aussi dit-il à la fin, « j’ai voulu forcer l’énigme de ce peuple à la traîne » (p. 140)

2. Les adjuvants du roi Christophe


Vastey : Il est le secrétaire du roi, et plus acquis à sa cause, à son idéal. Il comprend bien son roi et ses projets, et par conséquent les défend devant ses rivaux. Il dirige en fait la politique de Christophe, car c’est lui essaie de convaincre le peuple de la façon à agir pour régler les problème du pays. Cependant malgré son intelligence à prévoir les problèmes, il ne s’est pas opposé à Christophe pour infléchir ses décisions par de sages conseils.

Hugonin : Dans la pièce de théâtre, il est caractérisé comme « un mélange de parasite, de bouffon et d’argent politique » qui accompagne toujours le roi. Il occupe le rôle de courtisan qu’on connaît dans le théâtre classique. C’est lui qui, dans le marché, divertit le peuple par ses chansons et ses commentaires. Dès fois très grotesque, il parvient à détendre par des plaisanteries une atmosphère un peu tragique. Mais derrière ce masque de bouffon se cache un sage capable de dire la vérité et émettre une critique sans blesser le roi. Aussi ramène-t-il le roi Christophe à la raison en lui disant que « les peuples vont de leur pas, Majesté » (Acte III, scène 6). Il transforma parfois donc la scène en une petite comédie, et instruit en faisant rire.

Madame Christophe : Elle était une servante à l’auberge de la couronne (Acte 1, scène 7). C’est un personnage simple, humble et très lucide. Elle averti son mari de sa démesure et le refrène durant ses moments d’aveuglement. Patiente épouse, elle assiste son mari jusqu’à sa mort.

Chanlatte : Il est le poète national.

3. Les opposants du roi.

Pétion : Il est mulâtre et c’est lui qui essaie de tromper Christophe en lui offrant un pouvoir « sans croûte ni mie ». Il est envoyé par le sénat et il veut surtout le pouvoir et s’allier au roi français Louis XVIII. Bon parleur, il défend la cause des mulâtres. Cependant ses manœuvres machiavéliques vont se retourner contre lui, et il est remplacé par Boyer.

Métellus : Il est un guerrier accompli. Même s’il est contre Christophe, il n’est pas avec Pétion. Il était le compagnon de lutte de Toussaint Louverture et est prêt à donner sa vie pour l’unité de la nation. Il est sur le plan héroïque le double de Christophe.

Corneille Brelle puis Juan de Dios Gonzales : Ils représentent la religion et l’église catholique. Ce sont des Blancs. Corneille Brelle revendique le droit de repos et le roi le soupçonne d’être un allié des Blancs pour déstabiliser son régime. D’ailleurs c’est son spectre qui va frapper le roi Christophe. Aussi est-il remplacé lors de la cérémonie de couronnement. Le second, avec ce nom d’origine espagnole est une sorte de parasite et n’inspire pas confiance non plus

Les autres personnages
Le duc de la Limonade, le duc de Dondon, le duc de Sale-Trou, le duc de Plaisance, Magny… A travers le nom exotique de la France métropolitaine, se cache une volonté de critiquer la puissance occidentale. Ils seront les premiers à trahir le roi.

V. Les thèmes

Les thèmes développés par Césaire dans cette pièce sont nombreux. L’esclavage, l’exploitation, la politique, l’économie, les infrastructures, l’indépendance, la liberté, la révolte ou rébellion, la famille, la guerre, la confiance, la trahison, la colonisation, la tradition vaudou, le travail, la démesure du héros, la solitude du héros, l’héroïsme, etc. La lecture de cette pièce permet d’en saisir l’importance, et cette variété des thèmes s’explique par le fait qu’ici il s’agit de la création d’un Etat, et un Etat, c’est tout.

VI. La dramaturgie de Césaire

Dans la dramaturgie de Césaire, tout repose sur le temps historique et l’espace scénique à la fois réel et idéal. Brièvement on peut les étudier comme suit :

1. Espace et temps dans la tragédie

a) Le temps

Le premier acte est consacré à la période qui couvre 1806 à 1812, c’est-à-dire du moment de sa sécession jusqu’à la célébration de l’anniversaire de son couronnement.

Les actes II et III occupent un temps historique de huit (8) ans et mettent en scène le règne de Christophe jusqu’à sa mort en 1820.
Ainsi le dramaturge ne prend en compte que les moments significatifs de la vie de la cour royale ainsi que les décisions importantes qui ont été prises et qui ont abouti à la fin tragique.

b) L’espace

L’espace est souvent précisé dans la pièce. On le marché du Cap, le palais, la cathédrale du Cap, le champ de bataille, devant Port-au-Prince, au Sénat, dans un salon bourgeois, etc. Ces indications de lieux précises créent en quelque sorte la vraisemblance. Et le roi parcours presque tous les lieux, ce qui fait que la scène est très mobile
Césaire exploite le prologue avec un début qui met en scène un combat de coqs. Ainsi il annonce, voire résume le ressort de la pièce. Mais à l’intérieur de la pièce les péripéties sont entrecoupées de divers types théâtraux :

2. Un théâtre total

- le vaudeville : le vaudeville est une comédie légère dont l'intrigue repose essentiellement sur le quiproquo ou malentendu, le rebondissement et les situations grivoises, grossières. Hugonin est l’acteur accompli de ce vaudeville. Durant la fête, la plaisanterie en offre des exemples : « Dis donc la belle, ce n’est pas du rapadou que je veux, c’est de toi, doudou ! Pas de tassau ! Te donner l’assaut, ma doudou ! »
- le ballet : C’est une chorégraphie réalisée par une troupe de danseurs. On a le ballet durant la fête de couronnement du roi Christophe.
Le dramaturge réalise ici un théâtre total en exploitant à la fois la musique, le chant et la danse.

Conclusion

La tragédie du roi Christophe est devenue un classique du genre. Ne respectant pas les règles de la tragédie classique, elle est surtout un mélange des techniques modernes et anciennes de théâtre, et on pourrait même dire qu’elle est un drame africain, tellement il est original et s’écarte des théâtres occidentaux. Le comique et le tragique s’annule, le vaudeville s’y exprime, l’histoire est le fil d’Ariane qui mène de bout à bout l’action, et la musique, le chant et la danse sous forme de ballet fait de cette pièce un théâtre total, un théâtre africain.