dimanche 16 mars 2008

La politique dans Phèdre de Jean Racine



Introduction


De ses origines, la tragédie fut politique par nature, car elle traitait des problèmes de la vie de la Cité. La tragédie classique est une méditation fondamentale sur les grands problèmes politiques (l’essence du pouvoir, l’exercice de l’autorité, les successions, les guerres, les séditions, la raison d’Etat, etc.)
La tragédie c'est aussi une œuvre dramatique qui représente des personnages de haute condition aux prises à des conflits intérieurs et au destin exceptionnel. Pour explorer la politique, nous exposerons tour à tour la position des forces politiques et le théâtre et la politique.

II. La position des forces politiques

1. La géopolitique


Ce concept désigne l’influence de l’environnement géographique, économique, social et culturel sur la politique d’une nation et sur la nature de ses relations avec d’autres nations. Dans Phèdre, la géopolitique est favorisée par la proximité des territoires d'Athènes, de Trézène et de Crète, mais aussi par la passion entre les différents protagonistes de la pièce, en l'occurrence Phèdre, Hyppolite et Aricie. Avant l'annonce de la mort de Thésée, le problème ne se posait pas. Le royaume était un. L'absence du roi fut un motif pour redéfinir la politique de gestion de la royauté.
On sait que La Crète appartenait à la famille de Phèdre. Mais sa position de reine la met dans la meilleure position de réclamer le trône.
Quant à Aricie, elle est esclave, mais elle reste l'héritière légitime d'Athènes. Hyppolite est alors un peu l'apatride. A priori, aucune patrie ne lui revient s'il ne se bat pas, même s'il peut réclamer Trézène où il a été élevé et qu'il y bénéficie des faveurs du peuple.

2. La passion au service de la quête du pouvoir

Racine mêle le plus souvent de façon inextricable les passions et les « grands intérêts de l’Etat ».
La mort supposée de Thésée, annoncée par Panope libère les passions, et aussi les intérêts politiques tus jusque-là. Ce qui pousse d'emblée Hyppolite à revendiquer le trône d'Athènes dès la scène 4 de l'Acte d'exposition.
Hyppolite va essayer de s'allier à Aricie qu'il aime et qui l'aime pour s'accaparer la totalité du royaume.
Dans l'autre camp, celui de Phèdre, Oenone va s'employer activement auprès de sa maîtresse pour la conquête du pouvoir, et elle dit "Le roi n'est plus, Madame; il faut prendre sa place" (p. 58) En d'autres termes, elle lui rappelle qu'elle est désormais la reine en attendant que son fils grandisse. Dans l'entendement de Phèdre, le pouvoir est aussi un moyen pour conquérir l'amour de son beau-fils qu'elle sait qu'il est intéressé par le royaume de son père. En ce moment Hyppolite décide de partir pour Athènes à la fin de l'Acte III, à la scène 4 (P. 81) pour installer Aricie sur le trône. Aussi dit-il à Théramène : "Partons; et quelque prix qu'il en puisse….."
La politique est donc omniprésente: le pouvoir sert ou on se sert de lui. Ainsi Phèdre compte utiliser le pouvoir pour conquérir son beau-fils. Celui-ci par contre veut à la fois et le pouvoir et l'amour d'Aricie. Enfin Aricie, elle, peut passer par la passion d'Hyppolite pour récupérer le territoire perdu par sa famille. On a comme l'impression que tous les moyens sont donc bons pour arriver à ses fins en politique.
En définitive, on aura compris ici que tout s'entremêle : les affaires étatiques et celles des cœurs, grâce notamment aux rôles non moins importants des conseillers ou entremetteurs, c'est selon.

3. L’unification et la fin tragique

L'arrivée – ou la résurrection du Roi Thésée suffit pour démêler tout cela, mais de manière tragique. Ce qui justifie que les quêtes des trois personnages devenaient impossibles. Comme quoi l'amour et la politique ne font pas bon ménage. Les intrigues les précipitent tous dans l'échec et la mort. Le retour du roi est par là un coup de théâtre qui suspend les désirs et fait taire les prétentions des trois. Il y avait comme une conspiration, un complot, un coup d'Etat du roi, d'autant plus que sa mort n'a jamais été confirmée. Chose plus grave, Thésée ne soupçonne rien de ce qui concerne l'intrigue politique en son absence. Seules les passions sont avouées. Mais la décision du roi et père le fait comprendre : Hyppolite est déshérité pour avoir aimé Aricie.

III. Théâtre et politique

1. Racine et la cour royale


A "l’automne 1677, la carrière de Racine prit un tournant sa pièce, Phèdre, malgré son succès immense, fut attaquée violemment par ses ennemis qui dénoncèrent le caractère scandaleux de son intrigue". Sous l’influence de Madame de Maintenon, épouse du roi, la Cour adoptait des mesures de moralité qui s’accordait mal avec l’art théâtral, traditionnellement jugé impie (contraire à la religion) par l’Église. "Soucieux de prendre ses distances avec le théâtre, Racine décida alors d’abandonner la scène. Il eut d’ailleurs bientôt l’honneur, en même temps que son ami Boileau, d’être nommé historiographe du roi, charge très honorifique et très lucrative"
La parution de Phèdre coïncide avec la nomination de Racine, historiographe roi. On sait également que Racine affectionne la politique comme thème de tragédie, en témoigne ses pièces Britannicus (1667) et Bérénice (1670). Dans celui-ci il voulut peindre un "un monstre naissant" et offrit finalement un monstre politique. Pour dire que le thème de la politique lui colle à la peau. L'introduction du personnage d'Aricie est semble-t-il un prétexte pour corser le problème passionnel, pour le rendre vraiment impossible, éclairant par là même la situation sans issue de la passion de Phèdre pour Hyppolite. Mais plus elle pose un problème politique à trois niveaux : chez Phèdre, Hyppolite et Aricie qui convoite le pouvoir. Racine s'est sans doute inspiré des intrigues politiques de la cour, ou veut-il prouver que la passion mène à tout, y compris aux problèmes d'Etat.

2. La théâtralisation de la vie politique

On sait que la tragédie classique mettait en scène des personnages de haute condition, souvent des aristocrates. Alors la mise en scène du roi et de sa famille était un sujet fréquent. Le lieu constitué d'un palais suggère déjà qu'en toile de fond il y aura des affaires politiques en jeu. Les acteurs politiques ont été identifiés en haut, à savoir Thésée, son épouse Phèdre, son fils Hyppolite et son esclave Aricie. Et la mort supposée de Thésée n'a pas seulement libéré les passions, mais elle a été l'occasion de théâtraliser une sorte de guerre de succession. Alors ce qui est fondamentalement en jeu ici c'est, pour Phèdre, de réussir à avoir et la gloire et l'amour, à être pure et incestueuse. On assiste donc à une théâtralisation des aspirations profondes de l'héroïne.
La politique telle qu'elle est menée par ces acteurs est l'expression des appétits inavoués. Hyppolite ne surprend personne, d'ailleurs sa mère était la reine des Amazones, donc des barbares. Phèdre est la fille d'une mère qui a donné naissance à un monstre, le minotaure. Enfin Thésée a tué le père d'Aricie pour s'emparer d'Athènes et prendre celle-ci en captivité. Bref, la ruse et la barbarie, dissimulées sous le masque carnavalesque de la passion, vont perdre devant la puissance de la royauté (Thésée) et de la divinité (Vénus).



Conclusion

On a vu que la politique est un sujet qui offre des possibilités immenses au dramaturge. Et, même s'il est relégué au second plan par Racine, il n'en demeure pas moins que son étude constitue un bon moyen de comprendre l'histoire de la pièce. D'ailleurs, Ce thème de la passion est en quelque sorte l'approfondissement de celui de sa pièce antérieure Mithridate (1673) : "lorsqu’elle apprend la mort du roi du Pont, Mithridate, à qui elle était promise, Monime confesse son amour à l’un des deux fils de celui-ci, Xipharès. Mais l’annonce du décès se révèle bientôt n’être qu’une rumeur infondée, et l’amour de Xipharès et de Monime, dénoncé par le frère intrigant, Pharnace, prend un caractère scandaleux. La trahison de Pharnace, gagné à la cause des Romains, finit cependant par convaincre Mithridate mourant de sceller l’amour du jeune couple".
La politique est donc le nerf de la passion.



Sources :
Phèdre de Racine, Nouveaux classiques illustrés Hachette, 1988.
Collection Microsoft Encarta 2006

1 commentaire:

bizzouz a dit…

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